Ours et les choses

Ours et les choses
Auteure - illustratrice

Andrée Prigent

Editeur

Didier Jeunesse – 2020

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Avant, Ours avait belle allure.
Chaque matin,
il ouvrait grand les bras
en regardant le ciel.
Mais un jour…

Mots-clés : sagesse, identité

Présentation de l’éditeur

Avant, l’ours avait belle allure. Chaque matin, il ouvrait grand ses bras en regardant le ciel. Mais depuis qu’il a trouvé une carriole, il n’a plus de temps pour ça. Il courbe le dos encore et encore pour remplir sa carriole, il ramasse des choses, tout et toujours plus. Avec sa tête baissée et son dos courbé, l’ours ne voit rien, il n’entend rien, pas même la tempête arriver. Heureusement, l’alouette et son cri vont le sauver. De la tempête et de son aveuglement aussi. Regarder à nouveau, ouvrir grand les bras…

Nos commentaires

Voilà un petit conte de sagesse simple et intelligent.

On pourra proposer aux jeunes enfants de le regarder en commentant les images. On attirera leur attention sur la posture de l’ours qui se courbe peu à peu jusqu’à avoir le museau sur terre ainsi que sur les expressions de l’animal qui passent d’un sourire à un air soucieux pour retrouver finalement le sourire. De sa position initiale de bipède, il s’affaisse à quatre pattes dans son statut d’animal.

En ne lisant que les images, l’enfant pourrait penser que l’animal ramasse des déchets au long du chemin alors qu’il est dans une logique d’accumulation et de possession. La carriole trouvée ne pouvant rester vide, il va la charger d’objets que l’on identifiera comme porteurs de sens dans sa vie : une horloge (le temps), deux cages (l’enfermement), trois barrières (l’isolement), quatre roues (l’engrenage), cinq sonnettes (l’alarme). Si ces symboles sont difficiles à percevoir pour les enfants, on peut néanmoins leur montrer le poids que cela représente pour l’ours puisqu’il se courbe au fur et à mesure et l’obsession qu’il se crée puisqu’il ne voit plus son environnement et ne s’aperçoit même plus que sa carriole craque et que tout disparaît. Il n’entend plus les bruits alentour et n’est sauvé que par le cri de l’alouette. Pour lui, ce ne sont pas tant les objets que leur quête qui est importante.

Il lève alors la tête et voit tout ce que sa recherche avait occulté : le ciel, les arbres, les feuilles. Cela le fait se redresser dans une posture libératrice et retrouver son sourire.
La phrase : « Merci l’oiseau, tu m’as sauvé la vie ! » a donc un double sens : tu m’as sauvé de l’arbre qui me menaçait dans sa chute mais aussi, en me « tirant vers le haut », tu m’as sauvé du matérialisme et de mon aveuglement qui m’asservissaient.

Il y a cette opposition entre l’ours et l’alouette : lui est à terre, et se traîne dans l’accumulation et l’enfermement ; elle est libre, lunaire, aérienne, tournée vers l’avenir.
Pour le faire comprendre aux enfants, on pourra leur demander : quand l’ours est-il heureux ? sans chercher à être trop pesant sur le message à passer.
C’est donc une jolie fable, sensible et touchante, poétique et joyeuse sur « l’importance de regarder le monde et les autres autour de soi » (Didier Jeunesse).

Les illustrations

Andrée Prigent a entièrement réalisé cet album en linogravure, avec trois couleurs seulement : le bleu profond, l’orange vif et le blanc ivoire du beau papier de qualité. Cela suffit à planter le cadre (la forêt), le personnage (l’ours) et le chemin à suivre en des coups de crayons simples appuyés par de petits graphismes qui donnent de l’épaisseur aux éléments. Le texte reprend ces couleurs, réservant le bleu à la narration et l’orange aux bruits, comme pour attirer l’attention de l’ours qui y reste insensible.
C’est un très beau travail technique qui se termine par une magnifique double page dans laquelle l’ours reprend sa « belle allure », retrouve son sourire et son lien avec la nature. La dernière image, la plus petite de l’album, et presque anecdotique (les lapins dans la carriole cassée) semble être chuchotée dans le creux de l’oreille à l’adresse des enfants qui ne manqueront pas de poser la question du devenir de ce qui a déclenché cette histoire.

Si vous souhaitez vous glisser dans l’atelier de l’auteure, illustratrice, rendez-vous sur ce site.

Cette technique peut faire penser à celle utilisée par May Angeli que vous pouvez retrouver dans une autre histoire d’ours : L’ours et le canard / Editions des éléphants (2019)

Nous avons eu le plaisir d ‘accueillir Andrée Prigent pour des rencontres avec ses lecteurs dans le cadre du jury L.I.R.E de la cité éducative du Havre nord.

 

Mise à jour, mai 2022