Présentation générale

Trèfle est la benjamine d’une famille nombreuse. Elle habite dans une ferme, située en clairière de forêt, qui fait de l’élevage de chèvres. Ce matin-là, ses frères et sœurs la sollicitent pour les accompagner dans une activité. Mais Trèfle n’arrive pas à choisir entre les différentes propositions qui lui sont faites…
Elle va rejoindre finalement le groupe qui pêche des moules dans la rivière mais se fait distraire par le bruit d’une chèvre échappée qu’elle veut rejoindre. Pour retrouver sa chèvre, Trèfle va devoir, régulièrement, faire des choix : Aventure ou raison ? Gauche ou droite ? En haut, derrière ou droit devant ? La tête ou le cœur ?
A chaque fois, elle s’arrête, écoute la nature qui l’entoure, réfléchit et prend sa décision, sans retrouver néanmoins ni la chèvre ni le chemin de sa maison.
Heureusement ses frères et sœurs, partis à sa recherche, vont la localiser grâce à la chèvre perdue.

Nos commentaires

Cet album, très illustré, est également un roman présenté comme un livre « à l’ancienne ». Sa couverture est toilée rose, imprimée en rose fuchsia et recouverte en partie par une jaquette très colorée où sont représentés les deux principaux protagonistes de l’histoire : Trèfle et Pivoine, la chèvre égarée. Une présentation qui fera sûrement craquer quelques adultes nostalgiques.

Il est découpé en cinq chapitres dont les titres reprennent les questions auxquelles Trèfle aura à répondre au long de son périple. Car c’est autour de la notion de choix que s’articule ce texte, la difficulté de prendre une décision, la réflexion qui précède ce moment, les conseils qu’on peut recevoir des autres.

Les choix auxquels Trèfle est confrontée sont de nature différente : Quelle activité choisir quand on aime tout ? Faut-il suivre le plaisir ou la raison ? Comment savoir où aller quand il y a plusieurs voies pour y parvenir ? Faut-il perdre du temps en chemin pour protéger un autre que soi ?

Son cheminement, seule, dans la nature, l’oblige à prendre confiance en elle, à avancer sur le chemin de la vie en prenant ses propres décisions.
La forme de randonnée que prend cette histoire est structurante pour les enfants car ils vont vite saisir la répétition des situations : Trèfle avance, se trouve devant un choix à faire, se tourne vers un élément de la nature pour lui demander conseil. Celui-ci ne lui répond pas mais son contact apaise l’enfant et lui permet de réfléchir avant de faire son choix et de continuer son chemin.

Cette nature est très présente dans le texte comme dans les illustrations. Trèfle s’enfonce dans la forêt, suit des traces d’animaux, parle au grand chêne, écoute la rivière couler, ramasse un oisillon tombé du nid, s’endort dans l’herbe, grimpe à un arbre… Sa relation avec les éléments de la forêt est très charnelle. Elle adore le chant des grenouilles qu’elle prend plaisir à caresser, elle enlace le chêne, elle écoute la rivière et le vent…Et même si elle ne peut converser avec eux, le chêne l’apaise, la rivière la rassure, le vent l’inspire dans une sorte de communion d’êtres vivants. En effet, l’environnement ne peut lui apporter une réponse mais il peut aider à faire ses choix.

Car l’importance de faire ses propres choix est au cœur de ce livre. Dès le début, un de ses frères lui dit : « Ne laisse pas les autres décider pour toi. » Ses choix sont toujours empreints d’empathie envers l’autre : « Je dois absolument retrouver Pivoine », « Le petit [oisillon] se ferait sûrement dévorer par un renard ou une belette si elle ne faisait rien… ». Mais elle prend à chaque fois le temps de ne pas se précipiter, de réfléchir, d’écouter sa petite voix intérieure avant de prendre une décision.

C’est une enfant posée, qui ne perd pas son objectif de vue. Il s’agit de retrouver sa chèvre et elle revient toujours à ce problème. Ses tergiversations ne l’empêchent pas d’être stable dans son but et de chercher toujours la meilleure solution. On la voit qui se perd en recherchant sa chèvre, se perd pour mieux se trouver et grandir avec les épreuves comme la crainte, la peur, l’isolement.

Mais si Trèfle supporte ces épreuves, c’est aussi parce qu’elle est bien entourée, non seulement par la nature mais surtout par sa fratrie qui prend soin d’elle, qui s’inquiète quand elle ne la voit plus, qui la cherche collectivement et est heureuse de la retrouver. S’il peut paraître étonnant qu’aucune figure parentale ne soit présente dans cette histoire, c’est peut-être pour bien marquer le fait que Trèfle doit développer son autonomie en renforçant sa confiance en elle et en assumant les choix qu’elle fait sans être sous la coupe d’une autorité.

Notre avis

Mi-album, mi-roman, Trèfle s’adresse aux jeunes lecteurs qui peuvent lire seuls ce volume de lecture (quelques phrases seulement par page mais une cinquantaine de pages), même s’il peut être découvert par chapitre, ce qui maintiendra le suspense et fera réfléchir les enfants sur ce qu’ils auraient fait à la place de l’héroïne.

Il permet des échanges avec les adultes sur la notion de choix : pourquoi est-ce si difficile de choisir ? Qu’est-ce qui oriente les choix ? Qu’implique le fait d’avoir fait un choix ?

C’est un récit initiatique léger, facile à lire mais profond dans les réflexions qu’il suscite. Les aquarelles magnifiques de Qin Leng développent le monde de la forêt sur des pages entières que les lecteurs auront plaisir à découvrir et mettent en avant cette petite fille, décidée, dynamique mais pas « tête brûlée », qui s’aventure sans être jamais en danger.

Une belle histoire poétique et simple, à partager avec l’adulte, pour avoir envie de grandir en toute sécurité, une douceur à savourer doucement en se plongeant en pleine nature. La dernière page du livre nous montre d’ailleurs le développement d’une jeune plante jusqu’à son fleurissement : tout est dit !