Kolos et les quatre voleurs

Kolos et les quatre voleurs
Auteur

Jean-Claude Mourlevat

Illustratrice

Isabelle Chatellard

Editeur

Flammarion jeunesse – Père Castor – 2022

Catégories : ,

Il était une fois, au fond de la forêt, un géant qui s’appelait Kolos. Tout le monde avait peur de lui. Un soir pourtant, quatre voleurs arrivent près de sa demeure…

Présentation générale

Voici l’histoire du géant Kolos qui vit au fond des bois et qui terrifie tout le monde autour de lui. Quatre voleurs s’approchent néanmoins de sa maison. Trois d’entre eux projettent de lui voler quelque chose, qui une pomme, qui un tonneau de vin, qui un cheval. Le quatrième, très amoureux, veut juste rester là et rêver à sa bien-aimée. Les vols des trois frères ne se déroulent pas tout à fait comme prévu. Ils se retrouvent poursuivis par Kolos qui, alerté, a enfourché son cheval géant, armé de son énorme massue, et dont la colère est montée en puissance à chaque tentative de vol. Au moment où tout semble perdu pour nos trois gaillards, la forêt est subitement plongée dans l’obscurité, le cheval de Kolos n’y voyant plus rien s’écrase contre un rocher et le géant tombe raide mort avant d’avoir pu se venger. Surprise…Que s’est-il passé ? C’est que le quatrième larron, l’amoureux qui était resté seul dans la forêt, a fini par grimper sur l’arbre le plus haut qu’il a trouvé et a réussi à « décrocher la lune » pour l’offrir à celle qu’il aime…Plus de lune, plus de lumière, nuit noire : Sans le savoir et sans le vouloir, il a du même coup sauvé la vie de ses trois compagnons !

Nos commentaires

Qu’il est agréable d’ouvrir un album du Père Castor ! On s’y sent tout de suite dans un univers familier et des pans entiers d’enfance nous reviennent ! PèreCastor, raconte-nous une histoire…

L’histoire de Kolos, le bien nommé (le seul nommé d’ailleurs…), ogre et géant à la longue barbe grise, qui terrorise la forêt entière. Nous sommes bel et bien dans l’univers du conte et nous en retrouvons plusieurs motifs traditionnels : la forêt ; la nuit ; le géant dont on va provoquer la toute-puissance ; les voleurs, certes, mais qui s’attaquent à nettement plus méchant qu’eux ; le méchant, lui, bien puni à la fin ; l’univers masculin puisque la seule fille de l’histoire est seulement évoquée…Nous y retrouvons également les structures répétitives qui rythment le récit et font monter progressivement le danger… Les trois tentatives successives de vol qui ont alerté la fureur du géant s’enchaînent l’une à l’autre et se tricotent ensemble par méprises interposées. Jusqu’à ce que nos larrons déconfits et un peu ridicules se retrouvent tous les trois pour tenter de fuir. C’est une succession assez comique de malentendus et de cachettes improvisées. Notons aussi la répétition traditionnelle des petites phrases menaçantes et drôles en même temps, qui montent d’un cran à chaque fois : Qui fouille dans ma cuisine ? Si je l’attrape, je l’écrabouille ! Qui fouille dans ma cave ? Si je l’attrape, je l’écrabouille et je l’écrasibouille ! Qui fouille dans mon écurie ? Si je l’attrape, je l’écrabouille, je l’écrasibouille et je le zigouille ! Succès garanti auprès des enfants…On imagine combien ce conte doit être plaisant à raconter de vive-voix. Les bruitages y participeront : Kling klingkling ! Blangblangblang ! Hou houhou ! Hue !Badaglangglang ! Clop clopclop ! Atchoum ! Boum !

Ce conte a été écrit par Jean-Claude Mourlevat en 1998. Il marque le début d’une belle carrière internationale d’auteur pour la jeunesse, couronnée en 2021 par le prix Astrid Lindgren. Mourlevat y est célébré pour avoir « brillamment renouvelé la tradition du conte ». Sur son site, on lit que Kolos a été écrit pour être adapté en spectacle.« J‘ai voulu y mettre beaucoup d’action, explique-t-il,un peu à la Tex Avery. Ça se cache, ça court, ça disparaît, ça se poursuit. J’aime beaucoup lire (et jouer) Kolos aux enfants. Un vrai moment de gaieté. » Qu’on lise Kolos, qu’on le joue, le plaisir des enfants est assuré… Quant à l’originalité de ce conte, elle tient beaucoup, elle, à la jolie touche de poésie finalequi est certainement la signature de Mourlevat, et que nous avons beaucoup aimée : Le quatrième voleur est amoureux et se moque bien de voler une pomme, du vin ou même un cheval. Ce qu’il veut, c’est le plus beau cadeau possible pour celle qu’il aime et qui n’est pas là…Il va, au pied de la lettre, lui « décrocher la lune », ce qui est une belle concrétisation de l’expression bien connue. Cela a permis à ses trois copains d’éviter le pire, même si lui-même n’a pas pensé une seule seconde au danger qu’ils couraient. Ce qui ouvre sur un double happy end puisque le méchant de l’histoire est bien mort…On aurait tort de sous-estimer les pouvoirs de l’amour! En tout cas, l’amoureux resté en retrait dans l’histoire en est finalement le personnage principal et non pas le géant comme on le croyait au début…Il en est le doux héros.

Isabelle Chatellard qui avait déjà illustré la première version du conte a ici renouvelé son approche, d’une manière très graphique et dans un subtil camaïeu de gris parcimonieusement ponctué de rouge et d’un peu de bleu. Sans oublier le jaune de la lune dans le ciel noir et contre le cœur de l’amoureux à la fin. Les cadrages sont variés ; le jeu sur les tailles, les points de vue et les ombres est riche et efficace malgré la petite taille de l’album. Les arbres ont une vraie présence menaçante avec leurs troncs aussi dépouillés que des pieux ou des lances. Les escaliers chez le géant, mystérieusement numérotés, se déplient en noir et blanc, les portes n’ouvrent que sur de l’obscurité. L’ensemble, texte et illustrations, est une bonne et sobre réactualisation de l’album.

Cette histoire, c’est certain, fera le bonheur des jeunes lecteurs, le bonheur réjouissant de faire semblant d’avoir peur !

Si vous souhaitez rebondir sur d’autres contes de voleurs, voici quelques pistes !

Le voleur habile - 1 Père Castor - Les Musiciens de Brême - 1 Ali Baba et les 40 voleurs Jéha - Jeha et le voleur de pommes - 1