Le phare aux oiseaux

Le phare aux oiseaux
Auteur

Michaël Morpurgo

Illustrateur

Benji Davies

Editeur

Gallimard Jeunesse – 2021

Catégories : , , Étiquettes : ,

Une nuit de tempête, Ben, le gardien du phare de l’île aux Macareux, aperçoit un bateau malmené par les flots déchaînés. Il saute dans sa barque pour porter secours aux passagers. Parmi eux se trouve un petit garçon, qui n’est pas près d’oublier celui qui lui a sauvé la vie. Ce garçon, c’était moi, Allen, et cette rencontre allait être le début d’une incroyable aventure.

Mots-clés : amitié, nature-écologie

Présentation générale

Après la mort de son père, le petit Allen Williams, cinq ans, a embarqué avec sa mère sur une goélette qui devait les conduire de New York à Liverpool pour aller vivre chez les grands-parents paternels. Pris dans une tempête au large des îles Scilly, le bateau fait naufrage. Les trente passagers sont sauvés par Benjamin Postlethwaite, gardien du phare de l’île aux Macareux qui, au péril de sa vie, fait des allers et retours avec sa barque et les recueille chez lui. Allen, devenu adulte, est le narrateur de cette histoire. Sa rencontre avec Benjamin, à qui il doit la vie et qui peint si bien les bateaux, ainsi que la découverte du phare, refuge au milieu de la nuit, ont été des éléments fondateurs pour lui. Ils ont accompagné et guidé tous ses choix de vie ultérieurs.

Après leur sauvetage, le petit Allen et sa mère partent donc vivre dans la famille paternelle. Ils y sont très vite malheureux tous les deux. Les grands-parents, « gris et froids », vivent dans une maison inhospitalière, perdue dans la lande du Devon. La gouvernante qu’on attribue à l’enfant lui fait peur et le persécute. Un jour, en matière de punition, le grand-père expédie Allen loin de chez eux dans un pensionnat qui lui fait d’abord l’effet d’une prison. Mais là, contre toute attente, l’enfant fait preuve de résilience, devient champion de course à pied, découvre le plaisir de la lecture, celui d’observer la nature et se révèle très doué pour peindre des bateaux…Il garde précieusement le tableau dont Benjamin lui a fait cadeau quand ils ont quitté le phare.

Quand sa mère le rejoint pour venir enseigner dans son école et vivre avec lui, son bonheur est (presque) parfait. Un jour, au hasard d’un vieil article de journal, le souvenir de Benjamin, qui a refusé une médaille après le sauvetage de la goélette, s’impose à lui. Pour la deuxième fois il tente d’écrire au vieil homme qui de nouveau ne répond pas. Devenu adolescent, Allen décide de retourner seul sur l’île des Macareux pour savoir ce qu’est devenu le gardien du phare. Ils se retrouvent et vont vivre tous les deux une belle parenthèse. Benjamin habite toujours dans le phare mais celui-ci n’est plus en activité. Il peint toujours de belles marines qu’il signe du nom de Ben et il vient tout juste de recueillir un macareux blessé. Ensemble, ils vont l’adopter, le soigner et lui rendre sa liberté, ouvrant ainsi la voie au retour de ces oiseaux qui ont disparu de la région. Benjamin avoue à Allen qu’il est analphabète et que c’est la raison pour laquelle il n’a jamais répondu à ses courriers. Allen entreprend alors de lui apprendre à lire et lui, sous le regard compétent du vieux peintre, progresse en peinture.

La deuxième guerre mondiale met fin à cette belle relation amicale. Allen mobilisé, part combattre dans la Marine, est fait prisonnier en Pologne, et quand la victoire et la paix le ramènent chez sa mère en Angleterre, il se trouve qu’elle s’est mariée et qu’il est temps pour lui de prendre son indépendance. Il choisit alors de retourner vivre auprès de Benjamin sur l’île où les macareux sont de retour. Il y restera, même après la mort du vieil homme, et y construira sa vie familiale et professionnelle.

Notre avis

« Une magnifique histoire d’amitié, imaginée par un conteur unique, et illustrée par un grand artiste », nous annonce la quatrième de couverture. Michael Morpurgo est effectivement un conteur de talent, qui dès le début du livre embarque le lecteur dans son univers en racontant une histoire attachante, vibrante de belles émotions, ponctuée de péripéties, un vrai récit d’aventure… Michael Morpurgo en lui-même est un personnage assez hors du commun. Indéniablement britannique, né en 1943, il se destine d’abord à une carrière militaire, puis il enseigne l’anglais, épouse la fille du fondateur des éditions Penguin Books auquel d’ailleurs « Le phare aux oiseaux »  est dédié, crée avec elle plusieurs fermes où ils accueillent des enfants défavorisés et a écrit à ce jour plus de cent livres pour la jeunesse qui ont reçu de nombreux prix. En 1982, il écrit « Cheval de guerre », adapté en 2011 par Spielberg. Il est lui-même décoré de l’ordre de l’Empire britannique en 1999, Chidren’slaureate en 2003, anobli par la Reine en 2017 pour « services rendus à la littérature et pour son action humanitaire », comme nous l’explique la notice biographique à la fin du roman. Quelques autres titres, « Le mystère de Lucy Lost », sur le naufrage du Lusitania torpillé pendant la première guerre, « Le jour des baleines »,« Seul sur la mer immense » donnent le ton : En route pour l’aventure ! Ses romans ont souvent un lien, comme c’est le cas avec « Le phare aux oiseaux », avec la réalité historique.

Aventure ici joliment illustrée par Benji Davies dont les livres ont eux aussi été souvent récompensés et « conseillés dans les écoles britanniques pour promouvoir l’éducation par l’image en classe ». Dans « Le phare aux oiseaux », les dessins occupent une très grande place, quasiment présents à chaque page, parfois offerts en toile de fond au texte, parfois en pleines doubles et remarquables pages avec notamment les scènes du naufrage, souvent riches en petits détails réalistes (les intérieurs, les paysages, les visages), parfois concentrés en un symbole fort (pages 76-77, le barbelé de la guerre) ou délicatement esquissés comme ce vol gris de Fous de Bassan autour du texte pages 42 et 43. Un beau travail autour des atmosphères et des jeux de lumière. Le côté « anglais » fait un clin d’œil aux lecteurs adultes que nous sommes : sombre manoir dans la lande, pensionnat et uniformes, cottage à la campagne… Le livre est un véritable et très beau « roman illustré », un peu à l’ancienne, mais pas du tout démodé pour autant. L’illustration de la couverture met déjà en place tout ce qui sera important dans cette fiction historique :le naufrage, le sauvetage, le phare et sa lumière-refuge, Benjamin et Allen et bien sûr, le macareux. Il ne reste plus qu’à tisser tout cela et à délivrer le message d’espoir dont est porteuse l’histoire.

Michael Morpurgo a du talent. L’écriture est très littéraire, le déroulement du récit très classique et très maîtrisé tout en restant accessible, le contexte historique est présent (l’extinction du phare, la guerre…) mais les thèmes portés par l’histoire sont ouverts aux enfants d’aujourd’hui : la force de l’amitié, la fidélité dans une belle relation intergénérationnelle, la transmission et l’échange des savoirs, le courage, la résilience, la préservation de la nature (les macareux…), le bonheur et la liberté apportés par l’art et par la lecture (ah…nostalgies d’enfance : Robinson Crusoé, Moby Dick, L’île au trésor… !), la paix, enfin, après l’ombre de la guerre, « même si je suis pas sûr qu’on gagne jamais une guerre » dit Allen page 77. Même la mère d’Allen et son mari quitteront leur cottage pour se rapprocher du phare porte-bonheur…C’est une histoire porteuse d’espoir. Et dont la fin, un brin voltairienne, semble appeler à cultiver son jardin loin des folies du monde.

En conclusion : Un bel objet-livre, une histoire bien construite, intéressante, qui accrochera le jeune lecteur amateur d’aventure autant que l’adulte, touché par le côté « faux vieux livre » de ce roman d’apprentissage.

Nous avons pensé à d’autres titres

« Le collectionneur d’instants » de Quint Buchhloz, Milan, 2003 : roman initiatique qui raconte comment la rencontre avec un peintre a transformé la vie d’un petit musicien en herbe.
« Le secret de Grand-père » du même Michael Morpurgo : une histoire de transmission entre générations, autour de l’illettrisme du grand-père.