Un renard dans mon école
Auteur | Lola et Olivier Dupin |
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Illustrateur | Ronan Badel |
Editeur | Gautier-Languereau – 2022 |
Un renard est arrivé dans l’école, mais je n’ai rien dit. Pourtant, son regard me grattait le dos.
D’abord, il s’est moqué de moi.
Un jour, il a cassé mes lunettes.
Puis il s’est mis à me faire vraiment très peur.
Mots-clés : harcèlement, école-collège
Présentation de l’éditeur
Une histoire pour parler du harcèlement scolaire avec un enfant et donner un message clair : une seule solution pour arrêter un renard, briser le silence.
Nos commentaires
La présentation générale est claire : les deux auteurs, fille et père, ont voulu dénoncer le harcèlement scolaire et ont choisi de s’appuyer sur une métaphore animale pour que cette situation soit compréhensible par les jeunes enfants et qu’ils puissent l’identifier dans des situations de vie quotidienne.
Le petit garçon, victime dans cette histoire, repère donc un élève de son école qu’il appelle d’emblée « le renard » et qui va devenir son harceleur. Lui seul semble voir que quelque chose cloche dans l’attitude de ce dernier. Petit à petit, ce « renard » va se rapprocher de lui, le regarder bizarrement, sournoisement, le frôler « en prédateur » puis se moquer de lui, l’humilier et le faire tomber. C’est ensuite l’escalade, la bousculade, le cartable abîmé, le ballon crevé, le goûter volé, la trottinette emportée, les menaces et l’intimidation.
L’attitude de la victime va, elle aussi, s’amplifier au fur et à mesure de cette escalade : malaise, silence, acceptation des remontrances, peur. Cela lui fait éprouver des sentiments très forts qu’il exprime en transformant son bourreau en différents animaux : le « renard » est rejoint par d’autres renards qui veulent faire la loi dans la cour de récréation puis il se transforme en « loup » qui le surveille puis en tigre affamé qui cherche sa proie. On sent très bien ce piège qui se referme sur l’enfant qui n’ose ni parler ni se plaindre, et la violence de ce qu’il perçoit quand il attribue les dégradations de ses affaires aux méfaits de ces animaux : son cartable a été « mordillé », son ballon « percé par des griffes et des dents aiguisées ». Le lecteur s’identifiera facilement à ce jeune garçon et aux moments douloureux qu’il subit.
Mais il pourra aussi ressentir la position de témoin des différentes scènes dans lesquelles personne ne semble très courageux. Les camarades de classe commencent par rire et se moquer avec le harceleur. Ils deviennent ensuite « renards » à leur tour en se partageant le goûter de leur victime et en l’excluant de leurs jeux. Même son ami de foot se sauve plutôt que de chercher à l’aider. La solitude se fait largement sentir. Seule sa maman le croira et saura rencontrer le bon interlocuteur, la maitresse, pour trouver une issue à cette situation.
Beaucoup de non-dits seront à expliciter avec les enfants : Qui est cet enfant « renard » ? Pourquoi agit-il ainsi ? Pourquoi les autres enfants le suivent-ils ? Qu’a dit la maitresse ? Comment a-t-elle réussi à régler ce conflit ?
La fin peut effectivement sembler un peu « magique ». D’ailleurs le livre parle d’une « incroyable transformation » qui re-métamorphose les animaux en enfants en passant, grâce au dessin, par des phases de domination inversées (tigre / loup / renard / enfant) avec un air contrit du fautif qui fait penser à une sévère punition. La conclusion de l’histoire est claire : seule la parole peut casser la domination et la dénonciation est dans ce cas une planche de salut.
Comme cité précédemment, les images employées sont très fortes et appuient bien le récit. Elles savent montrer l’isolement de l’enfant, puis les regards, les attitudes, les moqueries par des plans plus ou moins rapprochés, qui, encerclent, dominent, effraient avec des couleurs verdâtres ou un environnement sombre et oppressant, avec des arbres menaçants, des ciels couverts, une nuit soudaine. De gros plans effrayants montrant les dents sorties, les regards avides, la carrure impressionnante contribuent à l’ambiance de peur qui s’installe progressivement. L’attitude de l’enfant harcelé est également très bien traduite dans son corps puisqu’il baisse la tête, puis le haut du corps puis se recroqueville, assis au sol, pour essayer de disparaître du champ de vision du prédateur.
La métamorphose finale dans laquelle l’enfant « tigre » devient « loup » puis « renard » puis de nouveau enfant permet aussi de repérer qui est ce renard, un enfant qui porte tout au long de l’histoire un tee-shirt rayé et qui redevient un compagnon de jeu après toutes ces situations douloureuses.
Les traits sont clairs et expressifs, les illustrations passent de doubles pages ou pleines pages à des vignettes type BD voire des renards en petite taille qui appuient sur la permanence de la présence du harceleur. Les passages finaux, dans la maison, avec la relation mère-fils chaleureuse donnent une accalmie et un apaisement qui amènent à la reprise de la vie « normale » dans un jeu collectif de ballon.
Notre avis
L’histoire peut se lire seul car le texte est simple et le cadre connu de tous. Néanmoins, les métaphores auront besoin d’être explicitées pour ne pas effrayer le lecteur.
Cet album est à mettre entre les mains de tous les jeunes enfants car il leur permet de mettre le mot « harcèlement » sur des situations qu’ils ont peut-être vécues et il leur apporte le message important que, même si on pense que l’on ne peut pas s’en sortir, la parole à un adulte, à l’école ou dans la famille, peut leur donner une issue optimiste.
Des activités pédagogiques sont proposées sur internet pour aborder ce thème en classe.
Olivier Dupin a eu la gentillesse de nous accorder une interview que vous pouvez retrouver sur notre site.