Betty et Burt
Auteure-Illustratrice | Julie Colombet |
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Editeur | Hélium – 2022 |
Betty, la chauve-souris la plus farfelue de la colonie, aime se promener et rêvasser.
Une nuit, elle trouve Burt, un petit têtard. Il s s’adorent.
Mais Burt se transforme vite en grenouille encombrante, car quand vient la nuit pour Betty, lui démarre sa journée.
Pour les autres chauves-souris, pas question que l’ami de Betty s’installe ici. Alors comment faire pour continuer à se voir ?
Un album inouï de tendresse et d’humour, dans l’eau ou dans les airs, en rose ou en vert.
Mots-clés : différence, amitié
Présentation générale
Cet album raconte la rencontre entre Betty, une petite chauve-souris et Burt, un têtard. Ils vont vite se lier et vouloir passer tout leur temps ensemble. Mais leurs différences vont leur poser de multiples problèmes : Comment l’un peut-il jouer et faire du bruit quand l’autre dort ? Comment l’un va-t-il voler alors que l’autre nage ? Comment faire accepter son ami par sa communauté qui ne comprend pas toutes ces différences ?
La première solution vite trouvée est de partir ensemble pour pouvoir vivre comme bon leur semble. Mais cela apparaît rapidement impossible au vu de leurs modes de vie complètement incompatibles. Ils essaient néanmoins et réalisent que vivre leur amitié devient très compliqué.Burt rejoint alors sa famille et Betty accepte l’idée que leurs vies ne peuvent s’accorder.
Quand Betty rentre dans sa grotte, triste et déçue, ses amis qui tiennent à elles, cherchent une solution et lui offrent deux cadeaux « bricolés » sur mesure, l’un pour elle et l’autre pour Burt. Il s’agit d’un ballon pour la grenouille afin qu’elle puisse voler comme Betty et d’une paire de ressorts pour la chauve-souris afin qu’elle s’associe aux bonds de son amie- grenouille.
Et comme elles ont pensé à tout, elles proposent également que des plages horaires adaptées à chacun soient partagées par les deux amis, pour se retrouver mais sans perturber les autres.
Nos commentaires
Si l’histoire vite brossée ci-dessus est en elle-même sympathique et astucieuse, elle n’est qu’une partie de cet album qui plait surtout grâce à ses dessins et son humour.
Julie Colombet, autrice-illustratrice, a su créer un univers très particulier pour nous faire aimer ces petites chauves-souris qu’elle représente d’un rose flashy qui illumine la grotte dans laquelle elles habitent. En ouvrant la première page, on a l’impression que toutes se ressemblent mais en commençant à détailler ces petits animaux, on s’aperçoit qu’ils ont tous des expressions, des tailles, des positions, des actions diverses. Différences au sein d’un même ensemble, peut-être le premier message de cette autrice qui veut faire réfléchir les enfants sur ce qu’est une différence individuelle. On revient alors à l’intérieur de la couverture du livre dans laquelle les animaux sont prénommés avec une initiale identique tout en ayant chacun leur particularité, comme Betty notre héroïne qui est colorée d’un rose plus pâle que ses congénères.
Pour accentuer ces oppositions, le texte, court, en bas de page, commence à semer le trouble dans nos esprits en nous présentant la grotte des chauves-souris comme une maison tout à fait ordinaire sauf que le plafond est au sol et le sol au plafond, ce qui donne envie de retourner l’album pour voir les animaux « dans le bon sens ». Mais l’autrice se met alors à animer ses personnages dans tous les sens, allongés, suspendus, debout… pour que nous comprenions leur façon de vivre : dormir le jour, s’activer la nuit dans une organisation communautaire. Elle y glisse beaucoup d’humour en leur donnant la parole par voie de bulles de BD et en imaginant un aménagement de leur grotte des plus délirants !
Ce décor étant planté, Betty entre en scène. C’est la chauve-souris la plus farfelue de la colonie car elle aime se promener seule et découvrir les alentours. C’est ainsi qu’elle rencontre un petit têtard à qui elle propose de devenir son confident.
De retour dans la colonie, le têtard dans un bocal déclenche de nombreuses questions et réactions qui se comprennent en se mettant dans l’esprit des chauves-souris qui se comparent à lui. Les enfants apprécieront sûrement leurs incongruités : étonnement, commentaires, questions… ainsi que la deuxième couleur de cet album, un vert cru qui fait écho au rose de Betty et va se retrouver au fil des pages suivantes dans les plantes, les lianes, la famille des grenouilles, les cadeaux offerts et leur nouvel environnement final.
Evidemment le têtard va se métamorphoser en grenouille ce qui va en faire un animal d’observation devant qui tout le monde s’interroge. Les liens qui se sont créés entre les deux personnages vont alors être soumis au groupe car leur inversion de rythmes de vie perturbe la communauté. En effet, la grenouille va coasser pendant que les chauves-souris souhaiteraient dormir, gêne partagée par Betty qui a des nuits bien agitées. On savoure les réflexions de chacun le long de grandes bandes dessinées avec phylactères,très drôles, dans lesquelles l’opposition des points de vue s’exprime habilement. Mais la double page suivante sonne le glas de la présence du têtard et incite au départ des deux amis qui ne veulent pas se séparer.
S’en suivent des essais de vie « comme l’autre » assez savoureux : Betty fait « voler » Burt ou dort comme lui mais rien ne la satisfait et Burt disparaît !Ils finiront par se retrouver après des recherches imagées très détaillées qui montrent bien l’attachement de Betty mais lui font aussi comprendre que leur vie commune est impossible. Elle revient dans sa grotte triste mais réconfortée d’avoir vu son ami heureux parmi les siens.
Fausse fin ! Julie Colombet a encore de l’imagination à revendre ! Elle ne peut laisser ses deux héros séparés et éplorés. Elle met la colonie de chauves-souris en effervescence pour résoudre ce problème, ce qui débouchera sur la création de « prothèses » permettant aux amis de passer de bons moments ensemble en se trouvant des moments de vie commune compatibles avec leurs modes de vie.Elle nous fait même un clin d’œil final sur la dernière page de garde, sorte de « bonus » qui montre qu’ils ont, à leur tour, trouvé une façon de partager leurs univers : Betty, avec masque et tuba, sous l’eau, avec Burt ! De la fantaisie à gogo !
Notre avis
C’est un album lumineux, original et tendre qui montre qu’on peut rendre une amitié possible en surmontant des différences pourtant réelles. C’est aussi la place donnée au respect de l’autre qui est sympathique, en cherchant SON bien-être, même si cela implique des sacrifices. Chacun doit pouvoir aimer l’autre en gardant sa liberté.
C’est un livre foisonnant dans les illustrations, les couleurs pourtant minimales –rose, vert et gris- et les situations présentées. Il demande une lecture multiple et calme pour croiser les dessins, les phylactères, les textes et leurs couleurs qui sont primordiales dans cette histoire.
C’est un ensemble un peu délirant, foufou, exubérant mais sans agressivité. On y rit beaucoup, on y retrouve des détails que l’on n’avait pas vus à la première lecture, on s’attendrit devant cette recherche impossible. Un livre qu’on reprend avec plaisir et qu’on apprécie de commenter avec un autre lecteur.
Attention aux éducateurs et enseignants : ce n’est pas un album que l’on peut lire en grand groupe car il faut pouvoir se délecter des petits dessins et des bulles multiples qui ne sont accessibles qu’en lecture partagée à quelques-uns seulement.
Pour aller plus loin
Cet album nous fait penser au livre de Jeanne Willis et Tony Ross, La promesse, dans lequel une chenille tombe amoureuse d’un têtard avec une autre fin plus « radicale ».
On peut aussi lire Le petit humain d’Alain Serres, qui permet de comprendre la théorie de l’esprit puisque un enfant trouvé est présenté aux élèves d’une école d’animaux qui l’observent et l’analysent avec leurs propres références, ce qui met en lumière les différences de chacun.