Le chameau de la bibliothèque
Auteure | Karine Guiton |
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Illustratrice | Laure du Faÿ |
Editeur | Didier Jeunesse – 2022 |
Monsieur Mache n’est pas un chameau comme les autres. Grand amateur de littérature, il passe son temps à emprunter des livres à la bibliothèque.
Oui, mais voilà, il ne rend jamais les ouvrages empruntés !
Le chameau est-il seulement tête ou l’air, ou cache-t-il un véritable secret ?
Mots-clés : lecture/écriture
Présentation générale
Voilà une histoire où il est question du plaisir de lire, du plaisir de fréquenter une bibliothèque et de partager ses lectures avec d’autres lecteurs.
Il semble que l’auteur se soit largement inspiré de l’expression « dévorer un livre » pour l’écrire. Comme seuls les animaux peuvent manger concrètement du papier, Karine Guiton a choisi de mettre en scène des animaux anthropomorphisés campés autour d’un lieu central, une bibliothèque. Un chameau, M Mache est donc l’animal victime de son appétit insatiable pour les livres. Une girafe, Mme Floris, est victime de son respect sans concession pour les livres et le lieu dont elle a la charge.
L’histoire d’un chameau dévoreur de livres confronté à l’incompréhension d’une girafe bibliothécaire conservatrice peut paraître surréaliste. Elle s’apparente surtout à une fable sur la désacralisation des livres et de l’espace bibliothèque. Un sujet qui nous touche, évidemment !
Notre avis
Le discours du roman sur le livre et la littérature est intéressant.
Il est tout d’abord question du lieu bibliothèque avec ses règles souvent contraignantes : rendre les livres à temps, respecter le silence, ranger au bon endroit… Que faire d’un usager fidèle lecteur qui ne rend pas les livres qu’il emprunte ? La bibliothécaire girafe ne supporte pas la situation, d’autant plus que le chameau refuse de donner une explication crédible. Quand Mme Floris constate que M Mache découpe, dépèce et cuisine les livres qu’il a gardés pour les manger, elle est plus que choquée. Elle ne peut supporter un tel outrage !
Or c’est la passion dévorante pour les livres et leurs histoires qui amène M Mache à manger des romans entiers. Il les cuisine avec amour et les savoure d’autant qu’il ressent les traces des différents lecteurs qui ont manipulé le livre avant lui. Il se délecte à chaque dégustation et surtout il garde en mémoire tous les récits ingérés. Il s’agit presque d’une métaphore de l’appropriation, de l’incorporation d’une histoire, comme si le chameau devenait la mémoire d’un récit (cf Fahrenheit 451).
Un autre aspect pertinent du récit touche à l’importance de se retrouver pour discuter de lectures et de livres. Mme Floris retourne chercher M Mache parce que d’autres lecteurs le demandent. Ils ressentent le besoin d’être portés par un lecteur confirmé dans leurs débats pour se nourrir de connaissances, de culture… La lecture n’est pas décrite comme un plaisir juste individuel, c’est surtout un support de rencontres appréciées et appréciables. Ce besoin de partage est mis en exergue à la fin du récit puisque même Mme Floris et sa fille succombent à la tentation de partager des recettes de livres avec M Mache.
Outre l’humour lié à la mise en scène d’animaux inattendus dans des situations improbables l’auteur s’est largement amusé dans l’écriture du texte. Le thème de la dévoration est alimenté par des associations culinaires tout à fait originales. Il est question de « bonbons au fenouil », de « crêpes au chèvrefeuille », mais aussi de « livres mijotés ou farcis » …. Toutes ces suggestions nourrissent l’imaginaire enfantin et donnent envie d’inventer toutes sortes de plats à la sauce plus ou moins littéraire. Des titres de livres sont détournés (Le flamand rose sonnera cinq fois), des expressions sont prises à double sens (le désherbage en bibliothèque)… Tous ces jeux lexicaux apportent une dynamique au récit même s’il manquera parfois des références aux jeunes lecteurs pour tout comprendre.
Le chameau de la bibliothèque est un roman facile d’accès. Sa forme et son format sont adaptés aux premières lectures longues. Les illustrations apportent quelques couleurs sans s’imposer. Les personnages sont sympathiques et les situations sont amusantes. De quoi mettre en appétit nos petits lecteurs !
Mise en ligne en novembre 2022