La sorcière Crabibi
Auteurs | Laurent et Olivier Souillé |
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Illustrateur | Frédéric Pillot |
Editeur | Kaléidoscope-2021 |
Mesdames, messieurs, prenez place et ouvrez grands les yeux ! La sorcière Crabibi participe au célèbre concours du Sorcier de l’année ! Course de balais, sortilèges et potions magiques … c’est sûr, toutes ces épreuves vont en défriser plus d’un ! En sortira-t-elle victorieuse ? Alors à vos balais, chaudrons et baguettes, préparez-vous à en prendre plein les mirettes !
Présentation
Une histoire de vrais sorciers et sorcières comme on les aime, avec beaucoup de magie, un brin de diabolisme et pas mal d’humanité.
Des illustrations originales, stylisées et expressives qui donnent du caractère au récit.
Un album simple à comprendre qui donne à s’amuser mais aussi à réfléchir sur la confiance en soi.
Crabibi est une sorcière en mal de reconnaissance. On peut même dire que ses nerfs sont à vif au vu de l’importance de ses colères quand elle n’arrive pas à pratiquer correctement son art. Pour prouver qu’elle est la meilleure des sorcières elle décide de participer au concours du « Sorcier de l’année ». Alors elle se prépare, elle s’entraîne. Malgré de nombreux déboires elle se sent enfin prête à affronter les trois épreuves de la sélection : la course de balai, le sortilège à l’aide d’une baguette et enfin la préparation d’une potion en vue d’une métamorphose. Elle veut gagner !
Mais la sorcière Crabibi échoue, peut-être à cause de la malchance, d’une certaine maladresse, ou d’un manque de concentration… Il faut dire que Krikor, un sorcier plutôt mignon, n’arrête pas de lui parler avant chaque épreuve. Cela la déconcentre fortement.
Crabibi est effondrée. Elle est sorcière mais elle est aussi sensible. Heureusement Krikor est là, prêt à l’écouter et à la rassurer.
Notre avis
Concourir pour exister
Le récit est simple, facile à comprendre. Les lecteurs sont certainement télé spectateurs de concours en tout genre, de « top chef » à « Danse avec les stars » en passant par « N’oubliez pas les paroles ». Ils connaissent la frustration de perdre, notamment dans les jeux par élimination. L’euphorie de Crabibi quand elle croit gagner ou sa rage quand elle échoue ne les étonneront certainement pas, comme le fait de s’effondrer à l’issue des résultats. Le paradoxe tient dans la réaction de Krikor qui exprime son adoration pour la licorne qu’a Crabibi par mégarde (elle devait transformer un prince en crapaud). Il demande même la recette de la potion pour obtenir un si bel animal. Dès cet instant l’erreur devient non seulement admise, mais aussi novatrice, ouvrant sur d’autres perspectives que la seule réussite au concours. La compétition en elle-même n’est pas remise en cause, c’est l’importance qu’on lui attribue qui donne à réfléchir. Pourquoi vouloir être la(le) meilleure (meilleur) ? Quel besoin de se confronter aux autres pour se sentir bien ? Krikor réconforte Crabibi avec des paroles qui reflètent une certaine sagesse : « L’année prochaine, vous le gagnerez.[…] Mais vous pouvez me croire, ce n’est pas le plus important ».
Des personnages sensibles
Le personnage qui fait le titre de l’album est bel et bien féminin. Crabibi possède des pouvoirs qu’elle maîtrise mal. Elle est revêche, difficile à approcher du fait de sa colère permanente. Sa seule ambition est de gagner. Elle ne fait confiance en personne et ne pense qu’à sa compétition.
Le personnage masculin, Krikor est bien différent, beaucoup plus calme et serein. On ne connaît pas sa motivation pour le concours. Avant chaque épreuve il tente de se rapprocher de Crabibi par un petit mot de sympathie ou d’encouragement mal interprété, évidemment, par la sorcière colérique.
La patience, la gentillesse, la douceur du garçon arrivent tout de même à déstabiliser la diablesse qui se laisse chausser telle Cendrillon face à son prince charmant (scène repérable entre toutes). Puis vient l’heure des confidences (ou de la psychanalyse ???) qui permet à Crabibi d’exprimer ses déceptions, ses souffrances, son envie de revanche. Et la rédemption !
Pas de stéréotype sexiste dans cette histoire, juste deux êtres sensibles au caractère différent qui arrivent à se parler, à s’apprivoiser et à s’aimer. Leur amour transforme la rancœur d’une vie en un vol de balai à deux. C’est très joli voire tout à fait charmant.
Des illustrations qui ont du style
Evidemment le choix de personnages de type « sorciers » influe grandement sur les illustrations. Frédéric Pillot inscrit le récit dans un contexte moyenâgeux quelque peu décalé. Il y a bien des écussons, des étendards, des blasons comme dans les tournois de l’époque. Mais il y a aussi quelques hot-dog et esquimaux qui traînent dans des coins de page. Il y a même un fou du roi agitant un drapeau à damiers.
Les couleurs utilisées (notamment les ocres et les verts) ainsi que quelques éléments du paysage (arbres, motifs de végétation) nous ont fait penser aux peintures du 15ème siècle. Cela nous a rappelé un album original de Olga et Andreg Dugin, Le vaillant petit tailleur, aux éditions Duculot.
De nombreux symboles de sorcellerie sont présents. Outre les balais, marmites et baguettes on retrouve des chapeaux pointus, des plumes, et de nombreux animaux plus ou moins merveilleux (une espèce de petit dragon avec des cornes, des corbeaux au bec en forme de spatule, des crapauds, un cochon, une licorne…).
Les sorciers sont stylisés et stylés. Il y a la sorcière type ménagère avec un fichu sur la tête, le sorcier type Merlin avec de longs cheveux et une barbe jusqu’au sol, le sorcier oriental avec une tunique brodée et bien d’autres ! Cela donne une collection amusante de personnages stéréotypés et tous différents. Crabibi est une sorcière assez mignonne portant des vêtements seyants et bien ajustés. Krikor est un sorcier moderne que l’on repère grâce à une cape avec une collerette dragon. Ces deux sorciers là sont chics et branchés.
Les expressions des personnages restent fermées ou grimaçantes. Ils sont dessinés dans des postures assez ridicules, parfois grotesques. Les colères de Crabibi, par exemple, sont représentées avec une gestuelle excessive qui prête à rire. De nombreux animaux observent, s’interrogent, s’enfuient comme des spectateurs éberlués des scènes qui se déroulent sous leurs yeux. Seuls les corbeaux à spatule restent stoïques, mais tout le monde sait qu’ils appartiennent à l’univers des sorciers.
Jeux de mots et humour
L’écriture est travaillée. Le texte est chantant, rythmé, mais parfois assez complexe au niveau lexical.
Un grand nombre de jeux de mots émaillent le récit. Certains sont perceptibles essentiellement à l’écrit (« Attention aux vents pires »….), d’autres s’entendent plus à l’oral ((« chers spectres à peur, chères deux poules »…). Quelques expressions sont détournées de façon quasi absurde (« l’erreur est sorcière », « en rang d’ail et d’oignons »), elles peuvent être difficiles à percevoir. D’autres expressions plus directes feront rire facilement (« Pet de dragon et doigts de fée », « nom d’une pustule »…).
Nous avons donc choisi de proposer l’album pour des petits lecteurs mêmes si l’histoire peut être facilement racontée et/ou lue à des enfants non lecteurs.
Prolongement
En consultant la recherche thématique de notre site vous trouverez d’autres titres de livres de sorcières.
Le concours de sorcellerie est un thème que l’on trouve dans Harry Potter, évidemment, mais pas uniquement ! Nous vous proposons deux titres pour des petits lecteurs.
Ambre la petite sorcière s’est inscrite au Grand Concours de sortilèges. En guise de prix, la gagnante passera une journée avec le plus ensorcelant des sorciers : Hubert Bolduc. Avec son hérisson à plumes, Ambre s’entraîne durement, mais son étourderie lui joue souvent des tours… Et lorsqu’elle découvre les créations des autres candidates, elle hésite à se présenter au concours… | Mocho, une petite sorcière de la Vallée de la Doller, s’ennuie terriblement. Bien qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir magique, elle décide de participer au Grand Championnat de Sorcières. Pour cela, elle sollicite l’aide du Pépé René qui saura la guider à travers les épreuves… |
On peut également retenir quelques planches de la BD de Gilson et Clarke Mélusine