Pierre et la forêt

Pierre et la forêt
Auteur

jean Cabré

Illustratrice

Julia Sarda

Editeur

Glénat jeunesse 2023 pour la traduction française

En pleine nuit, Pierre part à travers bois à la recherche de son camion rouge. Avec l’aide des animaux nocturnes, son enquête se transforme peu à peu en voyage au bout de la nuit. Va-t-il réussir à démasquer le voleur, dans cette forêt labyrinthique qui s’anime au fil des pages ?
Une quête enfantine pleine de rebondissements avec des volets à soulever et des pages découpées !

Mots-clés : amitié, courage, forêt, mystère, nuit, solidarité 

Présentation générale

Pierre, en pleine nuit, part dans la forêt à la recherche de son camion de pompiers que quelqu’un lui a volé. Un écureuil, un hibou, un crapaud, une huppe, un hérisson et un loir vont l’accompagner dans cette quête. Assez vite, Pierre retrouve la trace de son camion grâce au bruit de sirène qu’il fait quand on joue avec lui. C’est un petit lapin qui se l’est approprié. Pierre est trop grand pour aller le récupérer au fond du terrier. Aucun de ses amis de la forêt n’est très partant pour le faire à sa place. Grâce à un morceau de champignon magique que le crapaud lui propose d’avaler, Pierre rapetisse, descend dans le terrier et retrouve son camion de pompiers. Il explique gentiment à la famille lapin que ce jouet lui appartient et promet au petit qu’il reviendra jouer avec lui de temps en temps…Mais une fois le camion sorti du terrier, Pierre s’inquiète : Comment va-t-il retrouver sa taille normale pour rentrer chez lui ? Hibou a une idée, il faut aller voir Renard le magicien. Hélas celui-ci n’est guère disposé à partagerses secrets…Il va falloir le piéger. Pierre a une idée. Après avoir endormi Renard grâce à quelques boulettes de somnifère astucieusement mélangées aux pois chiches qu’il adore, notre petite équipe s’empare de la recette magique qui fera grandir Pierre. Le problème est que Pierre, alors, devient géant, beaucoup trop grand ! Tellement grand que sa tête touche le ciel et que la lune peut lui glisser un conseil à l’oreille : Il suffit pour retrouver sa taille normale qu’il croque de nouveau un morceau du champignon appartenant au crapaud. Et ça marche ! Tous ses petits copains lui offrent chacun un cadeau d’adieu très personnel. Pierre, tout content, reprend le chemin de sa maison en tirant son camion de pompiers derrière lui. Camion où s’est endormi…le petit loir !

Nos commentaires

Un petit garçon en pyjama quitte sa maison en pleine nuit sans en informer ses parents, pour mener son enquête : Qui lui a volé son précieux camion de pompiers ? Il suit des empreintes qui le mènent jusqu’au monde de la forêt plongée dans l’obscurité. Il n’a pas peur du tout, ni de la nuit, ni des mystères de la forêt ni des petits animaux qu’il rencontre. Il a le sourire aux lèvres, il fait confiance à ces petites bêtes qui vont faire sa connaissance, l’aider, le protéger, bâtir des plans avec lui. Ce sont deux univers qui se découvrent. Le camion de pompiers, prétexte pour pénétrer plus avant dans la forêt, est aussi ce qui va faire le lien entre l’enfance humaine et une enfance animale imaginaire, anthropomorphique, celle du petit lapin. Pierre et lui se retrouveront sans doute plus tard pour partager des jeux. Le petit garçon n’est pas rancunier.
Ce n’est pas une histoire qui se veut vraiment effrayante. Il n’y a pas de « méchant ».
Certes, il fait nuit et la forêt est profonde…Mais pas hostile. Pierre s’y endort d’ailleurs sans crainte quand il est trop fatigué, sous le regard étonné des animaux. Certes, au plus profond de la terre, sous le terrier, des rats courent entre des ossements enterrés. Mais descendre dans ce terrier alors que des petits yeux vous observent dans le noir entre les racines des arbres fait plus peur à ses amis qu’à Pierre qui, lui, n’a qu’un objectif : reprendre son camion qui lui appartient de droit. Au fond du terrier, pas de monstre effrayant, juste une famille lapin pacifique qui reconnait son erreur : Le papa lapin s’est simplement approprié un jouet qu’il pensait n’être à personne, pour l’offrir à son fils Il ne fait aucune difficulté pour le rendre ; il n’y a aucune malveillance. La maison du renard est un peu inquiétante mais ce sera très facile d’en berner le propriétaire. Et quand Pierre devenu géant se retrouve à écouter les conseils de la lune, il a de nouveau le sourire aux lèvres, il est confiant depuis le début. Tout problème a sa solution !

Mais alors, qu’est-ce qui fait l’intérêt de cette histoire ? Eh bien, c’est que le lecteur, dès la première page est complice du petit garçon. Complice pour chercher les indices, pour réfléchir aux solutions possibles avec l’équipe sympathique des petits animaux. La solidarité fonctionne, même si au moment de descendre dans le terrier, tout le monde se trouve une bonne raison pour ne pas le faire. C’est le petit héros de l’histoire qui s’y colle, accompagné du lecteur…

Et ce qui fait alors la grande originalité de cet album, c’est la subtilité, la richesse du découpage des pages. On suit tous les petits rebondissements en soulevant des volets, en dépliant des morceaux de pages, en jetant un œil dans les trous qui perforent le papier, en ouvrant un livre dans le livre… On joue à cache-cache tout le long du récit, la forêt s’anime, devient un labyrinthe enchanté, et on s’immerge dans les belles illustrations de Julia Sarde, toutes dans une dominante de marron, d’orange et de vert, les couleurs de la forêt.

Nous avions déjà beaucoup apprécié le travail de cette illustratrice dans Leina et le Seigneur des Amanites, travail particulièrement bien adapté aux ambiances de forêts magiques, de contes un peu mystérieux (Voir aussi Le talisman du loup) et dans lequel il est si agréable de plonger. Julia Sarde, barcelonnaise elle aussi, a également illustré Le magicien d’Oz, Charlie et la chocolaterie et…Alice au Pays des Merveilles. Il y a bien sûr une ambiance à la Lewis Carroll dans Pierre et la forêt, avec notamment les changements de tailles, le champignon magique, la descente dans le terrier, etc…Nous sommes à la lisière du fantastique, tout en restant dans le monde rassurant de l’enfance. Un monde où l’entraide est une force. Où la poésie permet à la lune de parler à l’oreille de Pierre. Un monde où cette enfance peut-être s’apprête à prendre fin : Le petit garçon vit son aventure de manière autonome dans la nuit de la forêt, il y expérimente toutes les tailles. Il va à la rencontre d’un autre monde que le sien. Ses parents ne se rendront pas compte qu’il a quitté la maison. Il y revient à la fin. Il a retrouvé le camion rouge, symbole de son enfance et sans doute porteur de son rêve de petit garçon qui voudrait être pompier quand il sera grand… La question alors est peut-être : Qu’est-ce donc que grandir ?

Le clin d’œil de la fin est plein de tendresse. On a suivi tout le long du livre le sommeil imperturbable du petit loir. Il a fini par s’endormir dans le camion et se retrouve sur le lit de Pierre : Qu’est-ce qu’on s’est ennuyés cette nuit, pas vrai ? Il a loupé toute l’histoire…Pierre lui donne le cadeau que lui a fait le crapaud, un gâteau de mouches dont lui-même n’a guère envie ! En tout cas, si le loir est là, c’est bien que Pierre, contrairement à Alice, n’a pas rêvé ! Son expédition en forêt a bien eu lieu…Et il y a gagné un ami !

Cet album pourra être raconté sans problème aux enfants non-lecteurs. L’originalité des illustrations, des découpages, et l’imaginaire déployé le rendent aussi adapté aux lecteurs plus âgés, peut-être jusqu’en CE1 ? le texte est assez conséquent mais pas compliqué. Il permet ainsi d’apprendre à entrer dans un récit structuré sans difficulté.

Une histoire sympathique, joliment illustrée, à découvrir avec les yeux, avec les mains, en complète complicité avec les personnages ! Et le plaisir d’entrer dans les secrets de l’objet-livre…

Et à partir de cet album, nous pourrons rebondir sur un autre livre que nous avons récemment présenté sur notre site : Le chemin des étoiles de Landis Blair et Julie Sibony chez Kaléidoscope.