Ados animaux
Auteure | Alyssa Verbizh |
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Illustratrice | Myrha Verbizh |
Editeur | Ecole des loisirs – coll Mouche – 2022 |
Pour mon anniversaire, on a réussi à faire sortir mon grand frère de sa chambre. Léonard a treize ans, c’est un adolescent. Et un adolescent, ça peut être très bizarre, souvent. Alors quand la maîtresse nous a demandé de faire un exposé sur un animal familier, comme je n’ai ni chat, ni lapin, ni hamster, j’ai pensé à mon frère. C’est ainsi que j’ai commencé à observer scientifiquement ce mammifère sauvage, le Leonardus adolescentus…
Mots-clés : famille
Présentation générale
Pour répondre à la demande de son enseignante, Léonie a choisi d’observer son frère comme s’il était un animal. C’est elle la narratrice de cette histoire. Elle alterne des relations de situations quotidiennes de sa vie familiale avec ses notes de « scientifique » qui sont accompagnées de croquis explicatifs. L’ensemble donne la matière de l’exposé qu’elle doit présenter à sa classe.
Ce petit roman comporte huit courts chapitres reprenant, après une présentation des personnages, les annotations de Léonie chaque jour de la semaine. Des illustrations émaillent le récit de façon très agréable et lui donnent une bonne lisibilité.
Nos commentaires
Le cadre de vie de cette histoire est bien campé dès le début : Léonie a 8 ans, Léonard son frère, 13 ans. Leurs parents semblent très classiques et surtout dépassés par ce grand garçon qui n’est plus l’enfant qu’ils avaient connu. Les grands-parents trouvent aussi leur place dans cet espace familial et sont souvent en opposition avec les parents car ils sont plus tolérants et plus permissifs. Enfin, les amis de Léonard complètent un tableau de vie très riche pour notre observatrice.
La fillette est la narratrice et s’évertue à mettre en avant les particularités d’un adolescent qu’elle voit se transformer chaque jour sous ses yeux. On peut penser qu’elle n’a pas l’âge qu’il faudrait pour pouvoir synthétiser des observations et les rédiger comme le ferait un enfant de 10/12 ans. Ce qui donne un petit décalage entre le fond du livre qui intéressera sûrement les ados en devenir comme Léonie et la forme qui relève davantage des compétences d’un collégien. Mais il fallait bien à l’autrice un regard distancié et aimant pour se moquer des travers qu’elle voulait mettre en avant. La position de la petite sœur se révélait la meilleure place pour avoir une personne qui s’en étonne, s’en moque, envie ce passage tout en le découvrant.
La tonalité choisie est délibérément l’humour, déployé au fil du livre, dans les descriptions sans complaisance du frère, le langage qu’il adopte, les attitudes qu’il prend, les relations qu’il modifie selon les personnes avec qui il se trouve….
On va donc découvrir un jeune adolescent qui devient tout mou, traîne son corps qui grandit trop vite et qu’il cache dans des vêtements sans forme, ne pouvant se passer d’écrans, jamais rassasié mais d’un appétit sélectif, fatigué en permanence, à l’hygiène douteuse et à la sociabilité très réduite.
Si cette description est celle que tout le monde connaît chez les jeunes de cet âge, les éléments que Léonie relève et met en avant de façon « scientifique » sont amenés à partir de situations quotidiennes tellement bien décrites que le sourire vient très vite aux lèvres : le casque sur les oreilles qui ne permet pas d’entendre les appels des parents, la fascination du téléphone qui donne l’air bête à ceux qui les regardent, le changement d’attitude selon l’interlocuteur- mère ou collégienne-, les réactions épidermiques pour des broutilles, la contradiction entre l’attitude et le langage….
Les relevés d’observation de Léonie vont ensuite transformer tous ces éléments en fiches scientifiques qui donnent un deuxième niveau de comique. Là, Léonard est vu comme un animal selon différents critères : la séduction devient parade amoureuse, l’opposition parentale se transforme en règles de meute, ses modulations de voix dues à la mue deviennent rugissements ou grognements selon la situation. Le sommeil est aussi moqué puisqu’il est décalé dans la journée et fait de lui un animal nocturne. Quant à son alimentation, elle le classera parmi les animaux qui choisissent le sucré et le gras.
Un autre élément humoristique est amené par les comparaisons que Léonie fait avec de véritables animaux : roulé sur la moquette comme un hérisson, yeux ronds et fixés comme ceux d’un hibou, reniflant dans la cuisine comme un ours à la recherche de sucre, essayant d’attraper un morceau de pain sans bouger du canapé comme un paresseux à griffes… Ces analogies sont reprises habilement par la dessinatrice, Myrtha Verbizh (sœur de l’autrice) qui croque ces situations en faisant des animaux humanisés très crédibles !
Cela rappellera à certains adultes une série de publicités pour une marque de canapés qui étudiait la résistance et la forme de ses propositions par rapport à l’utilisation que les adolescents en feront.
L’environnement familial est également bien traduit dans ces incompréhensions adultes/jeunes, ces colères de part et d’autre, ce cadre qui éclate dans ses règles et ses adaptations et le dépassement de certains parents qui ne savent plus comment se comporter sans blesser. Car l’amour parental et la tendresse des grands-parents comme celle de la petite sœur sont bien présents et permettent de rire des excès de toutes parts qui sont générés par ces métamorphoses. Une belle photo de famille pleine d’empathie, d’interrogations et de remises en question qui sont souvent salutaires.
Notre avis
Ce petit roman prévu dans sa présentation et son volume de lecture pour de « petits lecteurs » (Collection Mouche de l’Ecole des Loisirs) a pourtant la finesse d’analyse d’un essai sur l’adolescence. Il conjugue observations et humour avec la tendresse d’une famille qui doit supporter au quotidien les sautes d’humeur et d’attitudes d’un jeune en plein bouleversement.
Il parlera à beaucoup d’enfants qui ne comprennent pas toujours ces changements de relations qui s’instaurent dans les familles, en les faisant rire et réfléchir sur cet adolescent qu’ils sont en devenir.
C’est un petit roman accessible aux lecteurs déjà suffisamment autonomes pour comprendre l’ironie qui sous-tend cette histoire et apprécier la moquerie gentille qui leur est proposée.
Pour aller plus loin
* Chère petite sœur de Alison McGhee illustré par Joe Bluhm – Editions Milan, 2019
Voilà un roman graphique épistolaire qui décrit la relation entre un grand-frère et une petite sœur et son évolution au fil des ans et de la maturité de l’aîné.
*On peut penser aussi à Le petit humain de Alain Serres illustré par Anne Tonnac -Gallimard Jeunesse (Folio Cadet) , 2019
Un jeune enfant est trouvé par des hippopotames qui l’amènent à l’école des animaux comme incongru. La maîtresse va en faire une leçon de sciences naturelles. L’enfant devient un objet d’étude.