Le jour où la colline s’est réveillée

Le jour où la colline s’est réveillée
Auteure

Vanina Noël

Illustratrice

Karine Pain

Editeur

Margot – 2024

Personne n’osait plus s’approcher de la colline. On disait qu’une sorcière y vivait. Le soir, de mystérieuses lueurs éclairaient l’obscurité et une étrange mélodie perçait le silence des bois. Le jour où la jeune Lina s’y aventura, on découvrit que la prétendue sorcière cachait en fait un grand secret. Un immense secret.

Mots clés : sorcière, monstre, relation adultes-enfants, amitié,

Présentation générale

Lina a quinze ans ; elle raconte son histoire qui remonte à quelques années en arrière quand, petite fille, elle vivait dans un horrible orphelinat dirigé par la sinistre madame Mistruc. Lina, comme tous les enfants de cet établissement, n’a pas le droit de traîner dehors, surtout pas sur cette colline où, dans une roulotte, vit une sorcière dont on ne sait presque rien mais dont tout le monde a peur. Or, Lina adore se promener dans la forêt, près de la colline. Un jour, alors qu’elle ramasse des feuilles pour nourrir un escargot, elle est interpelée par celle qui ne peut être que cette mystérieuse sorcière et qui se met à lui parler des plantes. D’abord effrayée, Lina se rend vite compte que Rita n’a pas l’air aussi méchante qu’on le dit…Elle retourne sur la colline pour la rencontrer de nouveau et elles deviennent amies. Rita invite Lina dans sa roulotte. Le soir, elle lui chante une chanson étrange qu’elle accompagne d’un petit instrument qu’elle appelle unavelaquinho. Rita raconte aussi son histoire à Lina, son enfance et comment elle a atterri là, dans ce village à la mauvaise réputation et où tous les habitants vivent dans la peur d’un monstre invisible.
Lina apprend beaucoup de choses avec Rita, l’art de soigner avec les plantes, de parler aux arbres. Il n’y a que cette chanson magique qu’elle ne veut pas expliquer. Quand Lina se fait punir pour être devenue l’amie de la sorcière, elle se sauve et se réfugie dans la roulotte. Là, Rita va commencer à raconter son secret à la petite fille. Hélas, elle est emprisonnée dans un cachot par les villageois avant d’avoir tout révélé. C’est quand le sol se met à trembler que Lina comprend : le monstre du village se réveille et Rita n’est plus en moyen de l’endormir. Il faut la libérer avant qu’il ne soit trop tard. Lina en persuade les habitants. Avec Rita libérée qui lui transmet son don, elle réussit à rendormir le monstre. Grâce à ce chant magique accompagné de l’avelaquinho, Lina est prête à devenir adorcemedora, l’endormeuse de monstres…

Nos commentaires

« Enfant, je voulais écrire pour les adultes. A 38 ans, j’ai un peu plus d’ambition : j’écris pour les enfants. » Vanina Noël…
Et c’est une bien belle histoire qu’elle nous raconte là… L’album est de grand format, il offre une immersion complète dans les belles pleines pages illustrées par Karine Pain ; immersion dans les paysages, la nature, toutes les nuances de verts, dans les couleurs de la nuit et des lampions dorés, dans le jeu des ombres et de la lumière qui ont quelque chose de magique. De temps en temps, les dessins ont un petit côté « Disney » un peu décevants mais globalement on prend un grand plaisir à s’y promener et à surprendre les petits détails qu’ils recèlent. Autant les images de l’orphelinat et de sa sinistre directrice, madame Mistruc entourée de corbeaux noirs font trembler dans leur ambiance à la Dickens, autant l’univers intime de la sorcière Rita est chaleureux, doré et lumineux même dans la nuit. Aux côtés de Lina, le lecteur sait tout de suite vers qui se tourner et la vraie sorcière n’est évidemment pas celle que tout le monde croit…

On a également tout de suite de la sympathie pour Lina, têtue et désobéissante, petite fille vive et intelligente qui, on le comprend, est orpheline et mal aimée. Elle transgresse les règles de l’orphelinat pour s’évader dans la nature, la colline, la forêt étant pour elle le plus bel endroit de la Terre, elle ramasse des feuilles, nourrit les escargots, elle se sent libre lorsqu’elle s’évade ainsi. Cette conquête de sa liberté va prendre toute sa force quand elle rencontre Rita et qu’elles deviennent amies. Très vite, Lina va prendre le contre-pied des préjugés des villageois. Seule contre tous, elle va découvrir qui est vraiment Rita, qui semble beaucoup, beaucoup plus gentille que madame Mistruc. Ce qui fait peur est souvent ce que l’on ne connait pas. Lina va découvrir la vie de Rita, les dons, les secrets de sa lignée et va la défendre jusqu’au bout.
Histoire d’amitié donc.

Histoire de transmission intergénérationnelle également. Rita raconte son enfance à la fillette. Elle lui apprend le nom des pantes qui guérissent et puis l’art de soigner les oiseaux, de parler aux arbres. Et à la fin elle partage avec elle son ultime secret, la chanson magique qui endort le monstre et lui révèle ce qu’il faut savoir pour se rendre maîtresse de lui. Le jour viendra où tu auras d’autres monstres à endormir (…) et ce jour-là tu devras être prête, lui dit la sorcière à la fin. Lina succèdera à Rita.

Le monstre, seul personnage masculin nommé de l’histoire, restera cependant mystérieux et sans visage. Son corps est invisible mais il fait trembler le village et se fissurer les murs des maisons quand il se réveille. On apprend aussi qu’il ne peut s’endormir sans la lumière des lampions de Rita car…il a peur du noir. Tous les monstres ont leur fragilité, il suffit de la connaitre…En tout cas, c’est tout ce que nous saurons de lui.

L’album est une belle réhabilitation de la sorcière, qui n’est pas celle des contes, qui font tout pour qu’on les croie inoffensives (…), qui enfourchent leur balai, transforment les enfants en crapauds et les donnent en casse-croûte à leurs chauves-souris, mais celle qui sait entrer en contact avec la nature, les animaux, la guérisseuse qui sait soigner avec les plantes et qui possède des dons dont on devrait lui être reconnaissant. Une sorcière tout à fait « humaine », qui ressemble à une gentille grand-mère et qui par exemple ne sait pas s’échapper par magie de la prison où les habitants finissent par l’enfermer. Son seul don, vital pour les villageois est de maintenir le monstre endormi. Ils vont finir par le comprendre.

Ceci dit la fin de l’histoire est belle et réjouissante. Lorsque les gens du village s’excusent platement de l’avoir emprisonnée et lui proposent de participer à la fête qu’ils ont organisée, Rita refuse et leur fait peur en jouant le rôle de la vilaine sorcière des contes : Et que je ne vous voie plus rôder par ici, sinon je vous transforme tous en crapauds et je vous fais bouillir avec des queues de lézards pour vous déguster à la prochaine pleine lune ! Pas question de se « normaliser » ni de pactiser avec l’ennemi, ceux qui ne l’ont sauvée que pour sauver leur propre peau : Rita est et reste une femme libre et indépendante. Lina, petite fille qui a su défier les adultes, sera faite du même bois, c’est certain…

Voilà donc un bel album, au texte assez dense, une belle histoire de sororité entre grande et petite sorcières pour s’opposer aux violences du monde…et pour s’en protéger. Lina a définitivement conquis sa liberté.
A lire et faire lire!