Présentation générale

Une forêt profonde, une cape rouge avec une capuche, sans aucun doute le Petit Chaperon Rouge n’est pas loin. Un personnage court sur pattes avec une queue en tire-bouchon, c’est assurément l’un des trois petits cochons. Un titre où il est question de cape et de magie. Voilà une invitation explicite à entrer dans le livre avec l’assurance de croiser un univers merveilleux et original. Le lecteur n’a qu’une hâte, suivre le petit cochon dodu vêtu de la cape rouge de la première de couverture. Il avance d’un pas assuré dans la forêt profonde, suivons-le !

Évidemment, dans la forêt on rencontre des loups. En voilà un, dès la première page, très élégant dans sa redingote à carreaux avec son joli chapeau. Comme tous les loups il est affamé. Et comme d’habitude son garde-manger est vide. Alors il part chasser. Le problème, c’est le vent. Il souffle en bourrasque. Il gêne le loup dans sa progression, notamment lorsqu’il s’apprête à saisir le Petit Chaperon Rouge qui se promenait innocemment dans les parages. Le vent oblige le loup à fermer les yeux. Il souffle sur la cape qui s’envole… pour atterrir sur le fameux petit cochon.

Tel un taureau dans l’arène le loup ne voit que le rouge. Quand il ouvre les yeux il poursuit la cape et s’aperçoit qu’elle ne recouvre plus le même personnage. C’est là que commence le doute. La cape serait-elle magique ? La question est d’autant plus prégnante que le loup trébuche avant d’attraper le cochon et il n’a pas le temps de se rendre compte que la cape s’est à nouveau envolée sur deux moutons. Le loup se réjouit de la magie présumée de l’objet. Il préfère deux moutons à un cochon et à une petite fille.

Et le jeu continue. Le loup est assommé lorsqu’il rejoint les moutons sous la cape. Il trébuche à nouveau lorsque le Petit Chaperon rouge rejoint la bande. Il ne voit pas les petits animaux s’éloigner et abandonner la cape sur le panier de galettes de la fillette. C’est le repas dont devra se contenter le loup qui semble néanmoins satisfait d’assouvir sa faim. Quant aux autres personnages, ils continuent de rire et de s’amuser.

Nos commentaires

La cape magique est un album très plaisant à parcourir. Petite salade de contes il reprend des personnages connus des lecteurs comme étant des victimes du loup. Le Petit Chaperon Rouge est facilement reconnaissable. Même si la quatrième de couverture indique la présence des trois petits cochons un seul apparaît dans le récit. On reconnaît bien son histoire d’origine grâce à son panier de fagots de bois. Pour les moutons la référence est plus complexe. Les jeunes enfants ne connaissent pas encore la fable de La Fontaine, Le loup et l’agneau. Par contre ils pourront certainement se référer au loup et les sept biquets afin de associer les moutons à une proie de choix pour l’affreux prédateur.

Dans cette histoire le lecteur est omniscient, il voit tout, il sait tout. Le loup pense que la cape est magique. L’enfant, lui, sait que c’est le vent qui la fait voler. Le Chaperon Rouge, le cochon et les moutons ne se rendent absolument pas compte du danger. Ils se promènent et jouent. L’enfant, lui, sait que les animaux prennent beaucoup de risques en se promenant ainsi, ils pourraient se faire manger. La posture du lecteur qui en sait beaucoup plus que les personnages est assez jubilatoire. Il peut s’amuser de la partie de cache-cache avec la cape, il peut rire des différentes mésaventures du loup, il peut également rire de la naïveté des petits personnages. En fait tout l’album est un jeu, jeu de caché-montré, jeu de touche-touche, jeu de « je sais mais je ne te dis pas ». Il n’y a pas vraiment d’intention d’apprentissage. Le loup n’apprend rien sur la réalité des transformations, les présumées victimes restent dans leur univers enfantin. Le lecteur, lui, est spectateur. Il peut profiter en toute liberté des envolées, des quiproquos et des gags qui parcourent le récit.

Les illustrations participent grandement au plaisir de suivre l’histoire. Le loup est d’une élégance rare, il est drôle sous son aspect presque guindé. Les bouilles des autres personnages sont craquantes, pleines de rondeurs et d’énergie. On notera que l’illustratrice a osé montrer les dessous de la jupe du Petit Chaperon rouge soulevée par le vent. A l’heure où les éditions du père Castor échangent la jupette de Marlaguette contre un pantalon, la représentation est plutôt « vintage ». Les dessins au crayon sont raffinés. Les détails des feuilles, la hauteur des troncs de la forêt crée une véritable ambiance de conte. Les traces rouges au milieu des crayonnés noirs et blancs sont lumineux. La cape est évidemment l’objet central mais les pointes de rouge (les imprimés des vêtements, la langue du loup) apportent une jolie dynamique au dessin.

Le texte est enlevé. Les phrases sont courtes, largement ponctuées. Le discours est rythmé. Quelques mots « magiques » émaillent le texte comme « diantre », « cahin-caha », « la berlue », « dare dare »… Les enfants apprécieront sans aucun doute ces mots si expressifs aux consonances d’un autre temps.

La cape magique est un album pour s’amuser. L’histoire est très agréable à lire en regardant les illustrations. Elle est également très sympathique à raconter. On imagine sans difficulté les bruitages qui peuvent accompagner les maladresses du loup et ses étonnements devant chaque apparition de personnage. On imagine également les expressions et les jeux de voix qui valoriseront la gaieté et la naïveté du Petit Chaperon rouge, du cochon et des moutons.
A savourer sans modération !

Pour aller plus loin

Les illustrations en noir et blanc et cette cape très rouge nous on fait penser à l’album « salade de contes » d’Anthony Browne, Dans la forêt profonde. Un très beau livre que nous vous recommandons vivement également !