L’impossible madame Bébé
Auteur | Agnès Desarthe |
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Illustrateur | Louis Thomas |
Editeur | Gallimard Jeunesse – 2019 |
Nana entre au CP, joyeuse et optimiste. Comme elle fait du karaté, elle n’a peur de rien ni personne. Mais elle ne se doute pas de ce qui l’attend à l’école : madame Bébé, avec sa tête de « si tu te crois maligne, tu te trompes complètement », la surveillante la plus sévère de l’histoire mondiale des surveillantes. Entre la petite fille follement dissipée et l’impossible madame Bébé, les histoires ne font que commencer…
Mots clés : amitié, école-collège, relation adultes-enfants
Présentation
Un récit de vie facile à lire pour des lecteurs débutants malgré un volume assez important. L’environnement scolaire est parfaitement connu du lecteur. Le personnage principal, Nana, est une petite fille dynamique, maligne, bavarde, pas forcément sage mais toujours gentille. Elle est foncièrement sympathique et elle engage facilement le lecteur à la suivre dans son envie de mieux connaître et de mieux comprendre Madame Bébé, un personnage sec et revêche
Analyse
Madame Bébé a une réputation épouvantable, elle effraie tout le monde. Pourtant Nana ne la craint pas. Elle l’observe et tente de comprendre. Il lui manque certainement différents mots pour qualifier la posture de Madame Bébé, alors elle indique directement ce que lui inspire le personnage :
« J’ai pensé qu’elle était comme une araignée, immobile dans un coin de sa toile. Aucun problème pour moi, j’adore les araignées »
« Madame Bébé a fait une tête de Tiens, voilà que mon chien sait parler »
« Monsieur Le Brillant avait une tête de J’ai lu dans le journal que les pains au chocolat ne faisaient pas grossir »…
Cette écriture permet de bien comprendre les émotions et de donner des perspectives imaginaires plutôt drôles et légères. Il serait possible d’en faire un jeu d’écriture qui proposerait de chercher les pensées d’une personne croisée dans la rue ou dans un journal par exemple.
L’écriture en « je » du point de vue de Nana permet de dédramatiser des situations difficiles à supporter en classe. Nana fait appel à ses qualités de judoka émérite (respirer profondément). Elle prête à la tortionnaire des logiques absurdes (préférer finir son assiette à arrêter la guerre par exemple). Elle inverse les rôles entre victimes et tortionnaire :
« Il y a tant de choses interdites sur sa liste […] Madame Bébé a tellement d’imagination. J’ai l’impression qu’elle invente de nouvelles bêtises à chaque minute ».
Nana a bien conscience des situations d’injustice imposées par Madame Bébé. Cependant elle refuse toute aide. Même si dans un premier temps elle dit au lecteur qu’elle ne sait pas pourquoi elle refuse que ses parents interviennent (p31), elle avoue plus loin (p64) qu’elle avait en fait souhaité la mort de Madame Bébé dans une chanson inventée. C’est donc en grande partie le sentiment de culpabilité qui la fait réagir. Il sera certainement intéressant de s’arrêter sur cette motivation et de réfléchir au fait d’émettre des vœux ou des envies… entre pensée et réalité.
La rencontre entre Nana et Madame Bébé (p 58) permet d’approcher le personnage frappé d’autoritarisme d’une façon assez constructive. Madame Bébé se dévoile honnêtement : elle n’aime pas les enfants, elle exerce son métier sans aucune motivation. Nana accueille ces propos avec beaucoup de tolérance, elle accepte les dires sans les juger. La fin du récit n’est pas vraiment une « happy end » dans la mesure où Madame Bébé ne se transforme pas totalement en gentille surveillante, mais les relations ont évolué. Madame Bébé pose maintenant son autorité sur des relations humaines mieux identifiées et mieux partagées.
On notera les qualités illustratives de Louis Thomas qui, dans le style du P’tit Nicolas de Sempé, apporte des notes colorées et humoristiques au récit.