Hana et le vent

Hana et le vent
Auteure

Joëlle Veyrenc

Illustratrice

Seng Soun Ratanavanh

Editeur

Flammarion Jeunesse – 2022

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IL ETAIT UNE FOIS UN PETIT VILLAGE DE PAPIER en haut d’une montagne. Les habitants, minces et légers, y menaient une vie agréable, si ce n’est leur grande peur du vent. Chacun apprenait depuis l’enfance à mettre des poids dans ses poches lorsque soufflaient les vents d’automne. Mais un jour survint une bourrasque inattendue, puis un souffle puissant et continu provenant du village sur la montagne en face. Ce n’était pourtant pas l’automne ! Hana, une fillette frêle et silencieuse, eut alors une idée pour faire cesser ce grand danger.

Un conte original, humaniste et d’une incroyable délicatesse, une histoire d’entraide et de partage, en papier découpé.

Mots-clés : amitié, peur, courage, différence, solidarité

Présentation générale

Washimura est un beau village de papier, délicat et très fragile. Lorsque les vents d’automne soufflent, il faut arrimer les maisons et les arbres pour qu’ils ne s’envolent pas. Les êtres humains, minces et légers, doivent alourdir leurs poches. En face, de l’autre côté d’un précipice, il y a un deuxième village, Vert Sylver, dont les habitants de Washimura connaissent l’existence mais dont ils ne savent rien. Hana est une petite fille qui habite le village de papier, elle est experte en l’art du « kirigami ». Elle excelle en effet à plier et à découper le papier.
Un jour, alors que ce n’est pas encore l’automne, d’inhabituels coups de vent inquiètent la population qui, armée de jumelles, essaie de comprendre d’où cela peut venir. Là-bas, en face, dans l’autre village, des moulins à vent se dressent, tournent très vite et envoient un souffle puissant et continu sur Washimura. Comment faire pour les prévenir, là-bas, que cela bouleverse leur vie ? Hana réfléchit. Elle propose de fabriquer une grande passerelle en papier pour se rendre au village d’en face. Elle connait un oiseau, Yuki, qui accepte d’aller accrocher la passerelle de l’autre côté, contre un nouveau nid et une statue à son effigie. On fabrique la passerelle en dentelle de papier en suivant les plans de l’ingénieuse Hana, et Yuki l’accroche de l’autre côté sur un arbre. Pour l’emprunter, il faut maintenant une personne légère, la plus légère qu’il soit. C’est Hana qui va tenter courageusement l’aventure. Arrivée de l’autre côté, elle tombe nez à nez avec une autre petite fille, Livia, très différente d’elle mais qui devient tout de suite son amie. Le village de Livia ne ressemble pas à celui de Hana. Chez elle, les maisons en bois sont solides, robustes, à l’image des habitants. Hana, émerveillée, découvre un monde qu’elle ne soupçonnait pas. Elle va au bout de sa mission et explique aux habitants de Vert Sylver que son village est en danger à cause de ce souffle inhabituel qui arrive de chez eux. L’origine de ce vent est tout de suite expliquée : Deux frères éléphants, les frères Spirato, sont chargés de souffler sur les moulins à vent du village, pour permettre aux habitants de moudre le blé qui leur sert à faire l’excellent pain et les bons gâteaux qu’Hana a goûtés avec plaisir. Qu’à cela ne tienne. Hana va discuter avec les frères Spirato qui décident qu’il suffit de déplacer les moulins de l’autre côté de la montagne…Ainsi ils ne dérangeront plus personne ! Hana rentre chez elle annoncer la bonne nouvelle. Suite à quoi le pont est consolidé, baptisé « Pont Yukihana » et peu à peu les habitants apprennent à le traverser, échanger leurs connaissances et leurs coutumes, tisser des liens. Hana et Livia ne se quittent plus et tout redevient paisible.

Notre avis

Hana et le vent se présente comme un conte. Outre le « il était une fois » du début, on y trouve deux villages imaginaires, l’un plutôt asiatique, l’autre plutôt occidental ; une petite héroïne courageuse qui va savoir surmonter des épreuves pour dénouer une situation périlleuse inattendue ; un personnage intermédiaire (l’oiseau) qui va lui apporter son aide en exigeant une contrepartie ; une fin apaisée et une « morale » souvent déclinée ces temps-ci en littérature jeunesse : Enrichissons-nous de nos différences et soyons heureux ensemble plutôt que séparés. Si ce message est si fréquemment répété, c’est qu’il a encore et toujours besoin d’être entendu…
L’histoire est jolie, l’écriture délicate et poétique. Bien que le récit soit assez simple et facile à comprendre, il y a beaucoup de texte et donc un assez gros volume de lecture. L’imaginaire et le rêve y tiennent une grande place et donnent à l’album une légèreté originale pour parler de choses importantes. Il y a, comme on l’a dit, l’idée que les différences culturelles entre les peuples sont des richesses à partager et que cela peut se faire dans un respect mutuel, sans empiéter sur la liberté des uns et des autres, sans rapport de domination. Il y a aussi l’importance de l’amitié. Les deux petites filles que tout oppose a priori vont immédiatement devenir complices et vont savoir œuvrer sans qu’il y ait de conflit. Très vite, elles vont se raconter des choses que se disent les enfants qui regardent vivre les grandes personnes. Chacune ambassadrice de son village va accueillir l’autre dans son univers et le lui faire découvrir. Ce sont elles également qui vont amener les adultes à collaborer, à penser ensemble, à s’ouvrir les uns aux autres. Les héroïnes du livre sont ces deux enfants par lesquelles tout arrive, tout se réfléchit et tout trouve une solution pacifique. La symbolique de la passerelle en papier qui va relier les deux villages malgré sa fragilité est très belle. Cette passerelle sera consolidée par la suite grâce aux compétences en menuiserie des habitants de Vert Sylver. Au sens propre comme au sens figuré, un pont est né entre deux mondes complètement différents mais qui vont être désormais reliés, qui pourront partager leurs ressources, leur culture, leurs savoir-faire et leurs rêves. Le message est précieux. L’autrice le résume dans sa dédicace à tous les enfants : Il y a tant de ponts à traverser…
L’histoire des moulins à vent et des éléphants qui réfléchissent à comment faire pour ne plus nuire aux autres peut peut-être aussi être entendue comme une allusion aux dérèglements climatiques provoqués par l’activité humaine ?

La délicatesse et la poésie de Hana et le vent tiennent également beaucoup aux illustrations. C’est même certainement leur originalité et leur esthétique qui retiennent d’abord l’attention de celui ou celle qui découvre l’album. Seng Soun Ratanavahn, une artiste d’origine laotienne, est connue pour la grâce de ses dessins aux tons souvent pastel, ses décors fleuris japonisants et la douceur enfantine de ses petits héros. Pour Hana et le vent, elle a travaillé le papier et le carton découpés, pliés et collés. Comme Yuki, elle a pratiqué l’art du kirigami et de l’origami pour réaliser ses maquettes. On peut découvrir une de ses réalisations dans une vidéo sur YouTube où elle parle de son art.
A partir de ces maquettes, à l’intérieur desquelles les personnages d’abord dessinés au crayon de couleur puis découpés ont été collés, il y a tout un travail de photographie qui va réussir à donner une impression de profondeur et de 3D malgré la mise à plat sur la page. Le théâtre d’ombre est même présent sur le dessin où l’ont voit Yuki en conversation avec les éléphants.
Le jeu des couleurs est lui aussi admirable : Du côté de Yuki, un univers asiatique où le blanc, le bleu, le rouge dominent, tout en légèreté et délicatesse ;du côté de Livia, le carton ondulé fait office de bois pour un univers plus occidental, en dominante de marron, de vert et d’orange. Les deux gammes de dessins et de couleurs se mêlent avec bonne humeur sur la dernière page. Le message sur la richesse du partage des différences est magnifiquement soutenu par l’illustration. Et c’est un vrai bonheur de détailler à chaque page les merveilleuses maisons de poupée que forment les intérieurs dans les deux villages. On peut écouter Seng Soun Ratanavahn parler de son travail pour illustrer Hana et le vent sur une vidéo du site Babelio.

En conclusion : Une belle histoire, un message à la fois intemporel et particulièrement essentiel par les temps qui courent, et un extraordinaire travail d’illustration. L’autrice et l’illustratrice ont marché main dans la main…

Nous vous proposons plusieurs albums pour apprécier le travail de Seng Soun Ratanavahn .

La série des Miyuki :

Au lit Miyuki - 1 Attends Miyuki - 1 Merci, Miyuki ! - 1

Et d’autres albums écrits le premier par Stéphanie Demasse-Potier et le deuxième par Antoine Dole

Mon île - 1 Les jours heureux - 1