Je suis un ours

Je suis un ours
Auteur - Illustrateur

Jean-François Dumont

Edition

Kaléïdoscope – 2010

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Je suis un ours. Je sais, ça n’existe pas, un ours qui vit dans la rue, au milieu des hommes.
J’ai mis du temps à l’admettre, moi aussi. J’ai d’abord pensé que j’étais comme tout le monde : j’allais rentrer chez moi le soir pour le dîner et m’endormir paisiblement dans un lit bien douillet. Mais on m’a vite fait comprendre que cette vie-là n’était pas pour nous, les ours. C‘est pourquoi je dors ici, sur ces cartons, dans la rue.

Mots-clés : rejet, individualisme

Présentation

C’est l’histoire d’un ours qui vit sur le trottoir. Tout le monde le fuit, l’évite car un ours n’est pas fait pour vivre en ville. Peu à peu, les gens s’habituent et l’oublient, ne le voient plus.
Sauf une petite fille qui le prend pour un doudou et trouve étrange qu’il soit abandonné sur le trottoir. Alors, elle vient lui faire un bisou et chaque jour renouvelle ce moment. Et chaque jour, l’ours attend impatiemment ce moment où il ne se sent plus seul et oublie qu’il est un « ours ».

Notre analyse

Ce livre sur l’exclusion prend la forme d’une métaphore de l’ours qu’il va falloir expliquer aux enfants. Un homme est devenu « ours » car il est dans un état « nouveau ». On ne sait ce qu’il a fait avant ni comment il est devenu ainsi ; c’est son état présent de Sans Domicile qui est éclairé.
On peut se questionner sur cet état : est-il devenu « ours » ? Ou se sent-il « ours» dans le regard des autres ? Ou ne se sent-il plus humain lui-même ?
On retrouve ici tous les éléments du SDF : la rue, les cartons, l’alcool…mais également la peur, l’indifférence ou le rejet qu’il provoque, ainsi que les problèmes du quotidien : la nourriture, la vie inversée nuit/jour, la toilette…

Paradoxalement, l’illustration est « proprette », un peu trop claire pour coller au récit. Certains éléments renvoient aux années 1950 (le car de police par exemple) mais l’ensemble est plutôt neutre à part les panneaux d’interdictions qui semblent vouloir renforcer les interdits qui lui sont appliqués.

Si ce début de récit est intéressant pour faire parler les enfants, la fin devient un peu trop simple. L’enfant, naïve et pure, rachète le comportement des adultes par sa spontanéité et son regard neuf et s’approprie l’ « ours » comme un « doudou ». Cela suffit à « chauffer la poitrine » de l’ours et à « éclairer sa vie » sans pour autant lui redonner sa dignité ni son statut d’Homme. Une conclusion si simpliste ne peut satisfaire une véritable réflexion sur les sans logis. Sans doute faudra-t-il amener les enfants à aller plus loin.

Pour accompagner la lecture

On pourra s’appuyer sur Les petits bonshommes sur le carreau de Olivier Douzou (Editions du Rouergue), album qui aborde le même problème mais de façon moins superficielle. D’ailleurs, les documents de ‘Education Nationale le présentait ainsi : « Il faut prendre le titre à la fois au sens propre et au sens figuré. « Un enfant regarde par la fenêtre dans la rue ».D’un côté de la vitre, il y a un petit bonhomme dessiné dans la buée. De l’autre côté de la fenêtre, il y a « des petits bonshommes sur le carreau », des miséreux, des sans-abri. De double page en double page alternent l’image du dessin dans la buée, selon des points de vue variés, et la représentation des laissés pour compte, dans la rue, des personnages en argile photographiés. Tandis que le texte progresse de misère en misère : le froid, l’indifférence d’autrui, la honte… On fera découvrir aux enfants cette construction très organisée, on leur demandera comment ils interprètent ce livre, et cela permettra d’introduire un débat sur le thème de l’exclusion sociale. »

Il semble aussi intéressant de lire aux enfants Mais je suis un ours de Franck Tashlin (Ecole des Loisirs), album dans lequel un ours sortant de son hibernation découvre qu’une usine s’est construite devant chez lui pendant l’hiver. Il est alors pris pour un ouvrier récalcitrant et traité comme tel. C’est une logique poussée à bout jusqu’à l’aliénation par le travail.