Paul et Albin
Auteur | Arnaud Tiercelin |
---|---|
Illustratrice | Marion Brand |
Editeur | Kilowatt – 2023 |
Paul et Albin sont jumeaux : ils sont toujours ensemble, ils font tout ensemble. Demain, ils rentrent dans une nouvelle école et tout est à recommencer. Car Albin ne parle pas, enfin à personne d’autre que sa maman, ses copains Léo et Anita ou son frère. Certains pensent qu’Albin est idiot et Paul, ça le met très en colère.
Mots-clés : fratrie, différence, identité, relations adultes-enfants
Présentation générale
Paul et Albin sont jumeaux, ils se ressemblent tellement que les gens les confondent, à leur grand plaisir. Ils sont très proches l’un de l’autre : Avec Paul, on fait tout ensemble. Mais Paul souffre d’un trouble qui s’appelle le « mutisme sélectif » : Il ne réussit à parler qu’aux personnes qu’il connait très bien. Sinon, sa voix reste bloquée dans son ventre.
Leurs parents sont séparés, les garçons voient leur père pendant les grandes vacances. Et comme la maman a changé de travail, la famille vient de déménager. Nouvelle maison, nouvelle école, mais a priori tout se présente bien. Le jour de la rentrée, ils sont accueillis en CM1 par leur nouvelle maîtresse. Albin, comme d’habitude, prend les devants pour protéger son frère et faire en sorte qu’on ne s’aperçoive pas de son mutisme. A la récréation, un groupe d’enfants entoure Paul, ils le bombardent de questions et devant son sourire de contenance qui tente de compenser son silence, ils le traitent de débile, de gros taré et se moquent de lui. Albin, sans prendre le temps de réfléchir fonce sur un des garçons, le fait tomber et commence à le frapper. La maîtresse intervient, le punit. Pour un premier jour dans une nouvelle école, c’est plutôt mal parti…
Quand la maîtresse le rejoint sur son banc, Albin s’excuse. Il regrette sa violence. Elle lui explique que les autres enfants ont certes été idiots mais qu’ils se sont moqués de Paul parce qu’ils ne le connaissent pas, qu’il faut tout simplement leur expliquer le problème de son frère. D’ailleurs elle lui fait remarquer que Paul s’est déjà fait une copine et qu’il faut apprendre à lui faire confiance. A la fin de la journée, le calme est revenu. Albin, à la sortie, avoue à sa maman ce qui s’est passé mais elle le sait déjà, la maîtresse lui a téléphoné. Ensemble, elles ont eu une idée : et si Albin, à la maison, réalisait une vidéo par le biais de laquelle Paul pourrait se présenter, dire ce qu’il aime, s’adresser aux autres enfants, et que la maîtresse projetterait ensuite en classe ?
Notre avis
Paul et Albin, six petits chapitres, est un roman court et facile à lire. Les livres qui font partie de la collection Kapoches sont imprimés en police Andika, particulièrement adaptée aux jeunes lecteurs et aux enfants « dys ». L’auteur, Arnaud Tiercelin, est également professeur des écoles et c’est au contact de ses élèves qu’il trouve son inspiration. Il écrit de courts romans illustrés, des « récits de vie » qui ont pour thème la vie quotidienne des enfants et qui ont pour objectif, entre autre, de les amener à devenir des lecteurs autonomes.
Les dessins de Marion Brand, qui travaille aux feutres et aux crayons de couleur, sont un bon accompagnement à cette lecture autonome. Pour Paul et Albin, elle a choisi deux couleurs pour tout le livre, rouge et bleu : Une petite vignette à chaque début de chapitre représentant un détail de ce qui va être raconté, et plusieurs dessins pleine page tout en rondeurs, qui illustrent les scènes les plus importantes d’une manière joliment expressive.
Certes, il y a un côté très pédagogique et très moral à cette histoire : Albin a vite conscience que son accès de violence est répréhensible (J’ai honte de moi, du monstre qui dort dans mes mains. Ça me donne envie de pleurer) ; l’éducation que les deux garçons reçoivent est exemplaire (…soyez discrets et polis, mangez ce qu’il y a à la cantine et surtout, bien sûr, écoutez bien les consignes de la maîtresse.) ; la mère et l’enseignante, personnages très positifs, sont présentes, calmes et solidaires pour réagir fermement à l’incident : la maîtresse intervient immédiatement, elle punit Albin, a un discours très clair sur l’interdiction de la violence, mais elle vient très vite lui parler, elle met des mots apaisants sur la situation (et promets-moi de ne plus te battre. Et d’aller t’excuser auprès de Dimitri aussi). Elle est tout de suite clairvoyante (Ils se moquent parce qu’ils ne le connaissent pas. Mais ils vont apprendre à le connaitre, et j’en suis sûre, à l’apprécier). Elle engage Albin à faire confiance à son frère et ainsi peut-être à s’alléger lui-même de la mission de protection qu’il s’impose.
En parfaite communion avec la mère, avec laquelle elle est en relation immédiate, elle imagine ce subterfuge de la vidéo de présentation qui prouvera à tous les élèves que Paul, malgré son mutisme, est tout à fait normal. Toutes les deux offrent ainsi aux deux frères une possibilité de solution au problème. Et on imagine bien que d’ici peu, Paul sera capable de parler vraiment et directement à ses nouveaux copains et à sa super maîtresse.
Tout est parfait, peut-être un peu « construit », un peu optimiste, un peu simple, mais en même temps c’est positif, rassurant (il y a toujours une solution aux problèmes et les adultes sont là pour aider les enfants à régler les conflits), et au final plutôt sympathique. Tous les petits détails affectifs de la vie à la maison, de l’ambiance de classe, de la récréation, des sentiments d’un enfant quand il arrive dans une nouvelle école sont vivants, réalistes, la plupart du temps chaleureux, doux, empreints de sensibilité. Le jeune lecteur ne peut que s’y sentir accueilli, entouré et rassuré au bout du compte. Il est aisé de s’identifier aux personnages et de reconnaitre des ambiances et des situations familières. On trouvera même de petites allusions à ce qui peut être ambivalent, complexe, et pas complètement « parfait ». Par exemple à la fin quand les deux frères s’amusent ensemble à filmer la vidéo, Paul exprime un sentiment inattendu : Ah ! Et vous avez remarqué, j’ai un frère et parfois je l’adore et parfois il m’énerve !
C’est un livre qui pourra aisément être lu et discuté en classe également.
Paul et Albin, en résumé, est un petit roman plein de bons sentiments qui fait réfléchir à des thèmes importants comme l’amour fraternel, l’acceptation de l’autre dans sa différence, la gestion des conflits, et qui montre qu’il y a toujours une meilleure solution aux problèmes que la violence et la colère.
Deux autres romans d’Arnaud Tiercelin, dans la même collection, que nous avons eu l’occasion de lire :