Le bonheur prisonnier
Auteur | Jean-François Chabas |
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Illustrateur | David Sala |
Editeur | Casterman – 2011 |
Chez le jeune Liao, accroché au plafond de la cuisine dans une minuscule cage d’or, il y a un grillon dont la fonction est de protéger la maisonnée. Mais un jour, apitoyé par le sort du petit captif, le garçon libère l’insecte. Presque aussitôt les problèmes surgissent.
Présentation
Un album remarquable au premier coup d’œil du fait d’une illustration magnifique, haute en couleur et en technicité.
Notre analyse
Si les illustrations attirent tant le regard quand on ouvre cet album, c’est qu’elles sont colorées, travaillées, détaillées et occupent la majeure partie de l’espace des pages du livre. Même la bande blanche contenant le texte est décorée. On est donc tenté d’entrer dans cette histoire par les images.
Il y a une maîtrise exceptionnelle dans ses planches, tant aux niveaux de la palette des teintes, que des scènes représentées et des personnages sublimés. Les couleurs sont profondes et radieuses et laissent flotter un parfum de saveurs orientales bien présentes.
Chaque illustration est fascinante de beauté et de délicatesse, il se dégage une grâce et une richesse impressionnantes dans les scènes. Rien n’est laissé au hasard, mais chaque élément apparaît comme étant à sa place, tout naturellement. Il trouve un équilibre idéal entre douceur des gestes et des visages et énergie dégagée par les teintes puissantes et enveloppantes. De plus, il y a un petit air délicieux de NEMO dans les traits de Liao.
Sur presque toutes les doubles pages, un magnifique chat bleu avec des ornements ciselés apparaît, et un jeu subtil se crée entre le lecteur qui recherche dans les décors somptueux le félin nonchalant. David Sala a un talent immense et éblouissant, et ce n’est pas si facile de trouver des mots à la hauteur de ses créations enivrantes.
Pour laisser la place nécessaire à l’émerveillement de ses planches, le texte est d’une police très sobre, orné de quelques fioritures qui se révèlent plus brillantes que le papier et qui offre une vue d’ensemble esthétique.
On notera les références aux personnages de Klimt, aux paysages de Monet et aux motifs traditionnels chinois (fleurs, amandiers, hérons, montagnes enneigées, dragon rouge, chat bleu…).On pourra mettre en parallèle le précédent ouvrage du duo : La colère de Banshee qui déploie la même technique et le même foisonnement de motifs et de couleurs.
Les peintures servent magnifiquement le petit conte de sagesse de Chabas. Le thème de la liberté est abordé à travers le grillon du foyer, retenu captif puis délivré et qui accepte de revenir à condition de rester libre.
L’écriture est à la première personne ce qui permet une identification du lecteur et est très centrée sur le quotidien et l’intérieur de la maison que les enfants connaissent bien.
Pour accompagner la lecture
Il faudra sûrement amener les enfants à réfléchir sur les superstitions, les porte-bonheur et leur proposer de revenir sur la façon dont on appréhende les problèmes du quotidien.
– Les événements que l’enfant identifie comme catastrophiques après le départ du grillon sont-ils vraiment si terribles ?
– Si le grillon avait été encore présent, est-ce que tous ces soucis auraient été interprétés de la même façon ?
Le bonheur est une notion difficile à cerner pour les jeunes enfants. Un atelier philo sur « qu’est-ce que le bonheur » peut être intéressant.
Le rossignol de l’empereur de Chine de Andersen peut permettre d’enrichir les connaissances sur les contes et croyances en Chine.
« L’Empereur de Chine, qui ne quitte jamais les limites de son palais, ignore qu’il existe un peu plus loin, au-delà de ses jardins maniérés, des lacs profonds et des bois touffus que les gens du peuple connaissent bien. C’est de là que sort le rossignol au chant mélodieux qui charme l’empereur au point qu’il en a les larmes aux yeux.
Aussitôt il demanda a ses serviteurs d’aller le chercher, les serviteurs le lui ramènent, les japonais se mettent en tête de fabriquer un rossignol mécanique, couvert de rubis et diamants, et qui chante, disent -ils, aussi bien que le vrai rossignol. En vérité, les pêcheurs du lac savent bien que rien n’égale le chant du vrai rossignol, mais l’empereur, séduit par l’idée de garder un faux oiseau qu’il peut manier à sa guise, chasse le vrai rossignol.
Longtemps, la cour et les gens du peuple admirent le rossignol de rubis. Mais la mécanique se détraque et le faux rossignol meurt. L’empereur lui-même est à l’agonie. C’est alors que reparaît le vrai rossignol. Il sauve le monarque et lui demande de garder le secret de ses visites. »
Il est également possible d’aborder le thème du grillon dans les histoires. Il est pour les chinois le triple symbole de la vie, de la mort et de la résurrection. On le retrouve dans Pinocchio où il est associé à la Fée, mère de Pinocchio et devient sa conscience, celui qui le remet sur le droit chemin. Il apparaît souvent dans les contes méditerranéens comme le gardien du foyer, une promesse de bonheur.