Mes voisins
Auteure / Illustratrice | Kasya Denisevitch |
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Editeur | Gallimard Jeunesse Giboulées – 2021 |
En fait, quand on y réfléchit bien…Mon plafond est le plancher de l’appartement du dessous et mon plancher…
Primé en 2021 dans la catégorie « Première œuvre » par le prix Bologna Ragazzi
Mots-clés : maison
Présentation de l’éditeur
Une petite fille fait connaissance avec sa nouvelle maison. Elle découvre son nouvel immeuble, ses nouveaux paysages et sa nouvelle chambre enfin pour elle toute seule! Tout autour d’elle, c’est l’inconnu. Qui sont ceux qui vivent au-dessus, au-dessous et tout autour derrière les murs? Des bruits et des sons lui parviennent. Qui sont ses nouveaux voisins? Vont-ils s’aimer? Le lendemain matin elle rencontre dans l’escalier une petite fille qui lui ressemble. Ensemble elles partent pour sa nouvelle école. C’est une nouvelle vie qui commence…
Notre avis
Une fillette vient de déménager et découvre avec plaisir sa nouvelle chambre. Mais elle s’interroge aussi sur ses voisins qu’elle sent proches, au-dessus d’elle, au-dessous d’elle, à côté d’elle… Elle les écoute, se les représente, leur donne vie et en rêve la nuit.
Le lecteur va donc, avec elle, se promener dans cet immeuble et deviner la vie de ses occupants. Pour cela chaque page lui donne des points de vue différents qui s’enrichissent au fil du livre.
Au-dessus, il y a beaucoup de pas, de pieds, des petits petons, des talons de dame, des bruits qui roulent ou qui rampent. En dessous, de petits bruits légers, des pattes de chat, des caresses de plumeau. Les illustrations se développent peu à peu en bandes horizontales et dévoilent un peu plus de cette vie sonore ou silencieuse : des enfants qui jouent et leur maman à l’étage supérieur, un chat qui joue avec le coucou de la pendule en dessous. Et simultanément, des bruits latéralement interviennent : une flûte…Il est temps d’en savoir plus !
La coupe verticale de l’immeuble laisse alors apparaître la vie de ses habitants, ce qui confirme les hypothèses émises et en montre davantage en élargissant la vue aux appartements qui ne lui sont pas mitoyens : les petits garnements sont au nombre de sept et ne manquent pas d’imagination ; le coucou et le chat accompagnent une vieille dame qui regarde la télévision, la flûtiste est une fillette.
Les autres niveaux de l’immeuble, éclairés le soir, permettent de construire des histoires de vie : le jeune homme qui monte l’escalier avec un bouquet de fleurs vient sans doute voir son amie qui est en train de se préparer pour le recevoir, un artiste peintre travaille au sous-sol, le théâtre donne une représentation. Et autour de cet immeuble, se trouvant maintenant éclairées, surgissent des silhouettes à chaque étage.
Au moment de se coucher, la fillette s’interroge : « Est-ce qu’ils vont dormir comme moi ? ». Dans son rêve et son imaginaire, tout se transforme : les sept enfants et leur maman deviennent Blanche-Neige et les sept nains, la flûtiste se transforme en charmeur de serpents, la jeune fille sous la douche en petite sirène….Et même les ombres de l’immeuble voisin prennent des formes de héros : Mickey, Sherlock Holmes, princesses diverses, Max des Maximonstres….Il y a tant à lire dans cette page que c’est un régal de s’amuser à tout repérer et identifier. Et l’environnement prend aussi une autre allure avec des plantes géantes, un dragon, des pierres animées…. C’est d’une richesse incroyable !
Au réveil, ne reste qu’une coquille silencieuse : « Est-ce qu’ils sont chez eux en ce moment ? » dans laquelle les objets apparaissent seuls, ce qui l’interroge de nouveau : « Mais d’ailleurs, est-ce qu’ils existent vraiment ? Mon seul voisin est peut-être mon immeuble». Et voilà l’immeuble qui s’occulte totalement, dont il ne reste plus que l’enveloppe et qu’elle humanise avec une tête, des jambes, une main…Il devient un personnage à part entière. Et l’imagination repart : « Et s’il n’y avait rien derrière les murs de ma chambre ? » Rien qu’un espace noir qui envahit la double page et la plonge dans le sommeil.
Elle retrouve la réalité avec le jour qui se lève et le départ vers sa nouvelle école. L’immeuble s’anime peu à peu, elle fait la connaissance de sa voisine qui l’accompagne à l’école. Et sur le chemin, se pose une nouvelle question : « Et mes nouveaux camarades de classe ? Je me demande bien comment ils sont. »
Si le texte est très court et se résume aux pensées et aux questions de la fillette, les illustrations prennent toute la place et disent beaucoup plus que le texte. C’est un foisonnement de détails, qui sont issus autant de son imagination que de ses craintes et qui embarquent le lecteur dans une observation minutieuse de ce nouvel environnement.
Le livre est réalisé à l’encre noire avec des dégradés de gris et une grande place au blanc qui illumine les habitations comme le feraient mille lumières ou soleils. Des taches rouges nous permettent de nous centrer sur le point important de la page : le camion de déménagement, le doudou parmi les cartons, la robe de l’enfant ainsi que quelques mots du texte qui appuient sur les déplacements spatiaux ou temporels. Puis avec l’arrivée de l’aube, le rouge se mêle au jaune pour le lever du soleil et le jaune se faufile alors dans le quartier pour donner encore plus de couleurs à la vie qui arrive.
Les plans sont multiples : en vision d’approche d’abord (vue du quartier, de la cage d’escalier, de la chambre) puis en coupes horizontales (au-dessus, en-dessous) agrandies peu à peu jusqu’à la coupe verticale détaillée, puis l’environnement de l’immeuble jusqu’au noir du cosmos.
Cette progression des couleurs se retrouve dans les pages de garde. On va passer des doubles-pages d’hexagones gris et noirs du début ressemblant à une ruche triste et impersonnelle qui accueille un seul point rouge à cette même ruche finale où des points multicolores forment un chemin de sa voisine aux camarades d’école.
C’est la vie et l’appartenance qui se mettent en place au long de ce livre. L’appropriation d’un lieu et la découverte de ses habitants prennent les couleurs de l’amitié et de la joie qui animent sa nouvelle vie.
Un gros coup de cœur pour un premier album jeunesse d’une autrice-illustratrice d’origine russe qui s’est perfectionnée en Espagne puis en Italie et nous promet de belles productions à venir.