Les mots de Mo’

Les mots de Mo’
Auteure

Anne Loyer

Illustrateur

Arnaud Nebbache

Editeur

Kilowatt – coll Les Kapoches – 2020

Moi, c’est Mona, mais on m’appelle Mo’!
Ca rime avec « rigolo », mais aussi avec « mots ».
Et c’est là que ça se gâte, car j’ai un problème avec eux. Pas pour les dire ou les chanter…
Pour les écrire : zéro pointé à toutes mes dictées !
Heureusement, il y a le dessin, parce que les mots, on peut aussi les mettre en images.

Mots-clés : langage, différence, lecture-écriture

Présentation

Mona est une fillette qui n’arrive pas à bien orthographier les mots. Cela la dévalorise, l’humilie et la désespère. Son maître, comme ses parents, ne comprennent pas ses difficultés et les mettent sur le compte d’un manque de travail, d’efforts ou de discipline. Heureusement Manuel, son ami et Mamounette , sa grand-mère qui habite avec sa famille, lui trouvent d’autres qualités comme celle de dessinatrice.

Après un sermon des parents qui veulent rencontrer le maître pour trouver une solution, sa grand-mère intervient pour minimiser le problème et inciter Mona à développer ses dessins en faisant un dictionnaire dessiné. Les parents lui proposent alors de suivre des cours de dessin.
Revigorée par ces moments de plaisir avec un peintre et encouragée par le maître qui lui conseille une aide orthophonique, Mona s’investit pleinement dans son dictionnaire dessiné qu’elle va présenter à la classe en fin d’année. Elle reprend confiance en elle et sent que les progrès arrivent.

Notre avis

Ce petit roman aborde avec délicatesse ce problème d’écriture normée que rencontrent nombre d’enfants en cours d’apprentissage de la langue, même s’ils ne sont pas tous dyslexiques. L’orthographe cristallise souvent les anxiétés des parents et sert malheureusement trop souvent à étiqueter les enfants selon leur niveau dans cette pratique. Les reproches que Mona reçoit de son maître et de ses parents sont vécus comme une remise en cause personnelle puisque lui sont relevés sa mauvaise volonté, son manque d’efforts ou d’attention. Elle se trouve ainsi classée dans les « enfants en difficulté » à l’école et dans la catégorie de celui qui déçoit ses parents à la maison. Elle se sent différente et ne sait comment résoudre ce problème. Comme tous les enfants, elle aimerait réussir mais se trouve désarmée et dans un état de profonde désolation.

Anne Loyer cherche à apaiser ces tensions et à montrer un chemin de sortie. Les deux personnages qui viennent en appui à Mona sont Manuel, son copain de classe et Mamounette, sa grand-mère. Ils sont les médiateurs entre elle et les adultes (le maître et les parents), ceux qui la réconfortent, la rassurent sur sa valeur intrinsèque et lui montrent sa force qu’est le dessin.
Elle dresse un beau portrait de famille : une famille où l’on s’écoute, où l’on peut parler, où les parents reconnaissent leurs erreurs en s’excusant et où la grand-mère, personnage très sympathique, fait preuve de sagesse en permettant de mettre à distance le côté compétitif de l’école.

La solution proposée dans le récit –passer par le dessin des mots pour accéder à leur orthographe- est un peu trop simple. En effet, dessiner les mots fait travailler leur signifié alors que les écrire nécessite de passer à leur signifiant. C’est néanmoins une façon de mettre l’enfant en confiance, de développer l’estime de soi qui a été bien écornée chez Mona. Ceci est important mais ne peut résoudre les problèmes orthographiques que la fillette rencontre. En cela ce livre est plus un livre sur les mots-maux que rencontre l’enfant que sur la didactique de l’orthographe qui demande de prendre le temps de réfléchir sur les mots. La voie tracée est celle de trouver une solution face à une souffrance lors des apprentissages : partager ses problèmes, chercher de l’aide, voir ses points d’appui.
Y apparaît également en fond une réflexion sur les notes : est-ce que la note définit quelqu’un ? Nous ne le pensons pas. Mais elle participe très souvent à une dévalorisation au lieu d’aider à trouver un chemin de progression.

L’écriture de ce roman est très jolie, simple et poétique et accessible aux jeunes lecteurs. Les illustrations de Arnaud Nebbache sont sensibles et très « lisibles » par les enfants qui y retrouveront toutes les émotions de Mona : déception exprimée avec Manuel, marginalisation au sein de sa classe, accablement par ses notes, joie de dessiner, culpabilité face à ses parents, réconfort de sa grand-mère, enthousiasme des cours de dessins, fierté de sa « réhabilitation ». Son trait dynamique aide à l’identification du lecteur et donne de la vie au texte.

On ne saurait dire si ce roman est vraiment accessible aux enfants dyslexiques tant sont différentes les formes que prend ce trouble chez les enfants. On invitera néanmoins les adultes à le lire à voix haute aux enfants qui ne pourrait le découvrir seuls et à ne pas le limiter aux enfants directement concernés mais à le proposer comme une aide à la compréhension de tous les problèmes que peuvent rencontrer les enfants à l’école.

Pour prolonger la lecture

Le site Ricochet propose un roman qui ressemble à l’histoire de Mona J’ai peur de savoir lire de Olivier de Sominiac, illustré par Juliette Baily, l’école des loisirs, 2015.

Disponible aussi Les mots du ventre de Brigitte Marleau , Chez Boomerang, 2011. Une petite fiction pour dédramatiser la dyslexie et éviter de stigmatiser les enfants.

 

Septembre 2021