Ernesto Trémolo
Auteur | Louis De Contes |
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Illustratrice | Fabienne Savarit |
Editeur | A2mimo – 2023 |
Quand je vais chez grand-père, il me raconte des tas d’histoires.
Mais il me parle surtout de toi… son monstre de la nuit !
Cher monstre, existes-tu vraiment ?
Mots-clés : monstre, nuit, grands-parents
Présentation générale
Pour la première fois, Nicolas va passer ses vacances chez son grand-père. Il s’ennuie un peu. Alors son grand-père lui raconte que, lorsqu’il était petit, il avait connu le monstre de la nuit, qui, brusquement avait disparu. L’enfant décide d’écrire à ce monstre pour savoir s’il a vraiment existé.
Ce sont donc les échanges épistolaires entre Nicolas et le monstre que nous suivons dans cet album, jusqu’au départ de Nicolas à la fin des vacances.
Nos commentaires
Le début de l’histoire est un peu ambigu. C’est le grand-père qui commence à parler de son monstre à Nicolas. Il aiguise sa curiosité sur cet être bizarre. Evidemment, Nicolas veut en savoir plus. A quoi ressemble-t-il ce monstre ? Que fait-il ? Pourquoi son grand-père est-il triste quand il en parle ? C’est la première lettre que l’enfant envoie au monstre.
Aussitôt, celui-ci lui répond et le dissuade de continuer cette correspondance. Il lui dit qu’il se sent délaissé, abandonné, transparent…
Voilà de quoi relancer l’imagination de Nicolas qui se met à le chercher partout dans la maison et souhaiterait qu’il vienne pour stimuler son papy qui « tourne en rond » quand il est seul. Pour susciter la curiosité du monstre, il lui raconte ce que lui en dit son grand-père qui donne moult détails sur sa description et n’hésite pas à s’en moquer pour faire rire l’enfant.
Le monstre, piqué au vif, va se livrer. Le grand-père l’a oublié, il ne servait plus à rien….alors que quand il était petit, il était son jouet favori et son partenaire de jeu. Il souhaiterait revivre ces moments de complicité.
Nicolas comprend bien que son grand-père va se retrouver seul quand il va partir et suggère au monstre de revenir après son départ pour retrouver son compagnon de jeu.
Etrangement, l’histoire se termine sur une lettre du grand-père à son petit-fils. Il lui raconte qu’il sent la présence du monstre autour de lui et que cela lui donnera des choses à raconter quand ils se reverront.
Derrière ces échanges, on sent des sentiments que les enfants exprimeront peut-être : Pourquoi le grand-père est-il triste et vit-il difficilement sa solitude ? Vient-il de perdre sa femme ? Les bruits de la maison auxquels il est de nouveau attentif lui rappellent-ils ces moments qu’il a vécus enfant dans cette même demeure ?
Se retrouver seul avec son petit-fils pour la première fois ravive évidemment ses souvenirs d’enfant, ses jeux, ses jouets qu’il évoque et ce monstre qui lui faisait peur. C’est une belle occasion d’échanges entre les deux générations sur des sensations qu’ils ont connues tous les deux : la peur de la nuit, les bruits qu’on interprète, l’imagination d’une présence extérieure dans la chambre…
Du côté de Nicolas, les sentiments sont un peu mélangés. Il ne veut pas croire les histoires de son grand-père, mais il aimerait bien quand même qu’elles aient existé. Comme tous les enfants il aime avoir peur, mais dans un espace de sécurité. Quand il interpelle le monstre, il aimerait une matérialisation mentale qui le ferait vivre dans son esprit. Il voudrait partager les souvenirs de son aïeul. Et surtout il pense que ces souvenirs pourraient lui redonner de la vie, des sourires, de la surprise. Avoir une troisième personne dans la maison amènerait de l’animation et un vécu commun.
Le passage où le monstre se nomme, se présente comme Ernesto Trémolo, lui donne vie et un sens plus humain. On hésite sur le sens à accorder à « trémolo » dans son nom : s’agit-il de vibrations de pleurs ? de voix ? de musique ? D’ailleurs, c’est à partir de ce moment que le monstre va grandir, prendre tout l’espace de la page et devenir plus fort : « Chaque souvenir, chaque histoire évoquée me rend plus fort.. »
Et c’est là que les échanges entre Nicolas et le monstre s’arrêtent, avec le départ de l’enfant. C’est aussi là que le grand-père écrit à son petit-fils pour lui donner de ses nouvelles. Il lui fait part du retour d’Ernesto, de son nouvel état d’âme depuis qu’il a retrouvé son compagnon et de sa hâte de revoir l’enfant pour tout lui raconter, une lettre pleine de joie, de plaisir et d’attente de partages…
Beaucoup de blancs restent à combler dans cette histoire. Tout n’est pas dit ; tout peut être interprété de différentes façons.
On peut penser que c’est le grand-père qui a inventé le monstre pour occuper son petit-fils qui s’ennuyait chez lui. Ce serait alors lui qui aurait répondu aux lettres de Nicolas, en relançant les demandes à chaque fois pour se dévoiler un peu plus : comment il était bébé, où il a enfermé le monstre, pourquoi il en avait peur, pourquoi aussi « il se sent moins transparent » depuis qu’il raconte sa vie à l’enfant. On sent ainsi le grand-père s’animer peu à peu : il crie, il mime, il raconte…Cette hypothèse va assez bien avec les deux dernières missives dans laquelle Ernesto, le monstre, dit que « chaque souvenir, chaque histoire évoquée avec toi me rend plus fort. » Et cette question sensible : « Tu reviens bientôt pour les vacances ? » […] « J’ai hâte de tout te raconter ».
On peut également imaginer que c’est Nicolas qui a monté cet échange pour écrire à son grand-père et lui faire ouvrir sa boîte à souvenirs, pour lui redonner le sourire, pour partager des moments avec lui, pour se forger des souvenirs communs et le sortir de sa solitude.
A chacun de remplir comme il le veut ces espaces de non-dits ou de leur donner une place dans le fantastique de cet album.
La place de l’illustration est importante puisque toutes les pages sont des dessins dans lesquels est insérée la correspondance. Louise de Contes a emprunté le style enfantin pour faire des épures douces et simples. On aperçoit des ombres derrière les arbres, puis les pattes griffues du monstre tenant une lettre, ses jambes qui pédalent avant qu’il envahisse tout l’espace avec ses écailles et ses formes multiples : est-il éléphant ? serpent ? ours ? renard ?…La palette de couleurs reste celle de la nuit avec ses dégradés de bleus, verts et gris , les étoiles et les éclairages de la maison venant seuls donner un peu de lumière. Mais l’album est tout sauf sombre. Il est plein de tendresse, de partages et de surprises.
Les enfants qui voudront absolument se forger une idée sur les correspondants pourront aussi s’amuser à observer les typographies utilisées dans les lettres et à interroger la troisième de couverture où la boîte aux lettres est représentée…
Notre avis
Voilà un bel album qui s’adresse aux petits lecteurs en leur proposant différents niveaux de lecture, dans un questionnement qu’ils ont sûrement encore : Pourquoi aime-t-on avoir peur ? Pourquoi, comme le grand-père, peut-on regretter ce qui nous a fait peur ?
C’est aussi la narration d’une belle relation entre générations, pleine de rêves, de frissons et d’attention à l’autre. Une histoire sensible et amusante, pas aussi simple qu’elle paraît…
Pour aller plus loin
- Une interview de l’auteure Fabienne Savarit pour en savoir un peu plus sur son inspiration, son écriture, sa collaboration pour créer l’album.
- Deux albums qui reprennent des thématiques de l’album :
*Fanny et la nuit de Maylis Daufresne et Ian De Haes – Alice Jeunesse / 2019, un coup de coeur de notre association
Une petite fille a peur de la nuit. Sa maman lui conseille de parler avec elle pour l’apprivoiser.
*Papy raconte n’importe quoi de Sylvaine Jaoui et Marianne Barcillon – Ecole des Loisirs / 2020
Un enfant qui dort chez son papy a peur du monstre de la nuit. Il appelle son grand-père à l’aide…