Roselionne

Roselionne
Auteure

Nancy B.Pilon

Illustratrice

Marish Papaya

Editeur

Alice Primo – 2023

Roseline a une vraie tignasse de lionne, tellement attirante que tout le monde tripote ses cheveux. Elle ne le supporte plus mais elle ne sait comment faire. Elle fait une colère et comprend qu’il est nécessaire qu’elle dise aux autres qu’elle n’aime pas qu’on la touche. C’est difficile et pourtant indispensable.

Mots-clés : courage, différence, émotions

Présentation générale

Roseline est une petite fille tranquille et sans histoire. Son problème : ses cheveux. Roseline a de très beaux cheveux longs, roux et soyeux. Elle aime les porter détachés pour les sentir dans son dos. Tout le monde s’accorde pour dire qu’ils sont magnifiques.

Roseline devrait pouvoir vivre en toute quiétude au sein de sa famille aimante et à l’école où elle a de nombreux amis. Mais ses cheveux attirent de nombreuses petites mains et cela l’insupporte. A peine arrivée dans la cour de récréation ses amies, Naïla et Noah, manipulent ses cheveux sous divers prétextes. Même un élève qu’elle ne connaît pas touche sa chevelure. Roseline n’en peut plus. Sentir que sa sœur commence à la coiffer malgré son refus de jouer à la coiffeuse est l’élément de trop. Roseline explose. Sa maman cherche à comprendre la raison de la colère de sa fille. Avec délicatesse elle insiste pour que Rosie réussisse à exprimer son tracas : « J’en ai marre maman. Tout le monde touche toujours à mes cheveux ».

La maman, compatissante, identifie avec la fillette l’obstacle principal qu’elle doit franchir pour retrouver son calme. Roseline doit apprendre à dire clairement et calmement qu’elle n’aime pas ça et qu’elle veut que ça s’arrête.

Or Roseline est une fillette discrète, elle ne se trouve pas courageuse, elle n’aime pas parler fort, elle n’aime pas faire de bruit. Son cheminement pour oser prendre la parole n’est pas facile. Elle va d’abord chercher des dérivatifs mais ses différents essais vont échouer. Elle va ensuite se convaincre de la nécessité de parler mais sans réussir à se lancer. Grâce au soutien de ses proches et avec la complicité de son enseignante elle va enfin réussir à s’adresser à l’ensemble de la classe pour indiquer clairement sa position : elle n’aime pas qu’on lui touche les cheveux, cela la met en colère, on devra dorénavant lui demander l’autorisation avant d’agir.

Notre avis

Roselionne est un joli titre non seulement bâti sur le prénom du personnage principal mais qui joue aussi sur sa fragilité, sa timidité, son besoin d’éclore. Roseline (Rosie pour sa famille) a donc pour caractère physique principal sa chevelure extra ordinaire, des cheveux « de la plus belle couleur du monde, celle des feuilles d’automne tombées sur le sol », une« belle cascade flamboyante », une «crinière de feu ». Indéniablement, toucher cette « tignasse » fait envie. Or les cheveux, comme le reste du corps, font partie intégrante d’une personne. Le problème posé, à savoir : s’interroger sur le respect de l’intimité au travers de la chevelure, est une approche pertinente. Ce n’est pas choquant et cela est significatif d’un véritable rapport au corps. La question peut facilement devenir plus générale : qu’est-ce qui donne aux autres le droit de toucher une partie de mon corps ? Qu’est-ce que j’en pense et qu’est-ce que je peux faire ?

Rosie n’évoque pas directement sa colère quand on la touchent, elle exprime juste des ressentis corporels. A chaque fois la peau de ses joues se réchauffe ou rougit, ses mains deviennent humides. Avant sa crise contre sa sœur elle sent son corps se raidir, elle a l’impression d’avoir avalé une énorme boule. De la même manière Rosie exprime ses difficultés à s’exprimer : « Chaque fois que j’essaie mon corps se fige et ma bouche se ferme à double-tour ». Ses descriptions physiques sont des indicateurs importants des émotions. Le lecteur comprendra que le personnage ne surjoue pas. Il est profondément troublé et n’arrive pas à agir ou à réagir. Le lecteur pourra également faire le parallèle entre ses propres sensations dans différentes situations de la vie courante et celles décrites dans le livre.

Le parcours de Roseline n’est pas facile. Dans un premier temps elle est seule confrontée aux malaises qu’elle ressent lorsque ses camarades la touche. La première personne qui reçoit ses confidences est sa maman, très compréhensive et rassurante. Elle confirme à Roseline ses droits « Roseline, ce sont tes cheveux. Ils sont juste à toi. ». Elle dédramatise également sa colère en minimisant les intentions des acteurs : « je pense qu’ils ne savent pas qu’ils te blessent » et en relativisant le problème : « parfois on voit les choses plus gros qu’elles ne sont ».

Roseline s’adresse ensuite à une deuxième personne, Madame Anouk, la maîtresse, parce qu’elle a de l’autorité, elle pourra « régler mon problème de cheveux trop populaires en deux consignes ». Mais Madame Anouk n’entre pas directement dans le jeu de Roseline, elle est attentive, compatissante, mais elle pense que c’est important que ce soit Roseline qui le dise elle-même. Elle veut que Roseline s’implique en personne dans l’affirmation de sa volonté : « Le jour où tu seras prête à parler devant la classe, peu importe le moment, je te laisserai faire. »

L’attitude de ces deux femmes est un modèle de pédagogie positive. Elles n’interviennent pas directement. Entre « écoute active » et travail autour de « la confiance en soi » elles offrent à Rosie le moyen de résoudre son problème elle-même et de grandir en prenant de l’assurance.

Les figures féministes sont fortes et surtout solidaires. Nous n’avons pas encore évoqué la petite sœur de Rosie, Eloïse, en fauteuil roulant. Ce petit personnage, provocateur de l’éclat de Rosie sans le vouloir, est un point d’appui affectif important. Nous pourrions également parler de Jeanine, la bonne amie, qui rassure Rosie. C’est comme s’il existait une espèce de sororité entre tous ces personnages féminins qui se comprennent, se soutiennent, s’entraident. La mère tente d’expliquer la notion de limite, l’enseignante ouvre l’espace de parole, l’amie et la sœur encouragent. L’auteure québécoise, engagée dans le féminisme, propose une série de personnages éminemment sympathiques.

Le texte est bien écrit, avec de jolies comparaisons et de belles métaphores. La lecture est plaisante sans dramaturgie excessive et avec des petites notes d’humour notamment lorsque Rosie cherche des stratégies pour ne pas blesser ses camarades. L’illustration est simple, elle accompagne bien les émotions des personnages et allège agréablement la pagination. Le livre donne envie !

Le thème du consentement est un sujet important qu’il est nécessaire d’aborder avec des enfants. Il est ici développé sans niaiserie, simplement, et avec beaucoup de sensibilité.
Roselionne est un roman féministe qui montre comment une fille peut poser les limites de son intimité. Il offre une belle occasion d’ouvrir des échanges sur la relation au corps.
Une histoire intéressante et positive qui donne à réfléchir !