Les petites sorcière – Tildir la catastrophe

Auteure | Anne-Fleur Multon |
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Illustratrice | Violette Grabski |
Editeur | Sarbacane-coll Pocus premier roman – 2024 |
A 10 ans, Tildir n’a toujours pas découvert son pouvoir magique. Et quand on vient d’une grande famille de sorcières, c’est une catastrophe ! En plus, il y a urgence : comme chaque petite sorcière, Tildir doit partir faire son apprentissage. Juchée sur son vélo, sa rate apprivoisée sur l’épaule, elle se met en route…en quête de sa magie !
Mots-clés : sorcière, identité, courage, initiation, émotions, famille, liberté
Présentation générale
Tildir habite une petite ville posée tout au bord du ciel, sur une très haute montagne. Elle appartient à une famille où l’on est sorcière de mère en fille, une Très Grande Lignée de sorcières. Ses deux sœurs, Zülal et Elif, se sont illustrées dès l’enfance par la qualité de leurs dons. Seule Tildir pour le moment n’est arrivée à rien. Sa seule compétence c’est le bricolage et les réparations…pas trop difficiles. Ses deux rêves sont donc : avoir un vélo (même si elle doit comme d’habitude récupérer celui de ses sœurs…) et réussir enfin à faire de la magie. Arrive le solstice d’hiver, jour spécial pour les sorcières, surtout celles de dix ans, ce qui est le cas de Tildir : elle doit revêtir une robe de sorcière spécialement confectionnée par sa mère, enfourcher un balai et partir vivre un an loin de chez elle afin d’apprendre une spécialité magique dont elle fera ensuite son métier. L’épreuve commence mal : Tildir ne sait pas faire démarrer un balai…Pour éviter trop de honte, elle fait son baluchon en cachette, embarque son animal de compagnie, une rate très intelligente et très drôle nommée Jupitère, revêt la robe spéciale et prend la route en vélo pendant la nuit. L’aventure démarre dangereusement : une pente verglacée jusqu’à la ville d’en bas, une chute de vélo dans la neige…Mais l’épisode se termine bien et les deux copines arrivent à la gare où Tildir fait la connaissance de Soizic qui est chauffeuse de car, ce qui impressionne beaucoup la petite fille : Vous devez être très musclée ! Tildir et Jupitère embarquent dans l’autocar de Soizic pour aller jusqu’au bout de la terre. Quand le car tombe en panne, qui va réussir à réparer le moteur ? Notre petite sorcière bien sûr, grâce à son fameux couteau suisse qui pourrait bien être un peu magique…Au bout du voyage, il y a l’Océan que Tildir n’a jamais vu, bien loin de l’Observatoire de sa maman, et Tildir à l’arrivée est un peu perdue…Soizic l’invite à dormir chez sa grand-mère un peu spéciale qui se prénomme Bleue et qui habite dans un phare dont elle était la gardienne du temps où il fonctionnait. Complicité immédiate entre Tildir et la vieille dame, à tel point que la petite décide de tenter la réparation du phare…Et une fois de plus son pouvoir magique opère ! Elle comprend alors que son don de sorcière est de consoler le chagrin des mécaniques cassées, à la grande joie de Bleue.
Mais Tildir n’en reste pas là. Avec Bleue elle a repéré un bateau en plein naufrage. Elle saute alors sur son vélo en entraînant Jupitère avec elle et miraculeusement, au dernier moment quand tout semble perdu, le vélo se met à surfer sur les vagues et réussit à rejoindre le bateau en détresse. L’hélice en est bloquée par un filet de pêche. Et là…troisième sauvetage magique : Tildir répare l’hélice et ramène le chalutier à bon port. Elle y est accueillie comme la petite héroïne qu’elle est devenue par les sauveteurs en mer qui lui proposent d’intégrer leur équipe, dans la Section Spéciale Sorcières, et de devenir l’une des leurs. Tildir a la surprise de retrouver sa mère et ses sœurs venues la rejoindre pour l’encourager. Tout se termine par le Meilleur Petit Déjeuner du Monde, partagé entre tous et installé sur le port… comme par magie !!
Notre avis
Pocus premiers romans est la nouvelle collection de Sarbacane. Elle s’adresse aux 7-9 ans et propose aux jeunes lecteurs une entrée en littérature ouverte sur l’imaginaire, par le biais du romanesque et de personnages tendres et attachants. La série des petites sorcières comportera quatre tomes, chacun racontant la première grande aventure de petites héroïnes au caractère bien trempé, des petites sorcières contemporaines. Tildir la catastrophe est le premier de la série.
Nous avons eu beaucoup de plaisir à lire ce petit roman.
Nous avons aimé :
- Son rythme, son dynamisme. On ne s’ennuie pas avec Tildir, en suivant les péripéties de ses aventures. Les chapitres sont courts. L’écriture est soutenue mais accessible, le texte est aéré, il y a beaucoup de dialogues, pleins d’humour, de suspense et de tendresse aussi. Beaucoup d’onomatopées également qui « électrisent » le texte. C’est ainsi que les trois réparations magiques réussies par Tildir se reconnaissent à leur bruitage semblable et réjouissant : Il y eut deux étincelles. FIZZ ! FIZZ ! Un toussotement KOFF !! Un gros éclair bleu ZAPSH ! L’autrice joue de la typographie et rend ainsi son texte très vivant : taille de police, utilisation des lettres capitales, ponctuations, disposition des mots, tout cela « oralise » avec bonheur le texte même en lecture silencieuse ! Et en lecture à voix haute, quel plaisir !
On passe d’un rebondissement à l’autre, la chute de vélo dans la neige, la panne de l’autocar, les réparations miraculeuses, le sauvetage en mer à bord d’un vélo-surf, et ils alternent avec de jolis moments d’émotion…
• Son côté joyeusement anticonformiste. Anne-Fleur Multon est une féministe convaincue. C’est ainsi que nous nous retrouvons ici dans une communauté matriarcale de sorcières modernes et plutôt bienveillantes, très « humaines » au bout du compte. Tildir, sa mère, ses sœurs mais aussi Soizic et Bleue, sont des femmes et des filles débrouillardes, curieuses, prêtes à l’aventure et à l’action, qui affirment leur personnalité et leurs choix. A chaque personnela singularité de son don, magique ou autre, en toute liberté.
Avec Tildir on est loin des clichés de la méchante sorcière aux pouvoirs maléfiques. On est également loin des stéréotypes féminins. Elle est bricoleuse, aventureuse, curieuse, gentiment impertinente (voir les premières scènes en classe avec la maîtresse !), gourmande et sacrément dégourdie. Quand il s’agit de réparer le car de Soizic, elle se révèle bien plus douée que le monsieur à grosse moustache. Mais il n’y a pas de systématisme dans ce regard porté sur les filles. Quand il faut choisir le cadeau auquel elle a droit après avoir passé sa première nuit loin de la maison, Tildir choisit le Meilleur Petit Déjeuner du Monde à partager avec sa mère, ses sœurs et ses nouveaux amis. Sa sœur Elif, dubitative, se rappelle, elle, qu’elle avait demandé les Baskets Perpétuellement A La Mode qu’elle adore toujours. On peut être fille bricoleuse mais on peut aussi être fille « à la mode », l’important est d’être libre de ses choix.
• Ses moments « sérieux » où chaque enfant pourra se reconnaitre, et le beau regard porté sur les relations familiales et amicales. Tildir est consciente que les adultes espèrent d’elle quelque chose qu’elle n’est pas sûre de trouver. Elle n’est pas certaine non plus de cocher toutes les cases que l’on attend d’elle. D’où ses inquiétudes. Sera-t-elle à la hauteur de ses sœurs, de sa mère, de sa grand-mère ? Elle ressent des peurs comme tout le monde, cela lui arrive de pleurer, elle a parfois du chagrin. Ce n’est pas toujours une « super héroïne ». Mais au bout du compte sa volonté, son courage, sa détermination seront plus forts. Et elle accueillera en elle son pouvoir. La maman l’accompagne, de près et de loin, mais elle la laisse libre. Sur la robe de petite sorcière qu’elle a cousue pour Tildir en chantant dans le vent du soir pendant plusieurs nuits pour fabriquer la fibre noire, la mère a laissé un message : Je t’aime et je te fais confiance, que ta route soit pavée d’étoiles. Il y a ainsi dans le texte de jolis passages poétiques. Chacune de ces filles et de ces femmes donne au lecteur un réjouissant sentiment de générosité, de solidarité et de complicité.
• Ses illustrations :Très nombreuses, elles se tissent joliment au texte. Violette Grabski, artiste belge, manie l’aquarelle avec douceur, rondeur et poésie. Elle utilise beaucoup de bleu et de jaune pour l’histoire de Tildir, ce qui crée une belle harmonie. En pleine page, en vignettes ou tout petits dessins comme semés au hasard des pages, ces illustrations sont un vrai bonheur. La rate Jupitère en profite pleinement et avec humour, avec son casque en coquille de noix.
Première page :portrait en pied de Tildir, tout juste dix ans, petite sorcière bricoleuse. Dernière page, nouveau portrait en pied de Tildir, dix ans, Sauveteuse en Mer Section Spéciale Sorcière ! Courageuse, bricoleuse et téméraire. L’heure de la reconnaissance a sonné ! De demi-sorcière à sorcière accomplie, Tildir a cessé d’être Tildir la catastrophe…
Le tome 2 des Petites Sorcières est déjà paru. Même autrice, autre illustratrice, autre petite sorcière. Il a pour titre Maud Champignon.
Et nous avons bien envie de le découvrir !
Le film de Miyasaki, Kiki la petite sorcière, reprend un peu le même thème de départ que Tildir. A 13 ans, Kiki doit quitter ses parents et s’établir pendant un an dans une autre ville, en exerçant un métier lié à son état de sorcière.