Comment être aimé quand on est un grand méchant loup ?
Auteur | Christine Naumann-Villemin |
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Illustratrice | Annick Masson |
Editeur | Mijade – 2017 |
Un soir, on frappe à la porte de l’auteur : BOUM BOUM BOUM. C’est le loup, qui en a assez d’être le méchant des histoires. « Je veux… je veux être aimé ! » Et l’auteure de se creuser les méninges pour rendre ce grand méchant loup aussi doux qu’un lapin : yoga, tisanes, pensées positives. Voilà un grand méchant loup tout mou tout roudoudou… Vous me croyez ? Méfiez-vous, après tout, un loup reste un loup !
Mots clés : loup, lecture/écriture
Présentation générale
Le loup en a assez d’être le méchant des histoires. Pensant que le coupable de sa situation est l’auteure des contes, il se présente chez elle et se plaint de son statut. Il demande à être aimé. L’auteure lui propose de lui apprendre à être gentil en lui faisant subir des séances de transformation. Mais le naturel reprend vite le dessus !
Notre analyse
Christine Naumann-Villemin choisit ici l’humour pour déconstruire le stéréotype du loup : méchant, effrayant, carnassier et parfois béta. Elle choisit donc de mélanger fiction et réalité pour faire réfléchir les enfants à ce que l’on est et ce que l’on peut devenir.
Le côté réaliste est traduit par sa propre position d’auteure de livres pour enfants, qui écrit, devant sa bibliothèque et réfléchit à toute heure à ses prochains livres. Ce métier sera à préciser aux enfants qui ne l’ont pas forcément identifié dans les livres qu’ils ont déjà lus. La fiction vient l’envahir en la présence du loup qui se glisse chez elle et sur lequel elle veut exercer son pouvoir de créateur en le transformant à son gré.
Son idée de le rendre « gentil » pour être aimé est discutable : doit-on travestir sa nature pour plaire aux autres ? En passant par les flatteries ou l’hypocrisie ? Est-ce une bonne leçon pour les enfants ?
Les séances de « gentillesse » proposées au loup vont de la tasse de thé à l’écoute de musiques classiques en passant par le yoga, la relaxation et le conditionnement mental ou la manucure. On sent une légère ironie de l’auteure par rapport aux tendances actuelles de « bien être » et « développement personnel », qui sera peut-être compliquée à partager avec les enfants. Le test qui suit : « le lapin chassé » (qui laisse le loup héroïque et stoïque – mots à expliquer aux enfants) laisse déjà deviner le retournement de situation car les lapins, bien sûr, sont « mignons à croquer » et l’auteure reste le seul être encore comestible face au loup, qui reprend son air affamé et méchant.
La double page suivante où l’on ne voit que l’ombre du loup avalant la jeune femme dont il ne reste que le bas des jambes et les chaussons permet de confirmer ce changement d’attitude pressenti. Elle renvoie peut-être au livre « Tout à coup » de Clin MacNaughton chez Gallimard Jeunesse dans lequel le petit cochon Samson rencontre plusieurs ombres qui l’effraient (même si dans « Tout à coup », le jeu avec les ombres concerne surtout la maman de Samson et si Samson ne « voit » jamais le loup mais que c’est le lecteur qui a la vision globale des personnages, donc il n’est pas vraiment effrayé) et qui graphiquement ont des analogies certaines avec celle de cet album.
La conclusion à double sens sera à discuter avec les enfants : En quoi le loup a-t-il aimé l’auteure et l’histoire ? (« C’était une très bonne auteure, je l’ai bien aimé. Et j’ai trouvé l’histoire délicieuse ! »).
On pourra revenir sur cet album en se posant la question de savoir si le loup a préparé une ruse afin de manger l’auteure ou s’il n’a vraiment pas pu se contrôler et donc dépasser sa vraie nature. Et se poser également des questions sur les autres mécontents de l’histoire (la sorcière, l’ogre, le cauchemar, le fantôme…) : sont-ils eux aussi manipulés par le loup ou souhaitent-ils vraiment modifier leur image ?
Le côté humoristique sera parfois difficile à percevoir pour les enfants. On peut le trouver dans les différences de comportements de l’auteur (flegmatique) et du loup (agressif) ; dans la manifestation des méchants avec document de revendication ; dans l’utilisation des méthodes de « bien être » (cf. ci-dessus) ; dans la double page où le loup muselé doit subir les provocations de tous les lapins réunis et surtout dans la conclusion qui, bien qu’elle soit dramatique pour l’auteure, reste amusante au niveau des propos du loup.
Les illustrations d’Annick Masson rendent également le loup bien ridicule et dynamisent le récit avec des personnages facilement identifiables et très expressifs. On retrouvera son coup de crayon dans « Devine qui vient dîner ? » de Pascal Brissy chez Mijade.
Ce récit amusera sûrement les enfants mais les questions posées les dépasseront. Restera le plaisir de se moquer du loup… tout en continuant à en avoir peur !
Pour prolonger la lecture
Les enfants qui auront aimé cette histoire liront avec plaisir « C’est mon jour de chance » de Keiko Kasza aux éditions Ecole des Loisirs dans lequel un mignon petit cochon très rusé se moque d’un renard qui aimerait bien le manger.
Pour mieux connaître l’auteur
Nous avons interrogé Christine Neumann-Villemin qui a eu la gentillesse de nous répondre. Vous pouvez le lire dans notre espace « rencontres » ou vous pouvez y accéder directement en cliquant ici.