Mon papa pirate

Mon papa pirate
Auteur

Davide Cali

Illustrateur

Maurizio Quarello

Edition

Sarbacane – 2013

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Le Tatoué, Le Barbu, Figaro... Ainsi se nomment les hommes d’équipage du grand pirate qu’est le papa du petit garçon de ce livre. C’est d’ailleurs parce qu’il est pirate qu’il est toujours parti… Jusqu’au jour où arrive un mystérieux télégramme. Le petit garçon part avec sa maman pour un long voyage, qui lui fera découvrir une réalité tout autre… Son papa est bien un héros, mais pas celui qu’il croyait !

Mots-clés : famille, pirate, secret

Présentation de l’éditeur

C’est l’histoire d’un papa toujours parti : normal, comme il le raconte à son fils chaque été, il est pirate et court les mers entouré d’hommes hauts en couleur : Le Tatoué, Le Barbu, Figaro… Arrive un télégramme et l’enfant et sa mère partent pour un long voyage jusqu’en Belgique, où le garçon retrouve son père – rescapé d’un accident à la mine où il travaille… Vivant, bien réel mais pas pirate pour deux sous. Des années plus tard, le père reçoit à son tour une lettre : la mine va fermer. Deuxième voyage vers le Nord. Cette fois, l’enfant devenu grand reconnaît les hommes qui ont donné rendez-vous à son père : Le Tatoué, Le Barbu, Figaro… ils sont tous là. Et son papa pirate aussi, dans sa baraque de mineur qui craque tel un vieux navire dans la tempête. Avec ses rêves et son courage, et les histoires qu’il racontait.

Notre analyse

Un très bel album à tout point de vue, tant au niveau de l’histoire que de l’illustration et de la mise en page. Quarello, artiste italien reconnu et récompensé par de nombreux prix, a illustré de nombreux albums dont le bus de Rosa Park chez le même éditeur. Davide Cali est un jeune auteur italien talentueux et très prolixe lorsque l’on consulte sa bibliographie sur le site Ricochet (http://www.ricochet-jeunes.org/auteurs/bibliographie/5406-davide-cali). L’indication des nationalités des auteurs et illustrateurs de l’album est incontournable pour comprendre que le récit raconte l’histoire d’un travailleur italien émigré en Belgique.

L’histoire de Mon papa pirate est un récit très émouvant qui oppose un univers fantasmé fait d’aventures, de trésor et d’amitiés à un univers réaliste, dur, dangereux, sans perspective. Le narrateur éprouve de l’admiration, de l’incertitude, du regret, de l’amertume voire de la révolte, puis de la compassion. Il grandit au fil du récit, il comprend que le mensonge de son père correspond à une évasion imaginaire. La phrase « C’est seulement ce soir-là que j’ai commencé à comprendre » est la marque de l’évolution des représentations du personnage.

Un sentiment de nostalgie reste néanmoins prégnant tout au long de l’histoire. L’évocation du monde ouvrier dans la mine reflète une réalité terrible. Outre l’accident toujours possible, il semble qu’il ne soit pas possible d’envisager un avenir meilleur. Certes les ouvriers se retrouvent pour dire adieu à leur lieu de travail, mais ils ne font que « pleurer sur leur navire échoué ». On pourra s’interroger sur la symbolique du drapeau pirate arrimé au haut du pylône à la fin du récit ? Est-ce un signe de connivence entre le père et le fils ? Est-ce un appel à la solidarité ?

La construction du récit permet de suivre le narrateur dans son évolution. Le texte, avec ses coupures, sa mise en page et ses jeux typographiques met en valeur les temps forts, les personnages, les attentes.

Les couleurs sont également un marqueur de temps. Le lecteur traverse le monde des pirates aux couleurs chaudes, perçoit le vide de la page blanche lors de l’anniversaire des neuf ans, se déplace au gré d’un monde froid et dangereux pour découvrir la mine et la difficulté de la vie d’ouvrier. Le temps de comprendre la réalité de la vie économique et sociale avec la fermeture de la mine est marqué par la réapparition de quelques couleurs chaudes teintées de gris.

On soulignera la qualité des illustrations. La variété des formats, des cadrages, des plans, qui font parfois penser à de la bande dessinée apporte dynamisme et esthétique. Les couleurs, le choix des plans et des successions met en valeur le texte et les ressentis. L’expression des personnages interpelle le lecteur, notamment lorsque le narrateur regarde la bande d’ouvriers pirates, de retour à la mine, rassemblés sur une double page.

Des échanges sur les illustrations (description, comparaison, expression des ressentis) permettront certainement d’enrichir les représentations des lecteurs. On pourra également noter l’insertion dans une illustration de La vague de Hosukaï qui se fond dans la double page de la nuit agitée de l’enfant dans le train.

C’est un très bel album sensible, tendre et rêveur et pourtant bien ancré dans le réel. La métaphore des pirates filée tout au long de l’histoire devra être explicitée aux enfants. Il sera important de revenir sur la relation père/fils et montrer comment l’enfant supporte l’absence par le rêve.

Pour prolonger la lecture

Maurizio Quarello présente sur son blog les premières de couverture des livres pour enfants qu’il a illustrés. Vous reconnaîtrez peut-être quelques titres…