Toutes mes mamans
Auteure | Renata Piatkowska |
---|---|
Illustratrice | Pauline Duhamel |
Editeur | Castor Roman – 2022 |
« Combien de mamans peut-on avoir ? J’en comptais déjà quatre. La vraie, qui était prisonnière dans le ghetto, ma maman Maria à Varsovie, et maman Irena qui m’avait toujours aidé et à qui j’avais promis d’obéir pour tout. »
Durant la seconde guerre mondiale, Irena Sendler a sauvé plus de 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Simon Bauman était l’un d’entre eux. Voici son histoire, inspirée de faits réels.
Mots-clés : guerre, solidarité, courage, relation adultes-enfants
Présentation générale
Le roman s’ouvre sur la voix d’un « je » non identifié qui s’adresse au lecteur en lui annonçant qu’il va partager avec lui l’histoire d’un vieux monsieur rencontré dans un parc : Un jour il m’a raconté son histoire.
Nous allons donc découvrir l’histoire de Simon Bauman, enfant juif de Varsovie quand la seconde guerre mondiale éclate. Histoire inspirée de faits réels. Cette enfance heureuse et insouciante va basculer lorsque la ville subit les premiers bombardements. La peur s’installe. On tente de se mettre à l’abri dans les caves. Un jour, la maison du petit Simon n’est plus que ruines, il se réfugie chez une tante avec ses parents et sa grande sœur Chana. Puis les évènements s’enchaînent. Le père de Simon est enlevé dans une rafle et envoyé en camp. Le brassard avec l’étoile est imposé et très vite tous les Juifs sont contraints de s’entasser dans le ghetto organisé par les Allemands. C’est le début du froid, de la faim puis l’enlèvement de Chana qui sera envoyée au camp de Treblinka. La mère de Simon organise l’évasion de son fils ; Simon va être sauvé grâce à Sœur Jolanta, de son vrai nom Irena Sendler, qui pendant la guerre réussira à sortir en cachette 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. (Pour les adultes : lire la biographie édifiante de cette femme sur Wikipedia…)
Le petit garçon, qui a appris à dire qu’il s’appelle Stanislas et non plus Simon, est d’abord recueilli chez une femme nommée Maria. Là, il comprend que sa maman est morte. Suite à une imprudence qui met son existence en péril, il est emmené à Otwock près de Varsovie par la sœur Jolanta, chez une autre femme, Anna, où il y a déjà trois autres enfants qui eux aussi ont été sauvés du ghetto. Il reste chez elle jusqu’à la fin de la guerre, à l’abri de la faim et du froid, et sera alors recueilli par sa tante Pola, le reste de sa famille ayant disparu.
On apprend alors qu’Irena Sendler ayant prudemment enterré à Varsovie 2500 petits rouleaux de papier portant les noms et les adresses codées des enfants évadés, ceux-ci ont pu après la guerre retrouver au moins une partie de leur famille.
Le petit Simon Bauman fait partie des survivants grâce aux cinq mamans qui ont pris soin de lui au péril de leur vie, grâce à ces personnes auxquelles plus tard on rendra hommage en les appelant : les Justes.
Nos commentaires
Le dessin de la couverture illustre parfaitement non seulement l’histoire qui va être racontée mais aussi le ton que l’autrice a choisi pour le faire.
Au premier coup d’œil : Un bel arbre où sont suspendus les portraits des cinq femmes qui ont permis au petit Simon de survivre à la guerre. Toutes sourient et ont leur regard affectueux dirigé vers le petit garçon qui, sous l’arbre, lève la tête pour les regarder lui aussi en souriant.
Un titre : Toutes mes mamans, qui bien que mystérieux sonne doux et affectueux.
Si l’on se penche un peu plus précisément sur cette couverture, on repère des petits détails qui posent un cadre plus inquiétant, mais qu’on ne remarque pas forcément tout de suite : une fine ligne de barbelés derrière l’arbre, deux petits soldats armés et un tank miniature qui pourraient être des jouets (voir page 22 le cousin Jacob expliquant les rafles à Simon en utilisant des soldats de plomb ou, avant la guerre, Simon et son copain jouant aux soldats…), une étoile de David sur le brassard de la manche du garçon. En haut, une ligne de texte : L’histoire de Simon et des enfants sauvés du ghetto de Varsovie.
Rien de la dureté de cette histoire n’est vraiment caché mais ce qui est mis en avant dès la couverture, c’est le bon côté des choses, les sourires, les regards, le lien, ce qui a été salvateur ; d’un côté certes les angoisses et la violence de la guerre mais d’un autre côté ce qui en restera : l’espoir, la lumière, la solidarité, la vie.
L’autrice polonaise, Renata Piatkowska, qui a écrit plusieurs livres pour la jeunesse traite souvent de sujets difficiles mais toujours avec chaleur et humour.
Le livre est conseillé pour des lecteurs entre 8 et 10 ans. On peut se demander si un enfant de cette tranche d’âge peut aborder ce petit roman en ignorant tout de la seconde guerre mondiale et du ghetto de Varsovie. Le texte est simple et facile à comprendre. Le récit ne cherche pas à construire une cohérence historique précise. Il ne s’agit pas de connaitre tout le déroulement de cette guerre. On n’en explique pas les causes ni les conséquences. On n’a pas de regard sur le côté mondial du conflit, on n’y explique pas ce que signifie être juif et pourquoi le danger se concentre sur cette communauté.
On est au cœur de l’histoire vraie d’un petit garçon qui vit, ressent et comprend à son échelle ce qui lui arrive. Ce qui est angoissant n’est pas gommé ; le petit Simon subit certes la guerre, mais au bout du compte ce qui importe c’est le positif et le bon côté des choses. C’est aussi un hommage à ces personnes que l’on nomme les Justes : Quant à moi, si j’ai survécu c’est grâce à mes cinq magnifiques mamans. Voir la première de couverture qui se déplie pour présenter de manière très pédagogique les cinq femmes dont il est question.
Le jeune lecteur pourra certes en rester là. Mais il est à peu près certain qu’il se posera des questions sur le contexte, sur les raisons de ce qui arrive au petit garçon. L’adulte, parent ou enseignant, pourra donner ces informations complémentaires. Ce sera pour le jeune lecteur un premier contact avec la seconde guerre mondiale. La quatrième de couverture qui se déplie elle aussi donne les détails de cette histoire vraie.
Le roman est constitué d’un préambule, de huit chapitres illustrés chacun par un dessin en pleine page aux couleurs chaudes. Et d’un épilogue qui clôt l’histoire en écho au préambule. L’histoire se referme alors délicatement sur elle-même.
Chacun des huit dessins illustre une scène racontée par le texte. Ces dessins n’éludent pas les épisodes violents, les moments angoissants (la maman malade, les bottes menaçantes des soldats allemands, l’évasion dans un carton…) mais savent dire aussi les joies de l’amitié, les accueils chaleureux, l’aide de Sœur Jolanta…
Ce qui est touchant, souvent bouleversant, c’est que le récit nous est offert par un vieux monsieur qui raconte ses souvenirs. Avec lui, nous sommes dans la tête de ce petit garçon, notre regard est le sien, nos émotions aussi. Nous sommes à hauteur d’enfance. Il y a ce début du drame, où Simon et son copain jouent à la guerre grimpés dans un arbre. Ils sont encore dans l’imaginaire, là où les papas sont les plus forts du monde et seront forcément les vainqueurs, où tout se résoudra simplement. Brusquement tout bascule et c’est la fin de l’insouciance. L’enfance de Simon est bombardée en même temps que sa maison : Moi, je n’avais plus rien. Il est obligé de grandir, de mûrir. Le jeune lecteur sera forcément dans l’empathie.
Nous sommes au cœur de sa peur lorsque les grandes bottes noires se rapprochent, quand sa grande sœur est emmenée par les Allemands alors qu’ils sont cachés tous les deux dans la chambre, quand il est sauvé du ghetto enfermé dans un carton où il ne doit faire aucun bruit et où il ne peut retenir ses larmes…Tous les détails du récit sonnent vrai et on s’attache vraiment à ce que vit cet enfant. Le récit qu’il fait en bégayant de l’enlèvement de Chana à leur maman est bouleversant. Il ne comprend pas tout : pourquoi il doit changer de nom, pourquoi il doit apprendre des prières chrétiennes…Mais il commence à percevoir des choses. Quand sa maman parle tout bas à Sœur Jolanta, il pense : Il devait s’agir de moi. Arrivé chez Maria, il devine que sa mère est morte d’épuisement même si ce n’est pas clairement exprimé. On tremble avec lui quand le bruit de ses pleurs risque d’alerter les Allemands, quand à la boulangerie il évoque à haute voix le brassard étoilé qu’il portait auparavant.
Parfois c’est par les interruptions de M.Baumandans le récit, ses adresses au lecteur, qu’on nous explique certaines choses : Vous vous demandez certainement ce qu’était le ghetto…
Mais malgré tout cela, ce qui va rester de l’histoire de Simon ce sont les solidarités, les secrets partagés avec les autres enfants réfugiés chez Anna, la chaleur humaine, les câlins, les chagrins consolés, la peur et la faim évitées, l’espoir, et la vie qui continue, les cinq mamans « magnifiques » dont la présence jalonne et protège ce terrible parcours d’un enfant qui se demandait : Combien de mamans peut-on avoir ?
Toutes mes mamans est un petit roman très émouvant dont on ressort, malgré la dureté du sujet, avec un sentiment de grande confiance en l’humain. Ce sont des valeurs très positives de solidarité, d’ouverture aux autres qui y sont mises en avant. Il pourra également être le déclencheur de questions sur la seconde guerre mondiale, sur la religion juive, sur ceux et celles qu’on nomme les Justes, questions auxquelles les adultes pourront répondre selon l’âge du lecteur.
Quelques pistes de lecture
– Pour les plus grands et les adultes, une bande dessinée en 5 tomes chez Glenat de Jean-David Morvan, Séverine Trefouël et David Evrard sur la vie d’Irena Sendler
– Les enfants d’Irena Sendlerowa de Catherine Le Quellenec chez Oskar Jeunesse. Nous ne l’avons pas lu…à découvrir ?
– J’étais enfant à Varsovie de Larissa Cain chez Syros Jeunesse. A découvrir également.