Présentation de l’éditeur

Écureuil n’a pas une minute à perdre. Il a reçu une lettre importante et doit partir sur le champ. Mais atteindre sa destination finale ne va pas être si simple. En effet, en cours de route, il va rencontrer, l’un après l’autre, quelques-uns de ses amis qui ont, juste à ce moment-là, besoin de lui ! Écureuil les aidera tous de bon cœur, sans jamais protester même s’il a bien peur de ne pas arriver au bon moment à l’endroit désiré.
Un album illustré qui parle de générosité, de gratitude et d’amitié et qui souligne l’importance de dédier un moment à ceux qui en ont besoin, même quand on est pressé…

L’éditeur propose quelques extraits de l’album ainsi qu’une fiche de présentation plus approfondie

Nos commentaires

La citation de Martin Luther King « C’est toujours le bon moment pour faire quelque choses de juste » donnée sur la quatrième de couverture est également inscrite sur la page d’avant-titre. Ainsi l’album commence avec un joli jeu d’écriture sur le mot « juste » utilisé comme adverbe dans l’expression courante (« juste au bon moment »)et utilisé comme adjectif (« quelque chose de juste ») dans les mots choisis de Martin Luther King. Il faut bien dire que l’histoire n’interroge pas seulement le rapport entre temps et actions. C’est aussi et surtout un récit qui s’intéresse à des valeurs essentielles de l’être humain.

D’un côté « juste au bon moment » est le marqueur temporel des actions d’Ecureuil, le personnage central. Il correspond au moment le mieux choisi. Dans un autre sens la citation nous invite à réfléchir sur la définition de « quelque chose de juste ». Qu’est-ce donc ? C’est certainement quelque chose qui n’est pas égoïste, qui présente une utilité, surtout qui permet de vivre mieux. Ici Écureuil, est terriblement pressé. Mais cela ne l’empêche pas de prendre le temps d’écouter et d’aider les animaux qu’il rencontre. Son attitude est « juste » parce qu’elle répond aux valeurs si importantes de la vie en société que sont l’amitié, la sincérité, la générosité. La citation n’est certainement pas destinée aux jeunes lecteurs, mais elle est une clé très appréciable pour décoder la nature du message de l’album.

L’histoire est construite en randonnée. Cette structure, classique en littérature de jeunesse, sera facile à suivre pour les jeunes lecteurs. Le plus difficile sera certainement d’accepter de ne pas connaître les raisons du départ d’Écureuil. En effet l’animal reçoit un courrier, mais rien n’est dit sur le contenu du message. L’objet de la quête n’est pas identifié. Le lecteur doit faire confiance au personnage et à son histoire pour le suivre dans ses pérégrinations empressées. En même temps cette situation de départ crée un mystère propice à toutes sortes d’hypothèses. Est-ce que l’écureuil a reçu un message pour un rendez-vous amoureux, pour une fête de famille, pour accompagner un parent dans le besoin… ? Tout compte fait le but de l’écureuil est original puisqu’il veut juste faire une visite de naissance. C’est la chouette, sa voisine, qui lui a écrit pour lui dire que Maman Lièvre, son amie, venait de mettre au monde trois magnifiques levrauts. Cette fin de récit inattendue est assez jubilatoire. Là encore l’écureuil répond à de belles valeurs humaines comme l’amitié, le respect du don de la vie. Et en plus elle justifie pleinement le titre du livre puisqu’il arrive lorsque la famille se réveille, à savoir « juste au bon moment ».

Le départ de l’écureuil est rapide. Le lecteur devra bien prendre en considération un détail important, à savoir le renversement de son sac à dos. Le texte est très mesuré sur cet événement («À peine a-t-il lu la lettre qu’il se précipite pour s’habiller. Mais il est si pressé qu’il sort tout dépenaillé : les chaussures à l’envers et son sac à dos grand ouvert. »). C’est l’image qui montre la chute des affaires personnelles de l’écureuil. Le lecteur doit comprendre que le sac à dos s’est vidé. Ce sac rayé rouge et blanc reste ensuite un élément omni présent à chaque illustration bien que très discret. Porté en permanence sur les épaules de l’écureuil, il fait partie intégrante du personnage et le lecteur oublie totalement sa présence… comme l’écureuil qui n’a pas du tout conscience que son sac se remplit au fur et à mesure de sa randonnée.

L’écureuil est pressé mais il ne sait pas refuser d’aider ses amis. « À vrai dire, je suis un peu pressé mais bon, une minute de plus ou une minute de moins, ça ne va pas changer grand-chose – dit Écureuil, incapable de refuser ». Alors il aide chacun et reprend sa course entre deux rencontres. Il reprend « rapidement » son chemin, il agit « en deux temps trois mouvements », il s’exécute « en un clin d’œil », il craint d’arriver à « une heure indécente »… outre l’usage de l’expression « juste au bon moment » que l’on retrouve très régulièrement au fil des pages, le texte s’ouvre sur des perspectives langagières tout à fait intéressantes pour évoquer la rapidité du temps qui passe.
Les jeunes lecteurs pourront comparer les expressions écrites de l’album avec les nombreuses injonctions du quotidien telles que « dépêche-toi », « on n’a pas le temps», « le temps presse »…. Ils pourront bien sûr assimiler la course de l’écureuil au rythme de la vie moderne et s’interroger sur les façons de « prendre son temps ».

Écureuil est un animal altruiste, généreux et sans prétention. Il respecte chaque animal rencontré, s’adaptant à chacun sans aucun jugement. Il répond de la même façon au cerf amoureux qui veut se faire beau, à la tortue tricoteuse qui ne veut pas perdre du temps à aller chercher une nouvelle pelote de laine, à l’ours qui veut récolter son miel ou au hérisson qui souhaite récupérer les fruits piqués dans son dos. Quel service rend-il au loup, à la marmotte, au renard et au furet qu’on voit juste passer ? Ce sont des blancs de texte qu’on pourra avoir envie de combler avec les enfants, juste pour le plaisir d’imaginer. Différents indices disséminés à la fin du récit, sur la double-page de la découverte des présents laissés par les animaux, peuvent d’ailleurs alimenter la réflexion. Il y a bien les objets d’échange déjà connus (« : un bouquet de fleurs, une écharpe bien chaude, un petit pot de miel, une pêche bien mûre… »). Mais on remarquera en plus une lampe, une paire de moufle et l’album Petit-Bleu et Petit-Jaune près de l’écureuil. A qui appartiennent ces éléments ? A quel service peuvent-ils être associés ? L’auteure et l’illustrateur laissent libre cours à l’imagination des lecteurs pour inventer toutes sortes d’épisodes.

On ne peut être indifférents aux très belles illustrations stylisées de Marco Somà, illustrateur ayant obtenu le prix Andersen italien du meilleur illustrateur en 2019. Nous avons été sensibles à l’usage des couleurs jouant, entre autre, sur les valeurs complémentaires, à la finesse des traits, aux différentes mises en page. Les personnages sont très élégants dans leur costume improbable. Les détails sont impressionnants tant au niveau des décors que de la végétation. Chaque double page est raffinée, c’est un régal pour les yeux.

Même sans lire l’italien nous vous invitons à consulter le blog de l’artiste pour découvrir son univers si particulier, surréaliste, tendre et poétique. Son compte instagram est également très identifiant.

Juste un bon moment est un album d’une grande esthétique. L’histoire est simple et originale. Elle parle du temps, elle invite surtout à mesurer son empressement en toute chose. Elle véhicule des valeurs humaines positives qu’il est bon de cultiver.
Un très bel album à partager !

Pour compléter la lecture

La bibliographie de Susanna Isern sur Ricochet ainsi que la bibliographie de Marco Somà si on veut lire d’autres ouvrages des deux artistes.