Ma pauvre LUCETTE
Auteure | Géraldine Collet |
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Illustratrice | Maurèen Poignonec |
Editeur | Glénat Jeunesse-2021 |
Au poulailler, c’est toujours la même rengaine : le coq parade, se moque des poulettes et ne leur laisse que des miettes. Lucette, lassée, soupire et se bouche les oreilles. Jusqu’au jour où le renard sort de la forêt et sourit en se léchant les babines…Une fable féministe qui clouera le bec aux machos !
Mots-clés : fable, courage, domination-pouvoir, fille-garçon, ruse
Présentation
Un petit coq dominateur fait sa loi au poulailler, il donne ses ordres, gère la ponte, prend la meilleure place pour dormir, mange en premier, ne laisse presque rien aux poules et fait le malin en poussant des cocoricos qu’il trouve éblouissants. Il agace beaucoup la petite poule rebelle qu’il nomme Lucette, « ma pauvre Lucette ». Un jour, un renard débarque dans le poulailler et attrape le coq qui n’en mène plus très large. C’est alors que Lucette, de son vrai prénom Josette, « Super Josette », va s’opposer au renard prédateur et le faire fuir grâce à une ruse réalisée avec l’aide de ses copines. Le coq reconnaissant est prêt à tous les compliments et à toutes les tentatives de séduction. Mais Josette ne s’en laisse pas conter : dorénavant c’est respect et égalité au poulailler. Non mais !
Notre avis
Dans les années 2000, la télévision diffusait une publicité pour la Française des jeux où l’on entendait cette phrase : « C’est le jeu, ma pauvre Lucette ! ». Ce qui signifiait : C’est comme ça, on ne peut rien y changer… » D’où le titre de cet album, un clin d’œil aux adultes qui s’en souviennent. Et ce qui explique aussi que notre poule finisse par revendiquer son véritable prénom et du même coup par revendiquer sa vraie personnalité : « Arrêtez de m’appeler Lucette ! Moi c’est Josette, Super Josette ! ». Ce qu’il faudra éventuellement expliquer au jeune lecteur.
Nous avons trouvé le dessin de la couverture très engageant : Qui est donc cette petite poule toute ronde qui avance d’un air décidé, l’œil noir, le sourcil froncé, le bec haut levé et la crête dressée ? Elle n’a pas l’air du genre à se laisser faire…Vers quel combat se dirige-t-elle ? C’est une poule noire, de la couleur de sa colère, sans doute pour marquer sa différence, les autres poules et le coq, même pas plus gros qu’elles, étant tous blancs : Elle n’est pas comme les autres et elle va le prouver, elle va oser tenir tête à celui qui se pense le chef du poulailler. Certes, cela va prendre du temps, celui de ruminer les offenses et de laisser monter le « ras le bol ». Oui, elle met du temps à réagir notre Lucette-Josette. Le coq l’agace mais dans la première moitié de l’album, elle se contente de se boucher les oreilles ou de tourner les talons. Elle est cependant la seule à ne pas être « blasée », même elle ne va pas au conflit pour autant. Il faut attendre l’attaque du renard pour qu’elle s’affirme. Encore n’est-elle pas rancunière puisqu’elle va s’opposer à lui et le faire fuir alors qu’il avait le coq entre ses crocs et qu’elle aurait pu, pour se venger, le laisser se faire dévorer ! D’autant plus que le réflexe du mâle dominant face au danger est d’appeler piteusement à l’aide…Mais Super Josette voit plus loin et sauve tout le poulailler en affolant le renard. La ruse est simplissime : une petite pyramide de 3 poules, Josette au sommet et le renard qui est bien stupide et bien ridicule croit voir une poule géante, il détale pour ne plus revenir…Ce dénouement peut-être un peu facile permet le renversement de la fin : le temps du respect et de l’égalité entre gallinacés est venu. Ces messieurs vont garder les enfants pendant que Josette fait la fête avec ses copines. Et oui, on peut changer les règles. « Ah les poules d’aujourd’hui ! ».
Et c’est ce côté « Girl power » que nous avons aimé dans cet album, ce joyeux renversement des clichés, avec Josette dans le rôle de la meneuse qui va se rebeller contre l’autorité du mâle, les autres poules, d’abord hésitantes, dans son sillage. L’intelligence et l’autorité sont pour finir du côté des filles, les garçons n’en sortent pas très reluisants. C’est assez réjouissant…Même si le sujet demande à être affiné !
Les dessins sont vifs, colorés et expressifs, avec de petits détails à observer comme par exemple les différentes positions des poules et des poussins pour dormir dans le poulailler. Le texte est assez drôle aussi, avec quelques clins d’œil langagiers : il y a celui qui « fait le coq » et les « poules » d’aujourd’hui qui ne sont plus comme celles d’autrefois ; les pancartes « Girl power » et « On te soutient ! » des copines cachées derrière un caillou ; l’envie qu’a Josette l’impertinente de « voler dans les plumes » du coq. Quelques jeux de mots aussi à expliquer aux enfants, la décision que prend Josette pour se calmer d’« aller boire un ver » ou ce « petit grain » qu’a le coq dans sa tête…. Nous nous sommes demandé pourquoi certains mots du texte étaient écrits en rouge : Est-ce pour signaler les mots à expliquer ? Pour mettre en relief ceux qu’il faudra accentuer à la lecture ?
En tout cas, c’est un album drôle et léger sur un thème bien développé maintenant dans la littérature jeunesse, le féminisme, mais toujours bon à être rappelé et décliné !
Géraldine Collet, autrice jeunesse et scénariste de bande dessinée a une bibliographie assez imposante, avec notamment d’autres albums pour petits (Le roi des cacas, 1,2,3, crotte alors, Cacarrément, le thème est clair !) ; les histoires de Jacotte, une petite fille insupportable et effrontée ; des livres sur la lecture (Tu lis quoi ? Tu lis où ? Ceux qui lisent) et une série en plusieurs tomes : 1,2,3, princesse.
Quant à Maureen Poignonec, illustratrice, elle a dessiné son premier album Les petites souris cherchent une maison en 2015 chez Gautier-Languereau. Depuis elle a illustré plusieurs séries pour la jeunesse, des livres sur les émotions, un documentaire sur le climat…
Prolongements
La révolte des cocottes d’Adèle Tariel et Céline Riffard chez Talents Hauts.
– Nous voulons l’égalité des poules et des poulets. |
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Quatre poules et un coq de Léa et Olof Lanström à l’ecole des loisirs.
Dans un poulailler vivaient quatre poules. Un coq partageait leur mangeoire. Il était très occupé et passait son temps la tête penchée sur un plan compliqué. Comme il travaillait toute la journée, il exigeait le silence, et les poules étaient obligées de caqueter en sourdine. Les commères du voisinage les complimentaient sur leur coq. Les quatre poules hochaient la tête, mais pensaient qu’il n’était pas très aimable et, surtout, que son coin dans la mangeoire était beaucoup plus grand que le leur. Un jour, elles décidèrent… |
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Différent mais féministe aussi : Ce n’est pas une bonne idée de Mo Villems chez Kaléidoscope/Ecole des loisirs
Ce n’est pas une poule mais une cane et le renard qui ne voit rien venir se fait aussi avoir par sa ruse. Celui qui se croyait le roi de la séduction mal intentionnée va passer à la casserole ! |
Mise en ligne, mai 2022