Presque perdu

Presque perdu
Auteur

Hervé Giraud

Illustratrice

Aurélie Castex

Editeur

Seuil Jeunesse, coll Le grand bain – 2023

Emile est en vacances au bord de la mer. Oncles, tantes, copains, il y a tellement de monde dans la maison qu’on finit par s’y perdre…Tant et si bien qu’un matin on se retrouve avec un enfant de plus qui n’est pas à nous sur les bras et une alerte enlèvement dans les journaux !

Mots-clés : émotions, famille, relation adultes-enfants, peur, deuil

Présentation générale

Emile est en vacances dans une maison au bord de la mer avec ses parents, d’autres membres de sa famille, son chien Neuneuil et tout un groupe de copains, adultes et enfants. Une vraie tribu ! D’autres amis, et des amis d’amis, leur rendent visite dans la journée, restent parfois faire la fête le soir. Il y a tellement de monde qu’on ne sait plus qui est là, qui vient, qui part, qui reste ! Et il y a en prime un Papi, Tintin, qui aime s’occuper des enfants et s’amuser avec eux.

Un jour, tout ce joyeux monde rentre de la plage avec un enfant de trop. Au bout d’un petit moment, on réalise que ce petit qui pleure et qui est certainement anglais n’appartient pas au groupe…Ce doit être un enfant qui s’est perdu et qui s’est laissé embarquer par erreur par la famille d’Emile. Le temps de prendre la mesure du problème, un avis d’enlèvement a été lancé, la police débarque pour enquêter, l’enfant est identifié et il retrouve ses parents avec bonheur.

Tout est bien qui finit bien. Sauf que, quelques jours plus tard, le mauvais temps s’installe ; au lieu de la plage on choisit la forêt pour aller prendre l’air. Et cette fois, c’est Emile qui se retrouve tout seul à cause d’un lacet dénoué qui lui a fait perdre du temps. Le reste du groupe a continué d’avancer, Emile s’est perdu dans la forêt. A son tour de ne pas trouver ça très drôle ! Et il a même très très peur. Rétrospectivement, Emile comprend que pour le petit Anglais ce n’était pas rigolo du tout non plus…

Lui aussi sera finalement retrouvé…par les parents de cet enfant Bidule embarqué par erreur quelques jours auparavant ! Et par le Papi Tintin qui se retrouve en même temps qu’eux devant le commissariat alors qu’il est à la recherche d’Emile. Tout est bien qui finit bien, une fois de plus.

Le lendemain, Emile perd une dent. A partir de ce petit évènement et dans l’attente du passage de la petite souris, son lien avec Tintin va se renforcer. Le petit Emile va commencer à comprendre ce que cela signifie pour le vieux monsieur d’avoir « perdu » sa femme. Leur complicité va s’en trouver soudée et leur amitié scellée, face à la mer.

Nos commentaires

Petit roman pour les 8-10 ans bons lecteurs, dans la jolie collection « Le grand bain » au Seuil Jeunesse, Presque perdu est donc un livre qui pose la question de la perte, sous ses différentes formes, ses différents sens. Tout est dit dans l’introduction : Si Tintin avait fait attention à sa femme, il ne l’aurait pas perdue et moi j’aurais gardé ma dent de lait et on n’aurait pas été entrainés dans toute cette histoire où tout le monde perd des choses et des gens.

Recueillir un chien perdu, aider un enfant perdu, adopter un enfant qui a perdu ses parents, se perdre dans la forêt, perdre une dent, perdre sa femme…Tout cela se mélange dans le vécu et dans la tête du petit Emile le temps des vacances à la mer. Il va mûrir, il va comprendre peu à peu que le même verbe n’a pas forcément le même sens selon les situations ni la même gravité. Il arrive qu’on se perde, que ça fasse très peur mais que ça se termine bien, on était seulement « presque » perdu…

Certaines choses se perdent et se retrouvent ou se remplacent. Perdre sa femme ne signifie pas par contre qu’on va la retrouver ailleurs qu’au fond de son cœur et de sa mémoire. Perdre une dent est beaucoup moins grave, cela enrichit la tirelire, cela prouve qu’on grandit. Et même si la perte est définitive, il y aura toujours la possibilité d’une résilience et d’une consolation grâce à la présence des gens que l’on aime. C’est ainsi que le Papi Tintin va pouvoir continuer à être heureux malgré le deuil de sa femme, grâce à l’amitié qu’il lie avec Emile et au lien qu’il est le seul adulte à savoir créer avec tout le groupe des enfants. Tu sais, me dit Tintin, quand on perd une dent, ce n’est pas très grave, une autre dent repousse. Quand on perd quelqu’un que l’on aime, c’est pour toujours. Heureusement, parfois on rencontre d’autres gens qui nous font un peu oublier le chagrin.

Emile va apprendre à établir des hiérarchies dans la gravité des notions de perte…De plus, il va comprendre que la tristesse et le bonheur peuvent se marier avec douceur et que rien, alors, n’est définitivement…perdu.

Le narrateur de cette histoire est Emile lui-même, petit garçon très attachant et mignon qui regarde et analyse le monde des adultes avec sa naïveté et ses mots d’enfant. Il s’adresse à son lecteur pour lui expliquer toute l’histoire, son langage est celui d’un enfant qui s’efforce de comprendre tout ce qui se passe, avec la logique de son âge. On pense bien sûr au Petit Nicolas de Goscinny et Sempé qui, comme Emile, peut faire rire ou attendrir aussi bien les jeunes lecteurs que les lecteurs adultes. La description de l’ambiance assez olé olé des soirées dans la maison de vacances fera d’ailleurs certainement sourire certains adultes quis’y reconnaitront ! Le regard d‘Emile sur le monde des adultes, sur ce qui lui arrive à lui dans sa vie d’enfant et dont il ne comprend pas toujours la portée est plein d’humour et de tendresse. On peut se demander si ce choix de point de vue sera toujours accessible au jeune lecteur, si l’humour de certaines réflexions d’Emile seront à sa portée, mais cela vaut la peine de tenter l’expérience…

Les illustrations d’Aurélie Castex sont joyeuses, expressives et colorées. La collection « Le grand bain » offre à chaque fois aux enfants une jolie double couverture qui se déplie en poster : On y découvre là papi Tintin jouant dans l’eau avec tous les enfants.

Oui, au bout du compte, tristesse et bonheur peuvent parfois se tisser ensemble…Et perdre s’apprivoise.