Graines de famille

Graines de famille
Auteure

Delphine Pessin

Editeur

Didier Jeunesse – 2024

Un « moche-père » ? Et puis quoi, encore !
Quand Jaro débarque chez Gaspard en semant des fleurs et des sourires dans le coeur de sa maman, ce dernier décide de réagir. Hors de question de laisser ce bigorneau s’incruster entre sa mère et lui ! Mais l’intrus dégoulinant de bienveillance est plus résistant que tous les prétendants vaincus auparavant. La solution ne serait-elle pas de trouver un allié pour remporter cette guerre de territoires ? Avec l’aide de Joséphine, une fille de sa classe un peu pot de colle, Gaspard ne reculera devant rien pour récupérer sa tranquillité…

Mots-clés : relation adultes-enfants, amitié, famille

Présentation de l’éditeur 

Un « moche-père » ? Et puis quoi encore !
Quand Jaro débarque chez Gaspard en semant des fleurs et des sourires dans le cœur de sa maman, ce dernier décide de réagir. Hors de question de laisser ce bigorneau s’incruster entre sa mère et lui ! Mais l’intrus dégoulinant de bienveillance est plus résistant que tous les prétendants vaincus auparavant. La solution ne serait-elle pas de trouver un allié pour remporter cette guerre de territoire ? Avec l’aide de Joséphine, une fille de sa classe un peu pot de colle, Gaspard ne reculera devant rien pour récupérer sa tranquillité…

Nos commentaires

Gaspard habite seul avec sa maman depuis que ses parents se sont séparés et que son père, militaire, est très souvent à l’étranger lors « d’opérations extérieures » d’entrainement. Il a dû déménager et venir habiter en appartement, changer d’établissement scolaire et ne plus voir son meilleur ami, Clément, la seule personne avec laquelle il échangeait régulièrement.
Cela a été difficile mais il s’est habitué maintenant à cette vie à deux vitesses : avec sa mère en exclusivité pour lui durant les périodes scolaires, il se fait dorloter, chouchouter, profite de moments particuliers autour de sa personne ; avec son père durant les vacances, il voyage, visite, partage des jeux et a de petits rituels avec lui auxquels il tient beaucoup. Il a retrouvé un équilibre, différent de sa famille initiale mais qui lui convient bien. Solitaire, son seul ami est virtuel, un tamagotchi, surnommé Albert, dont il s’occupe comme d’un enfant. Il s’est fortement investi dans ce rôle et ce jouet lui sert de consolateur, de confident et d’ami.

Quand Jaro, le prétendant de sa mère, fait irruption dans sa vie, il ne supporte pas l’idée que quelqu’un se glisse entre sa mère et lui, qu’il l’éjecte de sa place et que, lui, perde l’importance qu’il a prise auprès de sa maman. Il décide donc de tout faire pour décourager le nouveau venu afin de le faire renoncer à cette liaison. Il va alors déployer toute la panoplie de l’horrible gamin pour le faire fuir. D’abord, il l’ignore, puis lui fait la tête en permanence, crée des événements pour lui déplaire comme renverser une tasse de café sur son pantalon ou faire des taches sur sa chemise. Malheureusement, cela ne fonctionne pas comme il avait prévu. Il se sent lâché par sa mère, a l’impression « qu’il a rapetissé dans [son]cœur», que plus personne ne l’aime.Mais quand il va jusqu’à dire à Jano « qu’il n’est pas son père », il a franchi les limites acceptables par sa mère.

C’est là qu’intervient Joséphine, une nouvelle camarade de classe, qui arrive à le faire parler pour partager sa colère et sa déception. Elle lui propose de l’aider dans la mise en place d’une machination pour se débarrasser définitivement de cet amoureux.

Mais la situation n’est pas si simple. Jaro est très amoureux de Marie, la maman de Gaspard, et en plus il est pédo-psychologue! Il en a vu des gamins retors, il sait leur parler et établir le contact avec eux. Il semble attentif à chacun, enfant comme amoureuse, fait tout pour se faire accepter et ne cherche pas à imposer sa présence. Quand le moment de se présenter mutuellement ses enfants arrive, c’est l’explosion totale. Car Gaspard découvre que Joséphine est la fille aînée de Jaro, ce qu’il considère comme une trahison de sa part. Il lui reproche de ne pas lui avoir dit avant qu’elle était au courant de cette situation et plus et qu’elle a également une petite sœur qu’il assimile tout de suite à une petite peste. Rien ne va plus !

Les deux grands vont se liguer pour monter un plan de sabordage d’un gâteau d’anniversaire et en faire porter la responsabilité à la petite qui ne comprend plus rien à l’affaire. C’est le désastre mais c’est ce que voulait Gaspard quand il dit à sa mère [qu’il voulait], « qu’on ne change rien, qu’on reste ensemble, toi et moi, pour toujours et à jamais ». Tout le monde pleure, crie, se plaint mais les deux amoureux se serrent les coudes pour gérer cette situation. Le plan des enfants a échoué.

Heureusement, le calme et la psychologie des adultes vont amener une prise de recul et de la sérénité dans le groupe et permettre à chacun de trouver sa place et de respecter l’autre. Ils vont aider les enfants à faire des activités ensemble, à s’apprécier et à s’accepter pour se préparer à vivre ensemble.

Notre avis

Ce roman n’est pas le premier livre à aborder le problème de la séparation des parents et de la recomposition d’une nouvelle famille. Qu’est-ce qui fait alors qu’il ait attiré notre attention ?

Notons d’abord qu’il est écrit en JE. Nous lisons donc les paroles, les pensées, les réactions et les émotions de Gaspard face à cette nouvelle situation qui le déstabilise totalement. L’autrice a su parfaitement se mettre à hauteur d’enfant pour retracer avec vérité des moments de colère, de tendresse et de détresse aussi. Elle nous donne à comprendre ce qu’un enfant peut penser en vivant la recomposition d’un couple qui n’est pas le couple parental. Gaspard est fils unique. Après le départ de son père, il est devenu fusionnel avec sa maman et il a peur qu’on lui vole sa mère et qu’il reste de nouveau seul. Il veut la garder pour lui seulement, il n’est pas prêt à la partager. Il ne se met jamais dans la tête ou la pensée de sa maman en cherchant pourquoi elle veut recréer un couple, ce que cela peut lui apporter à elle et par rebond à lui. Il est envahi par ses émotions et n’arrive plus à se raisonner ou à réfléchir. Quand il lui dit en pensée « Tu m’aimes mais je ne te suffis plus », c’est bien parce que sa place dans la famille est bouleversée. Il n’est plus le centre du monde.

De plus, sa maman lui demande, sinon d’aimer son futur beau-père, au moins de respecter sa place et son autorité. Il est alors pris dans un conflit de loyauté entre père et beau-père. Il est perdu et refuse qu’on lui dise ce qu’il doit faire. C’est sa famille qu’il voit se détruire totalement. Il n’imagine pas qu’un nouveau cadre de vie peut se construire pour lui aussi. Tout cela est très bien écrit et décrit par Delphine Pessin et le choix de la narration en JE lui permet de bien développer la psychologie de son personnage principal autour duquel tournent les autres.

C’est aussi parce que les personnages ne sont pas caricaturaux que nous avons retenu ce livre. Leurs relations sont parfois violentes verbalement et dans les actes mais restent dans l’expression d’un rejet que l’enfant ne sait pas gérer. De la même façon, Joséphine est coincée entre Gaspard, son ami de classe qu’elle apprécie et avec qui elle voudrait avoir des relations plus sincères et Gaspard, le fils de Marie qu’elle déteste car il refuse sa propre famille. La naïveté de la petite sœur qui ne comprend rien à tout ce qui se passe, donne de la douceur et de la relativité à tous ces événements. Seul Jaro est peut-être un peu trop « parfait » dans le rôle du psychologue-médiateur qui veut tout arranger. Mais sa description à lui aussi apparaît vraie tant son positionnement est délicat et juste pour ne pas blesser sa compagne et se faire accepter par son fils.

C’est enfin parce que l’ambiance de ces familles est positive que l’ensemble est réussi. Les adultes comprennent les réactions des enfants et ne cherchent pas à s’imposer. Ils offrent des propositions pour avancer ensemble les uns vers les autres : parler, écouter, faire ensemble, partager, réfléchir et construire. Et cela peut permettre aux enfants de grandir.

C’est un roman totalement adapté aux enfants de 9 à 11 ans, qui leur montrera que la famille peut être à géométrie variable selon les aléas de la vie et qu’il est important de mettre des mots sur ses ressentis pour ne pas envenimer les situations, même si ce n’est jamais facile.

Pour aller plus loin

Fille de l’une, fille de l’autre de Charlotte Moundlic
Ecole des Loisirs, Collection Neuf, 2021
Les parents de Pauline viennent de se séparer. Elle part en vacances au bord de la mer, sans sa mère ni sa sœur mais avec son père et l’Autre, sa nouvelle compagne, et sa fille Jenna. Bonjour les séances de plage et de crème solaire, bonjour les manies de fifilles. Ça, c’est trop pour Pauline. Alors elle a un plan : elle va les pourrir, et tout redeviendra comme avant. Et jusqu’où conduit la tactique du pire ?

Fille de l'un, fille de l'autre - 1