Présentation

La première de couverture est explicite, Noonah est l’histoire d’ une fille qui vit dans le Grand Nord.

L’auteur a choisi de s’appuyer sur les quatre saisons (quatre chapitres) pour relater ses aventures dans son environnement quotidien, réaliste et documenté. Le lecteur peut ainsi la suivre lors d’une navigation en kayak à la recherche des baleines (au printemps), dans une randonnée pédestre au creux d’une vallée pour cueillir des baies sauvages et des myrtilles (en été), dans une sortie sur la banquise pour pêcher (à l’automne) ou encore en pleine tempête (en hiver). Evidemment ces différentes sorties ne sont pas sans danger et Noonah doit faire preuve de courage et d’intelligence pour affronter l’environnement parfois hostile dans lequel elle vit.

Les lecteurs qui aiment l’aventure, le dépaysement, les univers extrêmes se régaleront à suivre Noonah, la fille du Grand Nord. Ils pourront partager avec elle de nombreuses péripéties incroyables. Ils pourront également, grâce à elle, apprendre comment on vit dans le Grand Nord.

Nos commentaires

Dans les années 40 les éditions du Père Castor éditaient Apoutsiak, le petit flocon de neige de Paul Emile Victor, un album qui racontait l’histoire d’un petit esquimau dans son environnement naturel. L’album, largement documenté, s’apparentait autant à un récit de vie qu’à un récit ethnologique. Il nous semble que le roman Noonah est du même style. Sous couvert d’aventure il donne à apprendre de nombreux éléments sur la vie dans le Grand Nord tant sur le plan environnemental que social.

Noonah est un personnage éminemment sympathique. Fille unique, elle est entourée d’une famille unie et aimante. Elle profite du soutien de sa mère et de sa grand-mère pour s’émanciper des tâches féminines. De ce fait son père accepte qu’elle l’accompagne, comme un garçon. De façon astucieuse l’auteur estompe ainsi les différences sexuelles.
Noonah ne doit pas passer d’épreuves, il n’est pas question pour elle d’une initiation quelconque. Elle ne s’oppose à rien, elle respecte les règles de vie, les traditions, l’autorité des adultes. Elle apprend juste la vie, au gré des chants de sa grand-mère, des préconisations du chamane, de ses expériences, de ses rencontres… Elle est une héroïne dans la mesure où elle trouve à chaque fois une solution pour sauver Naï son ami puis son père et enfin sa mère. Sa force de caractère est peut-être un peu surjouée mais elle est compensée par une naïveté enfantine qui la rend touchante. Noonah aime les animaux, elle ne souhaite que leur bien. Elle s’émerveille de la beauté de la nature qui l’entoure. Elle aime ses proches. Les lecteurs auront plaisir à s’identifier à Noonah, une enfant à la fois forte et sensible.

Le découpage en saisons permet de décrire la nature sous de nombreux angles. Le lecteur pourra rêver en lisant les descriptions des différents effets de lumière sur la banquise, de la nuit bleutée aux cinq soleils apparents en passant par les aurores boréales. Il pourra se réjouir des multiples rencontres avec des animaux marins (baleine, orques, narvals…), des animaux terrestres (loups, ours blanc, lemmings, bœufs musqués…) et quelques oiseaux ou insectes (eider, moustiques..) Tous les sens sont mis en éveil, le regard bien sûr, mais aussi l’odorat, l’ouïe le goût et le toucher. Noonah partage avec le lecteur l’odeur de la tourbe, le crissement des icebergs, la saveur des baies sauvages, la fragilité des œufs des eiders. Le livre est une présentation quasiment touristique qui donne envie de découvrir les merveilles du Grand Nord.

Noonah et sa famille vivent de façon très traditionnelle. Ils sont nomades, ils se regroupent parfois avec d’autres familles mais ils peuvent être isolés. Ils respectent le chamane et ses prédictions. Leur habitat est un igloo. Ils se déplacent en traîneau tiré par des chiens. Le père chasse et pêche seul ou avec d’autres hommes pour nourrir sa famille. Le roman apporte de nombreuses informations sur la construction d’un igloo, sur l’art de mener un attelage de chiens de traineau, sur les techniques de pêche et de chasse. C’est intéressant sans être lassant. Le lecteur apprendra aussi différents éléments de la vie sociale des Inuits qui montrent l’importance de la collectivité et du partage. La cache à viande communautaire, ouverte à tous pour que quiconque puisse s’alimenter s’il en a besoin, est un exemple concret d’une gestion des besoins bien différente de celle de notre société.

Cependant nous avons été étonnés par le caractère « conventionnel » de la vie de Noonah qui correspond en de nombreux points aux représentions de la vie des Esquimaux au début du siècle dernier. Dans Mission Mammouth de Xavier-Petit Laurent, nous avions déjà croisé des personnages vivant dans le Grand Nord dans des conditions assez abruptes. Le récit était inscrit dans les années 1900, l’auteur indiquait clairement sa volonté d’ancrer son histoire dans une réalité historique et nous avions suivi l’héroïne, Amouksa, en toute confiance. Ici nous nous sommes interrogés sur les effets de la fiction : est-ce que Noonah décrit le mythe de la vie des Esquimaux ou peut-on inscrire son aventure dans une réalité culturelle.

Un article de l’encyclopédie canadienne explique que les Inuits ont bel et bien vécu la colonisation et ses effets souvent traumatisants, mais qu’ils ont maintenant la volonté de retrouver leur identité (« Malgré les ajustements faits par les Inuits depuis les trois derniers siècles, et la perte de certaines caractéristiques traditionnelles, la culture inuite persiste, souvent avec une conscientisation réfléchie plus grande. Les Inuits maintiennent leur identité culturelle grâce à leur langue, à leurs lois familiales et culturelles, à leurs mœurs et au très réputé art inuit » .
Pierre Gemme ne présente donc pas le récit fantasmé d’un peuple du Grand Nord, il parle d’une famille qui a pu faire le choix de perpétuer les traditions de vie de son groupe. Pour ancrer son récit dans le concret il utilise fréquemment la langue inuit (avec sa traduction). Les têtes de chapitres sont en inuit comme l’incipit (« -Hahinang sounannainn sékrénôk ! »), de nombreuses expressions et remarques sont également écrites dans la langue d’origine, notamment les termes de papa, maman et grand-mère. Voilà de quoi partager le quotidien des protagonistes ! Le lecteur s’amusera à prononcer les mots et les phrases dans sa tête ou oralement. C’est un dépaysement visuel et sonore authentique. L’aspect moderne du récit se porte aussi sur les problèmes écologiques. Les effets des modifications climatiques se font sentir dans le Grand Nord et ils sont dénoncés par les différents personnages du récit.

Noonah, la fille du Grand Nord est un roman à la fois instructif et divertissant Il offre un espace d’évasion très plaisant..
Un petit volume de lecture pour de grandes aventures !
A conseiller à tous les lecteurs qui n’ont pas peur du froid !

Pour prolonger la lecture

Pour celles et ceux qui souhaitent voyager dans le Grand Nord nous proposons sur notre site les ouvrages liés au mot-clé Grand-Nord.

Nous n’oublions pas les classiques :

Nous vous proposons également d’écouter le témoignage de l’explorateur Nicolas Dubreuil sur son expérience au Groënland, notamment sur l’adaptation au climat polaire.