La carte des nuages

La carte des nuages
Auteur

Michaël Escoffier

Illustrateur

Kris Di Giacomo

Editeur

Kaleidoscope – 2021

Le jour où Kumaï l’orang-outang recueille un oisillon blessé, sa vie est chamboulée. Comment une si petite chose peut provoquer en elle une si grande émotion ? Kumaï fait tout pour le protéger des dangers de la jungle. Jusqu’au moment où l’oiseau prend son envol…

Mots-clés : relation adultes-enfants, liberté, adoption

Présentation générale

Une histoire simple, des illustrations charmantes et drôles pour une très jolie leçon d’éducation.

Un gorille, au regard tendre et au pelage « peluche » recueille un oisillon tombé du nid, prêt de se noyer. Il se prend d’affection pour ce « cadeau tombé du ciel ». Il le nourrit, le réchauffe, le ventile si nécessaire. Il lui fabrique un nid, le protège des prédateurs, le récupère lors des premiers essais d’envol.

Kumaï, le gorille dont il est question, est conscient qu’un jour l’oisillon prendra son vol et partira. Il a juste peur qu’il se perde dans le vaste ciel. Alors il décide d’établir une carte des nuages pour Piou, son protégé. Il s’y attèle avec tout son cœur et son imaginaire.

Inlassablement il scrute le ciel et dessine les nuages sur un papier en les dénommant selon leur forme ou selon son envie. La carte des nuages n’est évidemment pas terminée lorsque Piou quitte le nid pour vivre sa destinée. Kumaï garde néanmoins le sourire devant le joli cœur dessiné dans le ciel par Piou.

Notre analyse

Il existe certainement différents niveaux de lecture dans cet album. Les adultes liront l’attention de tous les instants portée aux petits, la nécessité de les alimenter, le respect de leur rythme de vie pour les amener vers leur indépendance. Les enfants percevront la fragilité d’un petit et l’importance de la protection d’un adulte pour grandir sereinement et s’envoler tranquillement. Des lectures partagées permettront d’échanger sur le sujet entre ceux qui lisent et ceux qui écoutent. De toute évidence le sentiment d’amour devrait transparaître, que l’on soit adulte ou enfant.

Il faut dire que les illustrations de Kris Giacomo donnent à partager cette émotion tout au long de l’album. Kumaï n’est représenté qu’avec deux petits yeux noirs, il sourit peu… mais quelles expressions dans les postures, dans les regards ! On le voit attentionné, attentif, inquiet, toujours tourné vers Piou qui en profite dans tous les sens du terme. Piou est le centre d’attention du gorille mais aussi de tous les animaux dessinés, écureuils, serpents, oiseaux, araignées… Le petit être si fragile au début du récit est bel et bien la chose la plus importante !

Kumaï cherche autant à protéger son petit qu’à l’armer pour affronter la vie seul. Il cherche à lui donner un « mode d’emploi », des repères, une boussole pour que tout se passe bien. Mais Piou partira avant que son protecteur n’ait eu le temps de tout lui expliquer car l’oisillon doit faire se propres expériences et découvrir par lui-même la vie. L’objectif de Kumaï, dessiner LA carte des nuages, est inatteignable pour différentes raisons. Non seulement le ciel comme l’être vivant bouge, change, évolue. Il n’existe aucune permanence, ni dans les cieux, ni dans l’humanité. Mais aussi il n’est pas possible de cadrer totalement l’évolution d’un enfant. L’envie de représenter une carte du ciel est une illustration bien poétique pour refléter l’impossibilité de tout contrôler en matière d’éducation.

Cependant quel bonheur de regarder le ciel, d’observer les nuages, d’imaginer ce qu’ils représentent et de se construire des histoires à l’infini ! Les deux auteurs – illustrateurs invitent tous les lecteurs à ce jeu d’observation et d’invention. Les pages représentant des ciels pleins (intérieur de couvertures et page située au cœur de l’album) sont ouvertes à toute interprétation dans la mesure où aucun nuage n’est vraiment repérable, c’est au lecteur d’inventer. De même les représentations des nuages de Kumaï sur sa carte sont crayonnées de façon maladroite. Les noms donnés aux masses nuageuses apportent de quoi rêver et de quoi s’amuser. L’auteur propose deux dénominations, « Gros éléphant en colère » et « Crabe à la noix de coco ». L’illustrateur n’hésite pas à aller plus loin en proposant d’autres mots jouant sur les sonorités (Patapouf), les mots valises (Ecurieux), les jeux d’écriture (Chatmalo)…

Les illustrations de l’album sont formidables. Elles donnent l’impression d’être épurés, entre crayonnés, formes simples tracées et colorées, peintures de fonds… Mais ce n’est qu’une impression ! Il y a beaucoup d’énergie et de dynamisme dans les images tout en gardant un côté tendre et posé.

Les représentations du gorille sont vivantes et drôles. On le voit dans des attitudes incertaines, en train de tricoter dans l’énorme nid qui l’abrite lui et Piou par exemple, ou encore lâchant son tricot, suspendu à une branche les chaussons aux pieds, les deux bras tendus pour récupérer son oisillon. On le voit tendre, juste crayonné lorsqu’il s’occupe du confort du petit, tranquille et apaisé quand il est allongé, un bras sous la tête et l’autre caressant son bout de chou posé sur son ventre.

Deux écureuils suivent le récit page après page. Ils portent un bouquet de plumes en guise de queue, leur museau allongé fait penser à un rat. Installés sur une branche ou assoupis sur le sol leur posture sont hilarantes. Ils apportent une distance au récit comme s’ils commentaient ou ponctuaient chaque geste et réaction de Kumaï. On pourra proposer aux jeunes lecteurs de se placer à leur hauteur pour s’amuser des différentes situations.

En conclusion cet album a fait l’unanimité ! Entre drôlerie, tendresse, humanité, légèreté et réflexion sur l’éducation, tous nos lecteurs ont eu beaucoup de plaisir à le découvrir.

Mise en ligne – Janvier 2022