Albertus
Sur son navire, L’Albertus, le capitaine Balthazar Bakkine découvre un ours en peluche. A qui peut-il appartenir, puisqu’il n’y a pas d’enfants à bord ? Il faut élucider ce mystère : un ours si usé, recousu de partout et avec un seul œil, c’est un ours aimé, quelqu’un doit être triste de l’avoir perdu. Où l’on apprend que les peluches ont bien des secrets et peuvent avoir plusieurs vies…
Cet album a été sélectionné pour le prix des incorruptibles 2017
Notre analyse
Cet album est original et rare. Simple dans son écriture et son déroulé, il est néanmoins complexe dans les émotions qu’il renvoie. Le contexte du monde marin laisse à penser que l’histoire va évoquer un monde dur et viril. Or le récit est sensible, fin, il suggère plus qu’il ne montre.
L’histoire ressemble à une enquête. Le capitaine trouve un ours en peluche sur le pont de son navire et il s’interroge sur sa provenance. Il n’y a que six marins à bord mais aucun d’entre eux ne revendique la propriété de la peluche. Le capitaine cherche donc des indices (le fil bleu canard qui a servi à réparer l’oeil de l’ours), il croit avoir trouvé. Mais il se trompe. La chute du récit correspond à la révélation d’un secret intime. Elle est inattendue et donne encore plus de profondeur à l’émotion liée à l’objet inanimé qu’est le doudou.
L’ours en peluche est un véritable doudou, pour les petits comme pour les grands. L’objet a vécu, il a été rapiécé, mais il a une consistance (une éponge ?), une identité sonore. Pour Elie, l’ours représente le souvenir de son enfant, il apaise son chagrin. Les autres adultes sont attendris, il leur rappelle leur enfance. Quant à Amolika, la petite fille indienne, l’objet est d’emblée un bien précieux qu’elle aime. Elie n’arrivait pas à se séparer de l’ours. La passation de l’objet à un autre enfant lui permet de faire son deuil, de passer une étape.
Les illustrations, très originales dans le style, sont plaisantes. Elles accompagnent le texte simplement, apportant parfois quelques indications complémentaires sur le contexte, sur les personnages, sur les dires des personnages. Les silhouettes stylisées des marins, notamment d’Elie et d’Albin, mettent en avant le côté « forts à bras » des personnages. Avec leurs tatouages et leur carrure, ils ressemblent plus à des « durs à cuire » qu’à des hommes au cœur tendre. On pourrait croire que l’ours en peluche, avec son œil perdu, fait un clin d’œil permanent au lecteur. Le souvenir de la perte de la peluche du capitaine est illustré, son ours a été perdu en mer. Le facies d’Elie lorsqu’il révèle son secret, lorsqu’il joue avec la petite fille est expressif.
Pour accompagner les enfants dans leur lecture.
Le texte ne dit pas tout et il sera certainement nécessaire d’accompagner les enfants pour être assuré de leur compréhension. Pourquoi Saturnin ressort-il heureux du bureau du
Capitaine au début du récit ? Pourquoi le capitaine dit-il qu’un ours usé et réparé doit être un ours aimé ? Pourquoi Elie achète-t-il un foulard à sa femme et un collier à sa fille alors qu’il ne leur avait rien rapporté depuis si longtemps ? Les émotions des différents personnages pourront être mises à jour, entre tristesse, regret, joie, tendresse, surprise….
Un accompagnement sur la lecture d’images permettra de mieux comprendre la notion de voyage, l’évocation du milieu maritime, les émotions des personnages…
A propos de l’auteur
http://www.laurence-gillot.net/
Vous connaissez peut-être Laurence Gillot via la série de Lulu-Grenadine ( Nathan) pour les 3-5 ans ou à travers les Super Super, une BD publié dans le magazine ASTRAPI (Bayard) il y a une dizaine d’années. Laurence Gillot est Nancéenne, journaliste à l’Est Républicain, elle a été le sujet d’un reportage diffusé sur France 3 le 7 septembre 2016
A propos de l’illustrateur
https://cargocollective.com/thibautrassat/Adulte/A-propos
Après des études d’architecture Thibault Rassat s’est lancé dans l’illustration. Il travaille maintenant en freelance à Paris. Il a reçu différentes reconnaissances pour ses qualités d’illustrateur.