La sagesse du cheval

Auteure | Ruth Doyle |
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Illustratrice | Alexandra Finkeldey |
Traductrice | Marie-Céline Mouraux |
Editeur | Gründ – 2024 |
Grâce à sa grande sagesse, Cheval est toujours là pour rassurer ses amis…
Quand j’ai peur, je respire profondément, je laisse l’émotion m’envahir…puis repartir…Faites comme moi et vous verrez, tout ira mieux, recommande-t-il.
Ainsi, quand Lapine a peur de Renard, Cheval l’aide à comprendre que lorsqu’on maîtrise ses émotions, les choses sont rarement aussi effrayantes qu’elles en ont l’air…
Les magnifiques illustrations d’Alexandra Finkeldey subliment ce joli message de sagesse.
Présentation générale
Cheval profite tranquillement de son pré d’herbe verte, attentif à la beauté de la nature qui l’entoure. Mais ce à quoi il est le plus sensible, ce sont les battements du cœur des animaux apeurés qui viennent le trouver quand la panique s’empare d’eux : La lapine et ses petits quand ils appréhendent la venue du renard ; la poule et ses poussins stressés à l’idée d’être attaqués par la pie ; la brebis et ses agneaux affolés par l’idée du chien. (Uniquement des mères, tiens…où sont les mâles ?)
A chaque fois Cheval les rassure, tout va bien pour le moment, il n’y a ni renard ni pie ni chien à l’horizon, inutile d’imaginer le pire. Plutôt grignoter quelques beaux pissenlits.
Quand un énorme orage s’abat vraiment sur eux, Cheval les rassure encore : Ce n’est que le tonnerre ; et il les conduit jusqu’à une grange voisine où se mettre à l’abri. Mais là, dans l’obscurité, trois regards les accueillent et les font reculer, complètement paniqués. Seul alors, Cheval s’avance. Il y a là, dans l’ombre de la grange, le renard, la pie et le chien qui y ont trouvé refuge et qui ne comprennent pas qu’on ait peur d’eux alors qu’ils n’ont aucune mauvaise intention. Le chiot a lui aussi très peur du tonnerre. La pie a simplement trouvé là une cachette pour ses petits trésors et Renard cherchait seulement un abri pour se reposer…
Cheval rassure ses petits amis, ils vont attendre ensemble la fin du tonnerre à l’abri de la grange : Moi, dit Cheval, je vais veiller jusqu’à ce que l’orage passe…En ce moment, tout va bien, non ?
A l’abri et rassurés, ils posent alors à Cheval LA question à laquelle, eux, n’ont pas de réponse : Comment fais-tu pour n’avoir jamais peur de rien ? Cheval leur dit qu’il lui arrive d’éprouver parfois des peurs mais qu’il a appris à ne pas se laisser envahir par elles. Parce que rien ne dure éternellement et que sa mère lui a enseigné que les orages les plus terribles finissent toujours par s’éloigner.
Et effectivement, l’orage prend fin, la vie reprend, tous les animaux de l’histoire restent ensemble, dans la beauté d’une nature apaisée, sous le regard bienveillant de Cheval. Le battement de leurs cœurs est désormais paisible : TOUT VA BIEN. Un beau « mantra » à se répéter…
Notre avis
Dans la version originale, A horse called Now, notre Cheval s’appelle donc « Maintenant ». Et sa sagesse est bien de toujours s’inscrire dans la réalité du présent plutôt que dans un futur dont on ne sait rien et qu’il est inutile de vouloir anticiper, au risque de s’affoler inutilement. A la manière d’un conte bouddhiste accessible aux jeunes lecteurs, La sagesse de Cheval nous parle de ces peurs fantasmées que notre imagination nourrit et qui potentiellement nous gâchent la vie. Ce qu’on ne connait pas, ce qu’on imagine en le dramatisant de manière irrationnelle nous empêche de vivre paisiblement quand il n’y a aucune raison d’être en alerte.
Cheval apprend aux petits animaux qui se réfugient auprès de lui qu’il faut savoir différencier les fausses peurs et les vrais dangers. La question qu’il leur fait se poser est : Etes-vous en danger, là, maintenant ? Si la réponse est non, on respire, on se raisonne, on ne se laisse pas envahir, on profite du présent. Si la réponse est oui, par exemple dans le livre quand l’orage éclate, on cherche une solution, là en l’occurrence une grange où s’abriter, et on attend calmement que l’orage passe. Et si l’on est plusieurs, et solidaires, c’est encore mieux… Car, dit Cheval, et c’est sa mère donc qui le lui a appris, les orages finissent toujours par passer. Une belle transmission dont Cheval est devenu le dépositaire et dont il fait profiter les autres.
Cheval sait parler des peurs infondées et des peurs rationnelles de manière positive. A la fin de l’album, quand il explique comment lui a appris à « gérer » ses peurs, à accepter ses émotions et à ne pas en être l’esclave, un adulte sourira en ayant l’impression d’entendre la voix de Christophe André sur France Culture ou d’être sur le site de Petit Bambou…Une leçon de méditation et de « pleine conscience »…Mais pour les enfants, le message sera entendu plus simplement et un livre qui peut les aider à prendre confiance en eux et à mieux comprendre de quoi sont faites leurs émotions est un livre important : Accueillons ces émotions et laissons-les filer au lieu de tourner en rond autour…
On pourra trouver un peu d’angélisme dans la fin de l’histoire. Ne penser qu’au présent sans jamais anticiper les éventuels problèmes, c’est parfois risqué. Car, oui, le renard, parfois, souvent même, mange les poules et les lapins…Nous sommes là aux antipodes du conte d’avertissement. Mais pourquoi pas ? Nous rêvons tous d’être zen. Et c’est agréable de livrer aux enfants un message positif et rassurant.
Les illustrations d’Alexandra Finkeldey sont un peu désuètes, à la manière d’un vieil album du Père Castor mais on en aime la douceur et le travail des couleurs, le bleu des pages d’orage, les couleurs qui redeviennent chaudes quand tout va bien. Le texte se prête avec bonheur à la lecture à voix haute, notamment quand les animaux mettent des mots sur leurs peurs imaginaires dans une belle escalade de langage. Il y a aussi dans le texte une vraie ambiance musicale : la musique de l’air et de la terre, les mélodies des oiseaux, le chant des grillons, le BRAOUM du tonnerre et les battements du cœur des animaux, apeurés au début, paisibles à la fin. On referme le livre avec bonheur et une impression de grande sérénité à laquelle les enfants, c’est certain, seront sensibles.
En filigrane du récit et si l’on s’amuse à transférer l’histoire dans le monde des humains, on peut penser à la peur de l’étranger, de celui qui est différent de nous, que l’on ne connait pas et dont l’image nourrie de fantasmes entraîne des délires dangereux, et hélas fort d’actualité…
En conclusion, La sagesse de Cheval est un bel album à partager avec les enfants et à partir duquel on pourra échanger avec eux sur leurs propres émotions, leurs propres peurs. En classe ce sera aussi un bon support d’atelier philo…Ce sera comme une petite bulle de paix rassurante et positive. Pour le reste, les vrais dangers, on avisera au moment et on sera plus fort, plus calme pour les appréhender.
Tout va bien, oui…Juste avant de dormir, c’est génial !
Pour aller plus loin
En écho à cet album, on pourra lire :
– La course de Béatrice Tanaka et Michel Gay
Coyote court, Lièvre le suit. Voyant les deux compères s’enfuir, Élan s’inquiète et il décampe lui aussi, bientôt imité par Loup et par Ours. Mais pourquoi courent-ils tous au juste ?
– Sur les peurs irrationnelles qui peuvent entraîner des catastrophes, il y aussi Poule plumette de Paul Galdone:
La fin est ici plus dramatique…(et oui, il arrive que les renards mangent les poules…)
Une poule un peu bête croit que le ciel lui est tombé sur la tête !
Un jour que Poule Plumette picorait dans les feuilles, un gland lui tomba soudain sur la tête. Persuadée que c’est le ciel qui lui tombe dessus, Poule Plumette donne l’alerte. Dans sa quête pour prévenir le roi, elle entraîne, tour à tour, toute la basse-cour : Coq Collerette, Canard Claquette, Oie Noisette, Dindon Dînette. Mais la petite troupe tombe bientôt sur Renard Roublard qui les attire discrètement dans son terrier… Autant dire que le roi ne sera pas averti de sitôt !