Présentation générale

L’album commence par les paroles d’une chanson :
Roses blanches, nous vous suivons vers l’Oracle du Vallon
Désert de mort puis la fontaine d’une demeure souveraine
Au calice ayant goûté, nous entrons dans le palais
Rompons le pain pour le Gardien, descendons toujours plus loin
En plongeant dans le bassin, nous tombons entre ses mains
Loin de tout ce qui est, prisonniers à jamais.

Ce n’est qu’après ces paroles mystérieuses que l’histoire commence vraiment : une page de garde avec le titre un peu développé : Le secret des sables-histoire d’un enchantement, les crédits d’usage et deux illustrations qui nous plongent dans un univers très particulier : une vieille voiture avec trois adolescents à l’intérieur qui attendent une fillette sortant d’une maison, suivie de la même voiture sur une double page représentant un paysage sablonneux et désertique. Le ton est donné. Ils sont seuls dans une immensité. Ils vont se perdre…..

Ce n’est qu’après que l’histoire démarre vraiment. La fillette aperçoit des roses blanches incongrues dans ce paysage et propose de s’arrêter pour les cueillir pour leur mère qu’ils vont visiter. Un de ses frères commence alors la chanson du début : Roses blanches, nous vous suivons vers l’Oracle du Vallon…

Quand ils aperçoivent un bâtiment silencieux au loin, le jeune continue de dérouler son chant car il commence à avoir soif : Désert de mort puis la fontaine d’une demeure souveraine…

La fillette sage et raisonnée, essaie de dissuader ses frères d’aller y chercher un verre d’eau. Mais ils ne l’écoutent toujours pas et vont boire à la fontaine. Pensant à la suite de la chanson : Au calice ayant goûté, nous entrons dans le palais…, elle tente de les empêcher d’aller plus loin mais ils ne l’écoutent pas et se trouvent devant une table garnie de nourriture.
Rompons le pain pour le Gardien, descendons toujours plus loin
En plongeant dans le bassin, nous tombons entre ses mains…
C’est ce que font les trois garçons alors que leur sœur essaie de les retenir.
En plongeant dans le bassin, nous tombons entre ses mains
Loin de tout ce qui est, prisonniers à jamais.
Et les voilà tous les trois disparus dans l’eau du bassin.

La fillette appelle à l’aide, cherche à sortir de cet endroit, sans succès. Elle rencontre alors un immense lion qui se présente comme l’Oracle de la chanson. Celui-ci tente de la séduire pour qu’elle rejoigne ses frères mais elle refuse toutes ses suggestions. L’Oracle lui propose alors un marché : il la met au défi de rester trois jours sans boire ni manger pour casser l’enchantement qui lui a pris ses frères. Elle accepte ses conditions et les respecte…sauf qu’elle prélève un peu d’eau pour y mettre ses fleurs qui commencent à se faner.

Quand l’Oracle vient la retrouver, il lui reproche de lui avoir pris de l’eau. Mais elle argumente et il reconnait qu’elle a gagné. Tout vole en éclats et la fratrie se retrouve réunie dans la voiture, les garçons sans mémoire de ce qui s’est passé, leur sœur, avec un message transmis par le vent : …Puisque tu m’as volé de l’eau, je vais te prendre quelque chose en retour. Un jour, tes propres enfants me rendront visite et s’ils choisissent de rester, ils m’appartiendront à jamais…

La fin du voyage les mène jusqu’à leur mère qui, voyant les fleurs les reconnaît et comprend sans rien dire que sa fille a vaincu la menace qui pesait sur elle et ses frères. On peut alors penser qu’elle-même a subi la même mésaventure quand elle était enfant…

Nos commentaires

L’album est magnifique, avec des illustrations pleine page voire doubles pages entièrement dans des tons ocres, sépia et marron. Cela met le lecteur dans une ambiance étrange, inconnue, et fait peser un poids de mystère et de danger dès le départ.

La chanson mise en exergue, elle aussi mystérieuse et prémonitoire, nous fait comprendre qu’un enchantement va se produire, un sort tellement puissant que les enfants resteront « prisonniers à jamais » d’un palais.

On suit donc l’avancée des enfants avec crainte, en sachant ce qu’ils ne savent pas et en espérant qu’ils trouveront une échappatoire qui les sauvera. On comprend vite que c’est la fille qui va être leur planche de salut mais la situation est tellement bien présentée que l’on ne sait si cette solution est vraiment possible.

Pourtant, elle fait tout pour les avertir, les protéger, les dissuader….mais ils n’écouteront que leurs désirs, leur plaisir, leurs besoins immédiats. Cette descente irraisonnée et incontrôlable les conduira vers leur perte.
La fillette reste seule pour les sauver et s’y investit pleinement.

Quand elle rencontre l’Oracle, on ne peut pas ne pas penser aux légendes grecques comme Ulysse ou Circé. Elle tient tête à l’Oracle et, lutte pour pouvoir relever son défi. Ce passage la présente, attablée dans un espace qui évoque la Cène (le dernier repas avant la mort du Christ), avec nourriture abondante et des animaux qui l’entourent tels les disciples, des orangers (ou des pommes d’or ?) en arrière-plan, comme si elle s’apprêtait à trahir ses frères. Puis les animaux se multiplient. On se demande s’ils sont vraiment animaux ou peut-être humains capturés et transformés ??? Puis elle se retrouve seule, toujours à table entourée de corbeaux, annonces de la mort et rappel du conte de Grimm Les sept corbeaux qui suit cette même trame narrative.

La fin où tout se détruit, s’envole, est réduit en poussière, ressemble à une fin du monde mais c’est cette destruction qui va remettre les choses en place et permettre à la fratrie de se retrouver. Les garçons ne se rappellent plus rien. Leur sœur les a sauvés contre eux-mêmes, sans qu’ils s’en aperçoivent. Le danger de la mort et de l’oubli reste néanmoins en arrière-plan pour l’avenir. L’Oracle a laissé une menace planer dans le vent…

Notre avis

Tout au long de cet album, le lecteur est lui aussi sous l’effet d’un enchantement. Captif de l’ambiance inquiétante, des lieux fascinants et des mystères intrigants, il se laisse porter jusqu’au bout et même lorsque l’histoire s’achève, il y revient en détaillant les illustrations et en reprenant la chanson. C’est magique et envoûtant. Une expérience incroyable ! Les plus jeunes pourront même se croire dans un jeu vidéo.
A recommander aux lecteurs déjà avertis car cette histoire pourrait générer de l’angoisse aux plus sensibles.

Pour aller plus loin

• Dans les légendes évoquées
  La légende de Circé
  Le lotos grec

• Dans des histoires d’enchantements :