Banquise blues

Banquise blues
Auteurs

Jory Stone, Lane Smith

Illustratrice

Lane Smith

Editeur

Gallimard Jeunesse – 2017

« J’ai faim, je suis fatigué et en plus j’ai mal partout. Quand je marche, je me dandine comme un gros canard. C’est vraiment ridicule… » Sur la banquise, un petit manchot se plaint à longueur de journée. Non seulement il doit subir le froid, la neige et tous les prédateurs, mais en plus, il lui faut supporter ses propres congénères… C’est vraiment pas de chance ! Et si la vie avait quand même quelques bons côtés ?

Mots-clés : , sagesse, Grand-Nord, individualisme

Présentation générale

Un petit manchot se plaint à longueur de journées. Il ne supporte ni le froid, ni le bruit, ni la neige, ni sa famille. Il critique la température de l’eau de mer, les poissons et la pêche difficile à faire. Alors qu’il sombre dans le désespoir, un morse arrive et lui livre un long discours pour lui proposer une vision bien plus positive que celle qu’il avait de sa vie. Saura-t-il le prendre en compte ?

Notre analyse

Cet album broché et de petit format mise sur les ressorts comiques des situations et des illustrations pour transformer le blues de ce manchot en rires ou sourires.
Car c’est un « Calimero » que ce manchot, jamais content de ce qu’il vit, trouvant sa vie insupportable et sa tribu trop uniforme. Il voudrait avoir ce qu’il veut, où il veut, comme il le souhaite et ne plus avoir à supporter ce qui lui demande des efforts (nager, plonger, pêcher, se faire chasser) ou lui déplaît (son environnement, sa nature de manchot, sa marche, son impossibilité de voler, sa solitude). Mais il est d’emblée attachant. L’expressivité des illustrations traduit bien son désarroi par ses regards et ses postures, ses angoisses dans l’eau noire qui l’avale, sa solitude face au groupe qui lui ressemble mais auquel il ne veut pas s’identifier ou se mêler.
L’intervention du morse après son cri de détresse lui « cloue » le bec, en lui infligeant un discours qui le surprend. C’est le sage qui vient lui donner une leçon, lui apporter une autre façon de regarder son monde en lui apprenant à être content de ce qu’il est. Ce langage peut parfois paraître un peu « lourd » et se révèle très différent de celui du manchot, un peu compliqué pour les jeunes enfants : il faudra le simplifier pour qu’ils le comprennent. Il présente un lexique plus soutenu (l’azur, la clarté, c’est indéniable…), pose des questions qui peuvent sembler complexes (« Avez-vous au moins contemplé l’azur et la clarté de ce ciel d’hiver ? ») mais qui veulent l’aider à une prise de recul par rapport à lui-même en l’amenant à se décentrer (« Avez-vous profité de sentir la présence de vos frères et sœurs à vos côtés ? » « Votre place est exactement ici ».).
La chute de l’histoire sera peut-être aussi un peu difficile à expliquer. Le manchot commence à réaliser la chance qu’il a et devient positif (C’est beau les montagnes. C’est beau l’océan. Le ciel aussi. Et puis j’ai une famille……). Mais sa nature est la plus forte et il se remet à râler …
Le côté comique sera à décoder avec les enfants qui ne le percevront pas directement. Car c’est là une donnée essentielle de cette histoire qui se moque du « blues » de ceux qui ne voient pas plus loin que leur bout de nez.

Les illustrations

Les illustrations font partie intégrante de l’histoire et aident à sa compréhension. La palette de couleurs utilisée traduit bien le froid et l’isolement, les peurs de la poursuite, le côté sombre du désespoir. Les graphismes sont simples mais expressifs, alternant la notion de foule composée d’unités toutes identiques et le personnage seul, qui se sent différent, perdu dans l’immensité gelée. Sa démarche, son essai de vol ou d’ascension de la montagne le ridiculisent.
La mise en page alterne des illustrations pleine page ou découpées par des séparations en bandes verticales ou horizontales, ce qui dynamise la lecture, parfois aussi en cases, comme dans une bande dessinée, pour accentuer les mouvements. Certaines pages fonctionnent par paires en vis-à-vis (« quel boucan », par exemple, ou « je ressemble à tout le monde »).
La typographie a choisi de différencier les paroles des deux personnages en leur donnant à chacun une couleur de langage, ce qui peut aider la compréhension des dialogues.

On pourra rapprocher cet album d’autres héros râleurs ou grognons comme :
Calimero, héros italien de dessins animés


• « Le problème avec les ours grognons » de Myriam Ouyessad, édition de L’élan vert.

Et aussi de l’album « 365 pingouins » pour la similitude des graphismes autour du manchot et du pingouin.

On pense également au film d’animation « Les pingouins de Madagascar » dont vous pourrez voir des extraits sur ce site.