L’histoire de la vache noire

L’histoire de la vache noire
Auteur

Bruno Bottero

Illustratrice

Amandine Meyer

Editeur

Seuil Jeunesse – 2024

C’est l’histoire d’un amour immense…

Mots-clés : amitié, animal, initiation 

Présentation de l’éditeur

Il était une fois Aldo et sa vache noire… Il était une fois une histoire d’amour et d’émancipation car parfois, aimer, c’est savoir dire au revoir.

Nos commentaires

Drôle d’animal de compagnie ! Aldo a choisi comme doudou une vache noire contre laquelle il se love au chaud et avec qui il partage ses rires, sa tristesse et ses états d’âme. Et cette vache parle ! Elle le console, le rassure et participe à ses jeux. Quand Aldo grandit, la vache noire l’accompagne à l’école, puis ils marchent ensemble dans la montagne en parlant et en riant. Quoi de plus normal alors, quand Aldo doit partir à la ville pour ses études, d’emporter la vache noire avec lui. Mais si celle-ci est d’accord, elle s’aperçoit vite que cette vie n’est pas pour elle. Aldo comprend son désarroi et la ramène dans son étable.

Notre avis

Narré de cette façon, cet album ne va pas emballer les enfants qui le découvriront. Mais sous cette trame bien simple se cachent d’autres attraits qui les surprendront.

Le personnage de la vache, si peu courant, est particulièrement attachant. La vache n’est pas totalement humanisée. Elle réagit comme un animal et accompagne l’enfant, souvent dans le silence. Elle est réconfortante, fidèle, toujours d’accord pour un jeu ou un échange, chaude comme une mère, forte comme une barrière de protection et elle a le sens de l’humour. C’est de l’amour qu’Aldo trouve en sa compagnie, de cet amour inconditionnel qui donne une harmonie et une sérénité qui aident à grandir.

Aldo, lui, la connaît depuis sa naissance. Très vite il a trouvé le chemin de l’étable où il se sent bien, se ressource, ouvre son cœur et en ressort plus fort. Avec sa vache, il apprend la complicité, les échanges et les rires. Il la respecte, elle le comprend. Il l’aime !

Mais l’amour, on le sait, peut aussi nous faire devenir dépendant. On a besoin de l’autre, on ne peut plus vivre sans lui, on lui donne toute l’exclusivité et on se coupe ainsi de ses congénères. C’est ce qui arrive à Aldo : il ne peut aller à l’école sans sa vache, il ne peut se promener qu’avec elle, il lui lit des histoires et lui raconte ses projets. Et là, « ça lui fait comme un bobo qu’on gratte » quand il évoque son départ de la ferme, « ça pique un peu, mais ça fait du bien ». Car il comprend que sa vie ne pourra pas se faire à la ferme, qu’il a besoin de découvrir la ville, ses musées, ses cafés, ses parcs et l’université. Comment concilier tout cela avec sa vache noire ?

Pas de problème, il l’emporte avec lui. Et voilà la vache au fond de l’autocar, puis montant l’escalier de l’immeuble jusqu’à la chambre d’Aldo où elle s’installe avec lui. Aldo est ravi….La vache nettement moins…Elle regarde le ciel par la fenêtre pendant qu’Aldo étudie et « de ses grands yeux ourlés de noir coulent quelques larmes. ». Aldo n’arrive plus à la faire rire. Il est soucieux pour son amie.

C’est le grand moment : il va falloir se séparer, se détacher de cette matrice qui l’a porté durant toutes ces années et apprendre à vivre seul. « C’est dans l’ordre des choses ». Alors Aldo ramène sa vache à la ferme. Ils se serrent l’un contre l’autre et doivent se dire « au revoir ». La peur du manque est aussi un signe d’amour : « Je t’aimerai toujours ». Il lui est reconnaissant de l’avoir aidé à se construire et maintenant à se détacher. C’est l’acceptation de grandir et de devenir soi-même qui va le faire vivre en la gardant dans son cœur. Le lien peut être maintenu à distance.

Ce récit tout simple rappellera sûrement aux enfants des situations vécues avec leur doudou. C’est une belle histoire d’amitié, avec des touches d’humour et des situations un peu absurdes. Il en ressort une conclusion facilement compréhensible : il faut savoir aimer sans s’enfermer, se séparer et ne pas s’oublier.

Brune Bottero nous explique dans le prologue, l’origine de cette histoire : une transmission familiale en hommage à son grand-père qui lui posait régulièrement une question à propos d’une histoire comique de vache noire, histoire qui les a reliés dans son enfance. Le texte en est savoureux et revient régulièrement dans le texte comme un gag à répétition…

Les illustrations d’Amandine Meyer, très simples, parfois même dépouillées, traduisent bien la tendresse de la relation entre les deux personnages dans des espaces de montagne et de village. Espaces qui se rétrécissent avec l’évolution de l’enfant vers l’adulte qui continuera sa vie dans d’autres lieux plus étriqués, plus concentrés de la ville, de l’appartement, de l’université. Pour revenir à l’espace céleste qui envahira finalement toutes les dernières pages pour devenir leur lien par la pensée.

Pour aller plus loin

La Vache Orange Les albums du pere castor - cartonné - Lucile Butel, Nathan Hale, Lucile Butel - Achat Livre | fnac               Le schmat doudou - broché - Muriel Bloch, Joëlle Jolivet - Achat Livre | fnac

• Une autre histoire de vache, pas si courante en littérature de jeunesse : La vache orange de Lucile Butel chez Castor Flammarion. Un classique un peu ancien mais toujours agréable.

• Une histoire de doudou qui aide à grandir :
Le Schmat doudou. Muriel Bloch/Joëlle Jolivet. Syros.
Cette version d’un conte juif traditionnel montre la résistance des enfants à grandir. A la naissance de Joseph, son grand-père tailleur lui confectionne une couverture qui devient vite son « schmat doudou », fidèle compagnon de ses premières années. Mais un jour sa mère, le voyant sale et déchiré, le jette. L’enfant le récupère et le porte à son grand-père, qui fera de la couverture une veste, puis avec le temps, une cravate, un mouchoir, et finalement un bouton que Joseph perdra en jouant au ballon. Ainsi, au fur et à mesure que l’enfant grandit, l’objet rétrécit jusqu’à disparaître… pour laisser la place finalement à une histoire, celle que Joseph écrit et que le conteur vient de transcrire. Le doudou a disparu, mais ce qu’il représentait, la tendresse du grand-père, reste présente auprès de lui, comme le met en évidence la si belle illustration de Joëlle Jolivet.