Grand Blanc
Auteure | Adèle Tariel |
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Illustrateur | Jérôme Peyrat |
Editeur | Père Fouettard – 2021 |
Avoir huit ans et être seule dans l’immensité polaire…
Mots-clés : Grand Nord, lien homme-animal, initiation
Présentation
Cette histoire se déroule sur la banquise, dans le grand Nord.
Nous y découvrons Saski, petite fille vive et impatiente de fêter son huitième anniversaire car c’est la promesse de pouvoir partir seule à la pêche.
Sur la banquise, se trouve une ourse blanche affamée, obligée de laisser ses petits afin de trouver à manger. C’est un animal faible, déjà borgne et n’ayant plus de lait pour nourrir ses enfants.
D’abord vus en parallèle, ces deux personnages vont se croiser lorsqu’une tempête de neige se lève. Saski ne retrouve plus son chemin et s’épuise à lutter contre le vent de neige. Elle est perdue, paniquée et n’a plus la force d’avancer. L’ourse va la rencontrer et la protéger comme elle l’aurait fait pour ses enfants. Un bel échange va suivre.
Notre avis
Avec très peu de texte, cet album donne la part belle à l’image qui offre beaucoup à lire.
Il commence avec des alternances construites autour des deux personnages pour bien identifier les points de vue : teintes bleutées et blanches côté ourse qui traduisent le froid et la solitude, teintes vives et rougeâtres côté fillette pour appuyer la chaleur de la maison et de ses parents, le dynamisme de l’enfant.
Cette présentation fait aussi apparaître en creux, le danger que représente l’ourse qui avale des poissons sans combler sa faim et l’innocence de la fillette qui est fière de la confiance de ses parents et de sa technique de pêche maîtrisée. De quoi faire monter l’inquiétude quand leurs trajectoires se croisent…
Un vrai suspens est créé. L’ourse est suffisamment inquiétante pour que l’on se demande ce qui va se passer. Il y a alors une bascule du réalisme au conte. L’ourse va protéger l’enfant, sa maternité reprenant le dessus. Elle réchauffe le petit.
L’intentionnalité reste mystérieuse. Il n’y a pas de recherche de logique. La petite donne ses poissons pour remercier. Mais pourquoi l’ourse n’a-t-elle pas mangé l’enfant ?
C’est un livre qui laisse de l’espace, qui montre une volonté de rendre compte des grandes étendues avec, la blancheur, le froid, le vent, la force de la nature. En opposition, il recrée aussi très bien la chaleur humaine, les sentiments des deux côtés : confiance des parents, fierté de la fillette, douceur et protection de l’ourse.
C’est un livre qui laisse aussi des blancs d’interprétation sur les personnages : Quelle relation cette ourse a avec les humains ? On voit qu’elle est borgne et on peut aisément imaginer qu’elle a perdu un œil lors d’un combat mais lequel ?
Il laisse aussi de grands blancs dans l’histoire : que pensent les parents durant la disparition de leur fille ? Comment la retrouvent-ils ? Pourquoi ne s’interrogent-ils pas sur ce qu’elle a fait durant ce temps de tempête ? Que deviennent les petits sans leur mère ? Que fait l’ourse après cette nuit passée ensemble ?
Tout cela se prête à un échange adulte-enfant pour renforcer la compréhension, faire imaginer les non-dits et faire parler sur les émotions ressenties.
Les magnifiques illustrations de Jérôme Peyrat nous transportent dans cet univers en nous le campant clair, lumineux et presque immaculé comme un éden à découvrir puis en nous faisant ressentir le vent, le froid et l’environnement grâce à ces papiers et calques découpés qui donnent du relief et de l’opacité au paysage glacé et métamorphosé par la tempête.. Cette technique graphique participe à l’ambiance générale du récit en amenant de l’angoisse et une sensation d’enfermement dans le froid et la neige.
Par un texte très simple et très court, Adèle Tariel sait nous transmettre les sentiments des deux protagonistes, la mise en scène de leur rencontre et les bouleversements rapides qui vont se succéder. Elle permet de montrer les réactions de chacun : courage, joie et partage pour la fillette, protection et accueil pour l’ourse.
C’est un bel album qui permet de découvrir un univers lointain et souvent inconnu des jeunes enfants à travers une histoire qui va faire grandir une fillette en lui faisant vivre une situation difficile qui va développer un autre rapport aux animaux , plein d’humanité.
Pour prolonger la lecture :
- L’éditeur a mis à disposition en ligne une présentation de cet ouvrage.
- Nous avons eu des échanges intéressants avec Adèle Tariel autour de cette création littéraire.
- L’enfant qui voulait être un ours Stéphane Frattini Editions Milan 2002 (présentation Ricochet)
- Le message de l’Eskimau de Françoise Richard Albin Michel Jeunesse 2000 (présentation Ricochet)
Septembre 2021