La carotte, la brute et le truand

La carotte, la brute et le truand
Auteur-Illustrateur

Olivier Chené

Editeur

D'eux – 2021

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Lundi matin, il est neuf heures et Loup a faim. Une fois de plus, il a loupé son réveil. Encore une fois, il est bien tard. Les petits déjeuners sont tous partis travailer. Une histoire de ruse, de trahison et d’apparences trompeuses, mettant en vedette une carotte, une brute et un truand …

Mots-clés : ruse

Présentation générale

Loup a faim, comme tous les matins. Mais comme tous les matins, il se réveille trop tard et dans le village, tous ses petits-déjeuners potentiels sont déjà partis travailler…Pauvre loup, réduit à fantasmer sur tous les casse-croûtes qu’il a ratés ! Jusqu’au moment où il aperçoit un lapin qui ferait bien son affaire. Sauf que ce lapin-là, fin « commercial » à qui on ne la fait pas, va dégainer toutes ses astuces professionnelles pour désarmer le loup affamé. Il déballe d’abord tous ses produits à base de carotte pour persuader le loup de modifier ses habitudes alimentaires. Puis devant l’échec de sa tentative, il trouve un angle d’attaque différent en vantant au loup les autres produits de son petit commerce qui pourraient le transformer en redoutable prédateur de lapins… Produits toujours sur le thème de la carotte : dentifrice à la carotte pour séduire sa proie grâce à une haleine parfumée, sac rempli de carottes-appâts, nouveau cri d’attaque à la gloire de la carotte, costume de carotte pour passer inaperçu…

Le loup tombe dans tous les panneaux et se couvre de ridicule :  Il s’est bien fait avoir. Mais au bout du compte, ne serait-ce pas plutôt : « tel est pris qui croyait prendre ? ». Peut-être…

Nos commentaires

Le titre accroche, clin d’œil évident au western-spaghetti de Sergio Leone, Le bon, la brute et le truand. Le lien avec le western s’arrête à la couverture et à la page de garde où lapin et loup, en faux cow-boys, s’apprêtent à dégainer, qui ses carottes qui ses couteaux : il va bien s’agir d’un duel. Qui, du lapin ou du loup, sera le plus rusé ?

Le loup naïf et pas très dégourdi qui se fait ridiculiser par ses potentielles proies est un thème souvent repris ces derniers temps en littérature jeunesse. Le sujet de cet album n’est donc pas très original. Mais il est bien mené, avec des rebondissements et un petit suspens. Le lapin doit sauver sa peau en détournant le loup de sa faim…de loup ! Au loup, pas bien malin et autocentré sur son estomac, fait face un lapin qui va devoir sauver sa peau malgré son infériorité physique. C’est lui le personnage le plus original et le plus drôle de l’album, dans son rôle de commercial rôdé à la publicité, au discours manipulateur, habitué à « refiler » au client des produits séduisants mais complètement inutiles. Un filou expert de la société de consommation, un brin truand eh oui….

Le texte est dense, il faut le savoir. Pour les plus jeunes lecteurs, il demandera parfois des explications : langage du marketing qui fera sourire les adultes ( Bien entendu, le préjudice occasionné donnera droit à un geste commercial de notre part ) ; jeux de mots pas toujours simples (Mon client a dû me poser un lapin ; Ainsi habillé vous êtes à croquer ; « Loup (…) s’apprête à tailler dans le vif du sujet ;  Mon bon lapin, les carottes sont cuites ) Mais à côté de ça, il y a un humour plus accessible qui devrait ravir les enfants : la recette préférée du loup, les carottes qui font les fesses roses, la mauvaise haleine du loup ( Pouah, mais vous puez de la gueule !), l’allure ridicule du loup déguisé en carotte et son nouveau cri de guerre ( carrroti carrrota, carrrottez-moi ! Carrroti carrrota, crrroquez moi !) On imagine très bien lire cet album, assez théâtral, à haute voix, en poussant le fameux cri de la carotte !

Olivier Chéné est l’auteur de l’album et il en est également l’illustrateur. Les dessins sont efficaces, colorés et expressifs. Les scènes sont dynamiques, les points de vue variés : vue de loin, de près, de très près (quand le lapin se retrouve entre les dents du loup…), vue d’en haut, vue à hauteur de lapin ou à hauteur de loup. Les images du village sont souvent drôles, à regarder dans les détails : les maisons végétales, les boîtes aux lettres en forme de gland, les petites oreilles cachées partout quand le loup croit que tout le monde est parti, la chouette qui se barricade, le jeu de dames et le jeu de cartes des lapins en l’honneur de la carotte…Tout un petit univers.

Et le dénouement alors, qu’en est-il ? Eh bien, il faudra en discuter avec les enfants. Aucun des deux personnages n’étant éminemment sympathique, le lecteur est prêt à tout…Si l’on n’oublie pas de tourner la dernière page sur le mot FIN, on en conclura que cette fin est ouverte. Certes, le loup peut-être pas si crédule que cela, semble parvenir à retourner les choses. Peut-être va-t-il réussir à ce que le lapin soit pris à son propre piège. Mais la carotte de la fin, carotte-hameçon, n’est qu’un tout petit peu croquée : le lapin a-t-il réussi à s’enfuir à temps ? le loup l’a-t-il « boulotté » avant qu’il ne finisse de la manger ? Le lecteur peut inventer la fin qui lui convient le mieux…

En tout cas, La carotte, la brute et le truand est un album réjouissant et dynamique, qui peut aussi pousser à réfléchir sur le pouvoir qu’a parfois le langage, par exemple dans la publicité, quand il s’agit de convaincre, d’emberlificoter et de tromper autrui. Et aussi sur la capacité à résister qui est…vitale !

 

D’autres albums en relation

Sur le thème du loup pas très futé qui se fait avoir par les proies qu’il convoite, on pourra lire La bonne humeur de loup gris, de Gilles Bizouerne et Ronan Badel chez Didier jeunesse. Ainsi que les autres épisodes de cette série.

Et, en « version renard », Mon jour de chance de Keiko Kasza à l’Ecole des loisirs, où un renard se fait avoir par un porcelet qui est pourtant son plat préféré !

Loup Gris - La bonne humeur de Loup gris - 1 Mon jour de chance - 1

Mise en ligne en novembre 2022