Singe et le monstre
Auteur | Gilles Bizouerne |
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Illustrateur | Roland Garrigue |
Editeur | Seuil Jeunesse – 2023 |
Dans la forêt, les animaux entendent un grognement épouvantable : un monstre vient d’engloutir les étoiles, la lune et même le soleil ! Le monde entier se retrouve dans l’obscurité. Qui aura le courage d’affronter le terrible Monstre pour récupérer la lumière ? Un conte du Sénégal.
Présentation générale
Dans la jungle africaine, plusieurs animaux, une sacrée bande de copains, vivent heureux et tranquilles. Jusqu’au jour où un monstre terrifiant surgit un soir et avale d’un seul coup les étoiles, la lune et le soleil, avant de disparaître dans la forêt. Une nuit catastrophique s’abat sur le monde. Autour d’un feu, la question se pose : Qui sera assez courageux pour aller affronter le monstre et lui reprendre ce qu’il a volé ? Presque tous les animaux se dérobent par peur en s’inventant des prétextes. Deux d’entre eux, plus courageux que les autres, vont relever le défi : Tortue d’abord puis Antilope. Mais malgré leur farouche détermination, elles vont finalement perdre tous leurs moyens face à la colère du monstre et ce, au péril de leur vie.
Que faire ? Plus personne ne veut se risquer à s’opposer au monstre…C’est alors que Singe prend la parole de manière inattendue : Les amis, c’est moi qui vais y aller. Je vais reprendre au monstre ce qu’il nous a volé. Tous les autres se moquent de lui, persuadés qu’il est trop petit, trop fragile et que d’être malin (comme un singe…) ne lui suffira pas. C’est pourtant lui qui va sauver la situation. Au lieu de fuir face au monstre comme Tortue et Antilope, il va ruser en se moquant de lui. Le monstre en colère l’avale alors tout cru. Singe, au fond de ses entrailles, retrouve tous les astres intacts. Ensemble ils cherchent la sortie pour s’enfuir : C’est par les fesses du monstre qu’ils vont pouvoir s’échapper en deux fois…Et le monde, grâce à Singe, sort enfin de l’obscurité et retrouve la lumière. Le monstre, honteux de s’être fait avoir, disparaît pour toujours. Le singe jubile : Alors les amis, qui c’est le plus fort ? Et c’est la fête !
Notre avis
Une valeur sûre en matière de contes pour les petits ? La collection « A petits petons » chez Didier Jeunesse. Un succès assuré en maternelle avec Petite fille et le loup, La moufle, Les trois boucs, Petit beignet rond et doré, La cocotte qui tap tip tope et tant d’autres.
Singe et le monstre ne fait pas exception. L’auteur, Gilles Bizouerne (à qui nous devons également la série des Loup gris…) est également conteur sur scène et cela se sent à l’écriture de son texte ; on a immédiatement envie de le faire vivre en le lisant à haute voix. Comme il est expliqué en page de garde, les éclipses et le risque d’une nuit définitive ont effrayé les hommes de tout temps. Ce conte africain des origines reprend le mythe du monstre qui avale les astres et répond par une fiction animalière à la question : Pourquoi y-a-t-il des éclipses ?
On y retrouve la structure narrative de nombreux contes traditionnels ; le récit est vivant, dynamique, rythmé par les répétitions. A voix haute, ce sera un plaisir de jouer sur les tonalités, les différentes voix, les sonorités, et les bruitages, le déplacement de chaque animal donnant lieu à de nouvelles onomatopées.
Vive Tortue ! Vive tortue la courageuse !
Je suis plus grand que grand, je suis plus fort que fort. Si tu approches encore je te dévore !
Antilope file vers la forêt. Tiketin, tiketan, elle court droit devant. Tiketintiketan, elle court plus vite que le vent !
Quiii se moque de moi ?
Le récit ne manque pas d’humour. Les animaux trop peureux et trop lâches pour aller affronter le monstre avancent des arguments qui feront sourire les enfants. Girafe a un torticolis. Lièvre a envie de faire pipi. Poule dit qu’elle a trop mal aux dents…
Et le comble du succès sera inévitablement remporté par le dénouement et les dernières scènes quand Singe et les astres réussissent à sortir par les fesses du monstre ! Répétée deux fois pour le plaisir et bien illustrée, cette petite conclusion scatologique fera rire les jeunes lecteurs, c’est certain…Toute la fin d’ailleurs sera l’occasion de se réjouir et de s’identifier: Le monstre est énervé puis anéanti par les moqueries d’un plus petit que lui ; le singe l’emporte grâce à sa ruse et à ses facéties, plus opérantes que la force des autres animaux qui se révèlent au bout du compte très peureux ; il vient à bout de bien plus fort que lui malgré sa petite taille, les enfants seront sensibles à cette technique de petit futé ! Cet humour et cette légèreté de ton à la fin font oublier que l’antilope perd la vie dans cette aventure et que la tortue s’en sort fort assommée…Il n’y a pas de dramatisation de ces épisodes.
Roland Garrigue a illustré cet album. Il explique en page de garde qu’ayant beaucoup voyagé en Afrique, il s’est inspiré d’un motif de tissu pour réaliser ses dessins : Beaucoup de couleurs chaudes (marron, orange, rouge..) pour faire ressortir les animaux sur le fond de nuit ;des petits détails à observer dans les recoins ; de jolies frises géométriques encadrant certaines pages ou certains morceaux de texte ; tout un travail de contrastes, de la lumière à la nuit et de la nuit à la lumière, également pour faire briller les astres dans le ventre du monstre. Il y a de l’humour aussi dans les expressions des animaux, dans ce chemin que nous suivons avec le singe tout le long de l’intestin du monstre. Et quelque chose de joyeux dans l’illustration qui dédramatise le texte, par exemple quand Singe tombe dans la gueule du monstre, on voit à son sourire que cela fait partie de son plan et que lorsque le texte dit : Singe perd l’équilibre et tombe dans la gueule grande ouverte du monstre, on a un peu peur mais pas vraiment ! L’histoire est gentiment effrayante au début mais plutôt alerte et réjouissante dans l’ensemble.
En résumé, voici un conte parfaitement adapté aux jeunes lecteurs, dans la droite ligne de la qualité habituelle de la collection. Un texte que les adultes prendront plaisir à raconter et à mettre en voix.
Deux autres contes qui feront écho chacun à leur manière à Singe et le monstre :
Pourquoi le moustique bourdonne à nos oreilles, aux éditions de la Farandole, raconté par VernaAardema : Un conte de randonnée d’Afrique de l’Ouest où une mère hibou, triste d’avoir perdu un petit, décide de ne pas réveiller le soleil et plonge ainsi le monde dans l’obscurité. |
Le chat et le perroquet, un conte de Sara Cone Bryant, que l’on trouve parfois sous le titre de Le perroquet et le chat trop gourmand : Un perroquet invite un chat à manger mais celui-ci, jamais rassasié, finit par manger tout ce qui l’entoure, jusqu’au soleil et la lune. Deux petits crabes qui se sont aussi fait avaler percent un trou dans le ventre du chat pour pouvoir permettre à tout le monde de se sauver. |