Faut-il être politiquement correct dans le domaine de la littérature jeunesse ?
Un ouvrage daté nécessite-t-il une réécriture pour s’adapter à l’air du temps ?
C’est ce que semblent penser les ayants droit de Roald Dahl, un des auteurs britanniques les plus connus.
Roald Dahl est un écrivain prolixe qui n’hésite pas à jouer sur les caricatures et sur les excès avec beaucoup d’humour, parfois noir. Ses ayants droit souhaitent retirer « les expressions sensibles » de ses textes, notamment les références au poids, au genre ou encore aux questions raciales. C’est le quotidien The télégraph qui révèle cette affaire, relayé par le site Francetvinfo. Il donne de nombreux exemples qui nous laissent quelque peu perplexes. Il faudrait par exemple, remplacer les termes « petits hommes » par « petites personnes » ou encore modifier les lectures de l’héroïne Matilda qui n’ouvrirait plus les pages du livre de la jungle mais lirait Jane Austern. Heureusement de nombreuses personnalités se sont levées contre cette annonce pour dénoncer l’absurdité d’une telle mesure. L’éditeur anglais a déclaré qu’il continuerait à publier les versions originales et Gallimard Jeunesse, l’éditeur français de Roald Dahl, affirme qu’aucun texte n’a été modifié.
Notons néanmoins que différents « classiques » de la littérature jeunesse ont déjà fait l’objet de réécriture, notamment la collection des Martine de Marcel Marlier () et la série des Club des cinq d’Enid Blyton. Les arguments portent sur le niveau d’âge ciblé, la simplification pour une meilleure compréhension, la modernisation du contexte comme le précisent La voix du nord et l’Obs.
La problématique lié à la nécessité d’une réécriture n’est pas simple. La société, le langage, les représentations évoluent. Les repères des jeunes lecteurs se modifient au fil du temps. Le site Ricochet se fait l’écho d’une table ronde organisée en 2005 sur le thème : Lire les classiques aujourd’hui. Les échanges des intervenants montrent la difficulté à envisager la lecture d’œuvres classiques notamment à l’école. Dans quelle mesure peut-on les adapter aux lecteurs contemporains ? En les réécrivant ? En les annotant ? En les étayant par des explications ?
Dans le cadre de son programme Signes des temps RadioFrance propose un podcast très intéressant intitulé Au nom du Bien : les vieilles-nouvelles censures, des livres de Roald Dahl aux écoles d’art françaises (les échanges directs sur Roal Dahl se situent à 23 minutes et 30 secondes). On y a apprend entre autre que La Roald Dahl Story Company n’a pas travaillé seule. Elle a bénéficié de la collaboration d’un collectif dénommé Exclusiv Minds. Nous apprenons également que l’éditeur anglais a choisi de mettre en vente deux versions, une version expurgée et une version originale, la version expurgée étant moins chère. De nombreuses informations surprenantes !