Les migrateurs
Auteur | Vincent Gaudin |
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Illustratrice | Karine Maincent |
Editeur | Kilowatt – 2020 |
Autour du grand lac, l’heure est grave. Les oiseaux de malheur ont déjà envahi une partie du pays, imposant leurs terribles lois. Jojo et Jolie doivent fuir, en laissant leurs parents derrière eux. Il leur faudra affronter bien des périls et se construire une nouvelle vie !
Mots-clés : fable, individualisme, exil
Présentation générale
Le livre prend la forme d’une fable métaphorique pour évoquer les difficultés de la migration. C’est un roman graphique de soixante pages, qui s’appuie sur l’image mais où le texte est néanmoins très important.
Il suit les différentes étapes d’un voyage migratoire en l’adaptant à la population « oiseaux » : fuite du pays d’origine, difficultés de trouver une voie de passage, obligation de payer les passeurs, conditions de voyages aléatoires, abandon par les passeurs, sacrifice de certains des passagers. Puis accueil et installation dans le pays d’arrivée, découverte d’une nouvelle vie, retrouvailles entre amis. Pour finir par la décision de repartir dans le pays d’origine.
Nos commentaires
C’est un roman qui s’adresse à de bons lecteurs et qui devra être accompagné. L’ensemble est foisonnant, compliqué parfois, lourd aussi dans les moments difficiles mais une happy end permet de rester optimiste.
Tous les enfants ne feront pas les liens avec les situations actuelles des migrants. Sans vouloir faire avec eux une « traduction » de toutes les situations, on essaiera de leur faire comprendre quelques personnages comme les « oiseaux de malheur » ou les « outrepasseurs » qui sont essentiels.
Des associations seront aussi nécessaires pour saisir le paiement par arrachage de plumes (« se faire plumer ») qui met les oies « à nu » et les condamne à mort par le froid qu’elles ne pourront plus supporter.
On pourra également noter avec eux la diminution progressive de la troupe et sa division qui aboutit à l’isolement et à la recherche individuelle de la survie. Ici, il faudra peut-être sourire avec eux des stéréotypes glissés comme l’oison mâle qui devient constructeur de nids alors que la femelle accède à la fonction d’assistante maternelle.
Si l’ensemble est pesant et un peu trop consistant pour de jeunes enfants, on pourra trouver des respirations en s’amusant de la vieille oie myope qui couve son caillou, des jeux de lettres dans le ciel durant le voyage ou des chants entonnés par les petits (qui ne connaîtront sûrement que la comptine de « mon petit oiseau » et pas les chants de Michel Fugain ou de Marie Myriam) ainsi que par les joyeux souvenirs qui permettent de tenir dans des situations compliquées. Les jeux de mots ne seront sans doute pas tous compris ( être une oie blanche / un nid bis pour un ibis / se traiter de noms d’oiseaux / petit à petit l’oiseau fait son nid ….) mais ce n’est pas le plus important.
Les illustrations accompagnent bien le texte et lui donnent des scènes colorées, vivantes et expressives qui allègent la teneur du propos. Elles occupent les deux tiers des pages ce qui permet au regard d’aller du texte à l’image facilement et d’y trouver une complémentarité intéressante. Les moments forts s’étendent sur une page entière voire une page et demie, ce qui leur donne plus d’importance. L’illustratrice, Karine Maincent, dans une interview au journal « Vosges matin » nous donne quelques clés pour comprendre son travail :
Parlez-nous des « Migrateurs » ?
La première fois que j’ai lu le texte de Vincent Gaudin, j’ai été saisie par sa puissance métaphorique. Ces oiseaux, qui cherchent à partir vers le sud, c’est un grand voyage semé de belles rencontres parfois, de découvertes, mais aussi et surtout d’adversité et d’embûches. Mon compagnon a travaillé auprès des migrants, j’ai moi-même animé plusieurs ateliers au musée de l’immigration à Paris, alors bien sûr, je suis très sensibilisée à ce drame humain. Il faut publier des livres qui parlent de ça aux enfants.
Comment l’avez-vous illustré ?
J’ai beaucoup cherché la bonne écriture graphique, et finalement j’ai choisi trois crayons de couleur : le brun pour les forêts du nord, le bleu pour la traversée de l’océan, et l’orange pour évoquer les pays du sud. J’ai choisi aussi d’utiliser l’intensité de l’encre de Chine pour signifier le mal, le noir. Et puis, j’ai opté pour un dessin simple et fluide. Et c’était parti pour 120 dessins !
Notre avis
Le livre est fort et complexe. Il oscille entre moments tragiques et partages heureux. Il est long et s’adresse donc à de bons lecteurs. Il est indispensable d’en faire un objet de discussions entre l’adulte et l’enfant afin de lui donner tout son sens sans en faire un livre larmoyant ni une explication de texte qui lui ôterait tout son sens.
C’est un album qui traduit bien un problème d’aujourd’hui en essayant de le mettre à la portée des enfants. Le duo Vincent Gaudin / Karine Maincent fonctionne bien pour donner vie à ce récit.
Le site Ricochet donne un avis qui rejoint le nôtre : Une lecture importante qui ouvre à des valeurs humaines comme l’accueil, l’ouverture, la générosité, et ce, à hauteur d’enfant.
Mise en ligne en mars 2020