Une semaine chez Grrrand-Père

Une semaine chez Grrrand-Père
Auteur/illustrateur

Henri Fellner

Editeur

Gallimard jeunesse – 2023

Mon papi, il grogne tout le temps. Alors, pour rire, je l’appelle Grrrand-Père ! Pendant les vacances, on a passé une semaine rien que tous les deux. C’était super !
La joie de se découvrir et de s’apprivoiser : un merveilleux album à partager entre petits-enfants et grands-parents.

Mots-clés : émotions, famille, relation adultes-enfants, grands-parents

Présentation générale

A la naissance de son petit frère, une fillette, la narratrice, est confiée pendant une semaine à son grand-père paternel qui est veuf. Pour ce papi (qui ne veut pas qu’on l’appelle papi…) c’est une grande première. Il vit seul maintenant, n’a pas l’habitude de s’occuper des enfants. Et il ne parle pas : il grogne ! Ce qui lui vaut tout de suite de la part de sa petite-fille malicieuse le surnom de « Grrrand-Père ». Les débuts sont un peu difficiles. Il faut partager les repas, faire les courses ensemble, occuper les journées et les soirées. Grrrand-Père est sur ses gardes et parcimonieux dans ses avances. Mais face à cette enfant désarmante qui joue franc-jeu avec tendresse, il finit par se détendre et à prendre plaisir à la relation qu’il tisse avec elle. Le livre se termine par une belle journée en bord de mer. Et la certitude que le lien qui s’est construit entre la fillette et son grand-père résistera au temps et à l’éloignement.

Notre avis

D’un côté nous avons un vieux monsieur ronchon qui a pris l’habitude de vivre seul depuis la mort de sa femme et qui, par contre, n’a plus celle de partager son quotidien avec un enfant ;le rôle de grand-père seul est nouveau pour lui. De l’autre côté, une gamine pleine d’énergie et de dynamisme ; ouverte dès le début à la possibilité d’une relation. Petit à petit, grâce à la fillettequi ne se formalise jamais, ils vont se découvrir l’un l’autre. Le grand-père grognon se laisse apprivoiser par l’enfant qui le prend tel qu’il est sans se décourager. Chacun approche l’autre à sa manière, entre les maladresses de l’un et la franchise sans faille de l’autre. Ils finiront par passer ensemble une super semaine et par avoir très envie de la réitérer.

On devine que le caractère très affirmé de la petite fille avait au fond tout pour séduire un vieux monsieur au caractère, lui aussi, bien trempé…Ils découvrent en faisant chacun de petits efforts sur eux-mêmes la joie des moments partagés et la richesse de tout ce que l’on peut apprendre de l’autre.

Il y a évidemment une histoire de filiation. On aperçoit au début du livre les parents de la fillette qui la laissent au grand-père dubitatif, avec une grande liste de recommandations. Ils connaissent forcément le personnage…La petite, elle, a l’air très heureuse de se retrouver là, à dormir dans l’ancienne chambre de son papa, comme en témoignent quelques photos encore accrochées au mur. La grand-mère, sa disparition, les bons souvenirs qu’elle a laissés sont évoqués avec délicatesse : Mamie, elle, elle sentait bon le matin. Et elle ne grognait jamais…/Et puis tu as toujours grogné comme ça ? C’est depuis que Mamie n’est plus là ? A la fin de la semaine, la fillette est heureuse de retrouver son quotidien : J’ai retrouvé ma chambre, mon lit, mes doudous et la bonne odeur de mon petit frère. C’est une histoire familiale heureuse et rassurante. Les seuls « aspérités » sont les GRRR du grand-père et ils seront bientôt désarmés par la spontanéité de l’enfant.

L’essentiel de l’album se concentre donc sur leur apprivoisement mutuel. Au fil des anecdotes du quotidien, les repas partagés, la sieste, les courses au supermarché, un jeu de société, une sortie au parc où les fils d’un vieux cerf-volant s’emmêlent, une chute, et une belle journée à la mer, la relation se met en place et s’enrichit.

De tendue au départ du côté du grand-père, elle devient chaleureuse et pleine de tendresse, emplie de complicité, de chamailleries sans conséquences et de jolis petits moments de bonheur, attestant de l’importance de passer du temps avec les personnes que l’on aime.

Première scène de repas, le dîner :
– J’aime pas ça ! j’ai dit à Grrrand-Père. Ça ne lui a pas plu.
– Eh bien moi, j’aime ça ! Et si ça ne te va pas, c’est pareil !
Ceci dit : Il m’a quand même fait un super sandwich avec du jambon et de la salade…

Dernière scène de repas, le restaurant « chic » en bord de mer : Tu prends tout ce que tu veux, t’es pas obligée de prendre le menu enfant !

L’horizon entre les deux s’est bien éclairci…Au bout du compte, le grognon et l’enquiquineuse sont bien de la même famille !
Très vite se met aussi en place une connivence au sujet des choses interdites par les parents et qu’il est tellement agréable d’avoir le droit de transgresser avec les grands-parents : Acheter des céréales trop sucrées qui ne sont pas bonnes pour la santé, choisir ce dont on a envie dans les rayons du supermarché, regarder trop de dessins animés à la télé, commander une glace comme une montagne avec plein de Chantilly au restaurant, goûter le café du grand-père…

En râlant au début et avec générosité à la fin, celui-ci prend de plus en plus de plaisir à gâter sa petite-fille dont la joie et le sourire sont autant de tendres récompenses. Quelque chose de secret et n’appartenant qu’à eux se construit au fil du livre.

Henri Fellner est également l’illustrateur de son livre. Ses dessins à la Sempé, légers et lumineux, disent avec bonheur l’humour de certaines situations et toutes les émotions sont palpables grâce aux visages très expressifs. On suivra ainsi par exemple l’évolution des expressions du grand-père, qui peu à peu passent des sourcils toujours froncés au sourire décontracté. On peut lire sur le net que l’auteur a reçu en cadeau sa première boîte d’aquarelle…de la part de son grand-père. Joli clin d’œil !

L’enfant n’oubliera jamais la journée passée ensemble en bord de mer. Et le dernier dessin, sans texte, est beau et touchant : Le grand-père y contemple en souriant le rouge-gorge posé sur le nichoir qu’il a acheté à la petite. A la main, il tient un mug que l’on reconnait. Une licorne rose y est dessinée, c’est le mug qu’elle a choisi avec lui ; il avait levé les yeux au ciel mais il n’avait pas dit non…Le lien est scellé. La vie du grand-père s’ouvre de nouveau au bonheur.
Une très belle histoire !

Pour aller plus loin

  • Un livre sur le thème de la relation enfants/grands-parents : Ernesto Trémolo de Louise De Contes et Fabienne Savarit chez A2mimo qui a été un de nos coups de cœur.
  • Deux livres sur le thème du « ronchon » amadoué par un plus petit que lui :

Albert le toubab de Yaël Hassan et Penelope Paicheler chez Casterman. Pour lecteurs déjà aguerris.

L’ours et l’enquiquineuse de Bonny Becker et Kady Mc Donald Denton chez Casterman. Pour non-lecteurs.