Ça barde au Svalbard

Ça barde au Svalbard
Auteure

Joëlle Veyrenc

Illustrateur

Arnaud Nelbache

Editeur

Kilowatt – 2024

Comme chaque été, Manon rejoint sa cousine Alvida pour les vacances, en Norvège, pour passer les vacances ensemble. Cette année, équipées de leur bonnets-lapin et de leurs talkies-walkies, elles surprennent une conversation des plus étranges…
La réserve mondiale de graines au Svalbard est en danger !

Mots-clés : courage, famille, nature-écologie

Présentation de l’éditeur

Comme chaque été, Manon rejoint sa cousine Alvida pour les vacances, en Norvège. Dès leurs retrouvailles, elles échangent leurs cadeaux : des bonnets à oreilles de lapin des neiges, et des talkies-walkies. Parfait pour jouer aux espionnes ! Alors qu’elles s’amusent avec leurs talkies-walkies le long du quai, elles interceptent une étrange conversation entre deux hommes. Ravies de se prendre pour des détectives et à l’insu des deux inconnus, elles notent chaque jour de nouvelles informations dans leur carnet. Jusqu’au moment où elles comprennent que la réserve mondiale de semences du Svalbard est en danger. Elles alertent alors leurs parents, qui remontent les informations à la police. L’affaire est sérieuse et les deux cousines vont devoir participer au piège pour arrêter les malfaiteurs, dont elles seules connaissent les voix. Déguisements, filature, poursuite… Heureusement, les criminels seront arrêtés à temps ! Un éveil ludique à l’écologie, avec un éclairage sur un sujet peu connu : les semences et leur conservation. Deux pages documentaires complètent le récit, pour apporter plus de précisions sur le sujet.

Nos commentaires

A l’oreille, « Ça barde au Svalbard !» laisse entendre une jolie allitération mais le sens littéral du titre est assez mystérieux. Certes le terme « Ça barde », un peu vieillot et légèrement familier, laisse imaginer de l’action. Mais que signifie le mot« Svalbard » ? C’est certainement un lieu mais où ? Avec cet intitulé Joëlle Veyrenc introduit d’emblée un élément très important du récit, le Svalbard, région du Grand Nord, isolée et très peu connue, qui a pour particularité d’accueillir en son sein la réserve mondiale de semences. Cette banque, aussi appelée « arche de Noé végétale », a pour objectif de préserver la diversité des cultures sous formes de semences et de les rendre disponibles pour être cultivées. Le lieu est évidemment protégé et sa sécurisation est primordiale. Il faut donc comprendre qu’il y a du grabuge dans un endroit sensible qui concerne toute la planète. L’enjeu est important.
L’illustration sur la couverture crée une certaine tension, une bonne préparation à la lecture. Le paysage, représenté avec des couleurs froides, inhabité mis à part deux rennes au loin, pointe l’aspect sauvage de la nature du grand Nord. Sur le devant, en premier plan, deux personnages habillés chaudement, les héroïnes, se cachent derrière un rocher. Elles se parlent en regardant d’un air inquiet le talkie-walkie qu’elles tiennent dans leur main. Derrière elles l’entrée de la banque de semences se confond avec la neige. Elles ont peur. Il semble qu’elles vivent une situation risquée, et qu’elles doivent s’en prémunir. Sur le dos de la couverture, un hors-bord passe au large et une motoneige montée par deux individus en combinaison blanche s’arrête. Un des deux hommes en descend. La scène se déroule de l’autre côté du rocher. Si les hommes se dirigent vers la banque de semence, ils dépasseront les fillettes et tout peut arriver. L’ambiance est mystérieuse, le danger est imminent comme dans tout roman policier.
Car le récit est avant tout une aventure policière. De façon toujours explicite un encadré sur la première de couverture annonce le genre :« enquête graphique ». Le message écologique, aussi important soit-il, est uniquement porté par le contexte.« Ça barde au Svalbard ! » est une histoire étonnante, une investigation pleine de péripéties et de rebondissements, un pur divertissement avec son lot d’émotions entre humour et frisson.

Manon et Alvida, les héroïnes du récit, sont chacune issues d’une famille franco-norvégienne. Une famille habite Bordeaux, l’autre Tromsø. Tout le monde s’entend bien mais la distance réduit les visites. La rencontre des deux fillettes est donc un temps fort à partager pleinement. Alors elles s’échangent des cadeaux de bienvenue quand elles se voient. Ce sera un bonnet à oreilles de lapin pour Manon et une paire de talkies-walkies pour Alvida. Le bonnet est un clin d’œil humoristique au contexte géographique, les talkies-walkies sont une invitation à jouer aux détectives. Elles se dénomment alors « les lapins-détectives ».

Leur enquête commence de façon totalement imprévue. Manon et Alvida captent par hasard une conversation étrange qui aiguise leur curiosité. Par jeu elles décident de prendre des notes et de revenir sur le canal pour suivre les échanges. Il est, entre autres, question de « réserve… Spitsberg », « trois employés seulement », « graines…très riches », « chaque jour une espèce sacrifiée au vent »…. Elles ne connaissent certainement pas l’existence de la réserve du Svalbard et elles n’ont, dans un premier temps, aucune conscience du danger encouru (contrairement à ce qui est annoncé dans la présentation de l’éditeur). C’est un incident qui les alerte et qui les amène à chercher l’aide des adultes. Un talkie-walkie tombe et le bouton de communication s’active. Les brigands comprennent alors que leurs échanges sont interceptés et après un moment de panique ils parlent de « quelque jours… police… ». Les deux fillettes sentent qu’il ne s’agit plus d’un jeu, elles décident de parler à leurs parents. Elles peuvent faire un état assez exhaustif de la situation grâce aux notes qu’elles ont prises. Les traces écrites sont toujours un excellent moyen pour garder en mémoire !

Les parents connaissent certainement la réserve mondiale de semences mais c’est la police qui explique son existence, ayant déjà des doutes sur la sécurité du lieu. L’intérêt de l’enquête continue avec une implication cette fois-ci très organisée des fillettes. La police compte sur elles pour reconnaître les malfaiteurs à leur voix et permettre leur arrestation. Manon et Alvida s’engagent alors dans un scénario dangereux au gré d’une mise en scène digne d’un bon film d’espionnage. Elles doivent rejoindre le Svalbard, se déguiser, jouer à distribuer des prospectus touristiques entourées de complices déguisés eux-aussi. Elles ont un code pour prévenir les policiers. Evidemment elles vivent un petit moment de panique quand elles reconnaissent les brigands mais elles font preuve de courage et elles réussissent leur mission avec brio. L’arrestation des voyous ne fait plus aucun doute. Le piège se referme à l’intérieur de la réserve, un moyen d’inviter le lecteur à entrer dans ce lieu toujours mystérieux. La fin du récit est sobre. L’arrestation des bandits fait la une des journaux mais la famille reste discrète. Nul besoin de se mettre en avant. Parents et enfants ont néanmoins reçu une belle récompense, ils ont eu « la chance de visiter ce lieu unique, interdit au public ».
L’enquête a été rondement menée. A partir des indices essentiellement auditifs les enquêteurs professionnels ont réussi à construire des hypothèses d’action pour anticiper le délit. Les brigands ont été pris la main dans le sac. La banque de semences ne risque plus rien.

Une place importante est accordée aux illustrations. Les dessins vifs, avec de nombreux personnages en mouvement, sous-entendent un scénario animé, sujet à différents rebondissements. Les illustrations sur pages blanches déclinées sur des demi-pages ou sur des pages entières donnent du rythme au récit. La complicité entre les deux cousines est évidente. Elles sont toujours ensemble, le plus souvent coiffées de leur bonnet lapin qui permet de les identifier directement. Dans la première partie de l’histoire, elles restent rarement tranquilles. Elles se préparent pour manger, pour dormir ou pour sortir. Elles discutent, réfléchissent, écrivent, courent, tombent… Dans la deuxième partie du récit, après l’information aux parents, elles sont moins présentes puisque de nouveaux personnages prennent le relais, les parents, les policiers et évidemment les bandits. Mais l’action est toujours au rendez-vous dans des scènes animées qui sous-tendent des déplacements, des rencontres voire des confrontations.

Manon et Alvina bénéficient de beaucoup liberté tout au long du récit. Elles circulent seules un peu partout dans la maison, dans le jardin, sur le quai des excursions en mer, sur le parking à bateaux, sur le port… Elles agissent de façon autonome et les adultes leur font confiance. On retrouve ici des principes éducatifs libéraux liés à la culture des pays nordiques. Cet équilibre fonctionne parfaitement puisque les deux fillettes n’hésitent pas à s’adresser à leurs parents lorsqu’elles comprennent que « c’est du sérieux ». Les parents, protecteurs avant tout, prennent alors le relais. Ils écoutent, décodent, réfléchissent et agissent. Il en sera de même pour la police alertée à son tour. Les enfants ne sont jamais mis de côté, elles restent impliquées tout au long du déroulé de l’action. La fluidité de la parole et la qualité des écoutes sont les signes d’un véritable respect des personnes. La notion d’ « estime de soi », souvent évoquée dans le cadre éducatif, est ici développée de façon positive autant pour les adultes que pour les enfants.

Le récit, dans sa forme comme dans son énonciation, garantit un véritable dépaysement. Le début se déroule à Tromsø qu’on appelle aussi « le Paris du Nord », la grande ville la plus septentrionale de la planète, la capitale de l’Arctique. Puis les personnages rejoignent l’île du Spitzberg et enfin l’archipel du Svalbard. Le lecteur découvre des paysages de glaciers plongeant dans la mer, des maisons colorées en bois, des éléphants de mer indifférents à la circulation maritime… Des écritures inconnues comme le « Ø » jalonnent le texte. Il est question de nuits « blanches », de journées qui « n’en finissent pas », et de soleil « toujours au rendez-vous ». Des panneaux de signalisation routière suggèrent la présence d’ours sauvages. Il semble que le« Verden beste » (une pâtisserie) soit un régal. Tout est fait pour embarquer le lecteur en Norvège tant au niveau de l’ambiance générale qu’au niveau des habitudes de vie. L’imprégnation dans cet univers est tellement prégnante que même les bonnets aux oreilles de lapin paraissent faire référence aux lièvres arctiques.

La double page DOCU qui suit le récit est intéressante. Les informations sont simples, précises, objectives. Elles apportent un complément indéniable à l’histoire.

« Ça barde au Svalbard !» est une véritable enquête avec une intrigue, des indices, des hypothèses… Manon et Alvina sont deux héroïnes courageuses, malines et très sympathiques. C’est un plaisir de les suivre. La curiosité du lecteur est stimulée non seulement par leurs aventures mais aussi par les lieux qu’elles parcourent. Savoir qu’une banque mondiale de semences existe donne forcément à réfléchir !
Texte et image se complètent dans un bel équilibre. Le choix du lieu de l’intrigue est incroyablement judicieux. La répartition des rôles permet de découvrir une communauté de personnages positifs. La lecture divertit autant qu’elle informe.
Voilà une enquête graphique rondement menée dans tous les sens du terme !

Pour prolonger la lecture

Hana et le vent - 1                                      Les mots de Mo'

Nous avons déjà eu un coup de cœur pour Joëlle Veyrenc avec l’album Hana et le vent

Arnaud Nebbache a illustré Les mots de Mo, un ancien coup de cœur de notre assocation.