La journée de Louisa
| Auteure | Lucie Lindemann |
|---|---|
| Illustratrice | Daniela Costa |
| Editeur | Sarbacane – 2025 |
Louisa est une petite fille comme les autres. Elle a deux parents aimants et attentionnés, qui adorent faire des farces.
Elle aussi d’ailleurs, avec son sacré caractère !
Et pourtant, à quelques indices, on va peu à peu découvrir que sa famille est, aussi, bien singulière…
Mots-clés : famille, relation adultes-enfants, différence
Présentation générale
C’est le matin, la petite Louisa est tendrement réveillée par sa maman. Le papa, dans la cuisine, a préparé le petit déjeuner. La chienne Prunelle boit bruyamment son eau. Louisa, franchement, aurait préféré avoir un chat. La maman vérifie que sa fille est correctement habillée et tous les trois prennent le chemin vers l’école, en passant par un joli parc. Louisa dans la cour retrouve ses meilleurs copains, Fatoumata et Gaston. Ils partagent leurs jeux avec Liam, un nouvel élève. A la fin de la journée, Louisa est la dernière à rester à l’école car sa maman est en retard. Pour se faire pardonner, elle emmène la petite fille à la ménagerie voir les orangs-outans. A la maison, le papa a fait cuire des crêpes pour le repas du soir. La journée se termine entre lecture et jeux de société à trois. Puis c’est l’heure du coucher et des câlins. Bonne nuit petit loir, chuchotent les parents à leur petite Louisa…
C’est tout. Quel intérêt de faire un album sur une journée aussi ordinaire ? Eh bien, c’est que les parents de Louisa sont… aveugles.
Nos commentaires
L’originalité de cet album réside dans le sujet traité. Le handicap des adultes, en l’occurrence celui des parents, est rarement présent dans la littérature jeunesse. La seconde originalité, c’est la manière dont le sujet est mis en scène, pas de pathos, pas de plainte, de dramatisation. Le livre est à l’image de la petite Louisa, la narratrice, joyeux, léger et souvent drôle. Même le lecteur adulte ne comprend que progressivement ce qu’il en est. Les premières pages pourraient, à quelques détails près sur lesquels nous reviendrons, raconter le début de journée d’une famille « normale ». Quand ils sont sur le chemin de l’école, on réalise tout d’un coup : mais en fait, les parents sont aveugles ! Tous les deux portent des lunettes noires, la maman est guidée par le chien, le père a une canne blanche ; c’est grâce à Louisa que la maman évite de justesse une crotte de chien, le papa, lui, pas de chance, marche dans une flaque ! Dans la cour de l’école, les choses sont dites quand le petit Liam demande à Louisa : Pourquoi il marche avec un bâton, ton père ? Il est aveugle ? et qu’elle répond avec humour Bien vu, oui ! Et ça s’appelle une canne, pas un bâton, avant de retourner jouer immédiatement.
On est tenté alors de revenir en arrière sur les premières pages de l’album, on regarde plus attentivement les illustrations, on relit le texte et là, on « voit » : les deux adultes ont tout le temps les yeux fermés, leur visage n’est pas forcément tourné vers ce à quoi ils sont occupés, Louisa et sa mère comptent les marches de l’escalier en descendant de la chambre et le nombre de pas pour arriver dans la cuisine, une attention particulière est portée aux bruits, aux odeurs, au toucher…C’était donc ça, se dit-on.
Et malgré tout, Louisa est une petite fille comme les autres et sa famille est une famille ordinaire. Le fait que le handicap des parents soit vu par une enfant est intéressant. Louisa est une petite fille malicieuse et dynamique, elle est attentive au handicap de ses parents et connait parfaitement les rituels qui rythment leur vie. Elle aime de temps en temps fermer les yeux pour bien être dans le noir comme eux. Elle n’hésite pas à les défendre si besoin, par exemple lorsqu’à la ménagerie elle tire la langue à un monsieur : il n’avait qu’à pas nous fixer avec insistance. Mais de temps en temps elle essaie aussi d’en profiter : elle espère que sa maman ne réalisera pas qu’elle a mis son
elle tente de manger la première crêpe de la pile sans se faire remarquer et cela lui arrive aussi de tricher un petit peu en jouant aux 7 familles…Mais c’est sans compter, comme nous l’avons dit plus haut, sans la tendre vigilance des parents qui, s’ils ne voient pas, ont développé les autres sens, l’odorat, le toucher, l’ouïe, le goût…Certaines situations sont ainsi pleines d’un humour léger. Et ce qui est certain, c’est que Louisa fait parfaitement bloc avec ses parents.
Même si forcément, il y a parfois quelques contraintes : elle est obligée de se satisfaire d’un chien à la maison alors qu’elle adorerait plutôt avoir un chat ; le livre emprunté à l’école ne pourra pas lui être lu le jour même. Mais à chaque fois, il y a une compensation, une manière d’ajuster. Le chat, il y en a un chez les grands-parents. Et le livre, le tonton le lira à Louisa le lendemain. Il y a parfois de petits incidents, par exemple quand la maman prend le bus dans le mauvais sens et arrive en retard à l’école. Mais là aussi, pas de drame, et une consolation, la visite à la ménagerie. Le ton est sensible mais reste léger, doux et plein d’empathie. Rien de grave, la vie continue sans encombre.
Avec de jeunes lecteurs, on prêtera attention au vocabulaire employé dans le texte, à la teneur des dialogues, et aussi aux détails des illustrations faites aux crayons de couleur ; ils sont doux à regarder, joyeux, chaleureux, très vivants, dans une dominante assez « végétale » de vert, de rose et d’orange. On aura également l’occasion de leur expliquer ce que signifie l’index magique de maman, qui déchiffre plus vite que les yeux de la maîtresse, et en quoi consiste l’alphabet en braille.
En résumé, le handicap des parents n’est pas un problème. Quelques ajustements de part et d’autre suffisent, avec l’habitude, à faire de la famille de Louisa une famille comme les autres. Les différences, les handicaps, les diversités familiales, une fois apprivoisées et compensées, n’empêchent pas d’être heureux.
L’album nous fait poser un regard neuf sur le handicap. Comme Louisa, nous avons envie après l’avoir lu de fermer les yeux à notre tour pour tenter d’imaginer ce que signifie vivre dans le noir.
Un gros câlin…et dors bien petit loir !
Deux autres livres qui abordent le thème de la cécité

