La peau de l’ours
Auteur-Illustrateur | Lionel Tarchala |
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Editeur | Sarbacane – 2023 |
Grosse Bête Velue plane au pays des rêves, au-dessus de la cabane de son ami le trappeur. Jetant un œil par la fenêtre, il découvre avec horreur une grande peau bleue étalée à ses pieds : la sienne ! Au matin, il ne parvient pas à se défaire de ce terrible soupçon. Son ami, Petit Homme Poilu, voudrait sa peau ? Et quand le trappeur, croyant jouer à cache-cache, lui saute dessus en criant « Holalahihouuuu ! », l’ours terrifié s’enfuit. Notre trappeur, qui n’y comprend goutte, se lance sur ses traces… Pourquoi son ami ne veut-il plus jouer avec lui ?
Mots-clés : amitié, lien homme-animal
Présentation générale
Lionel Tarchala a déjà écrit un premier opus des aventures du trappeur Petit Homme Barbu et de l’ours Grosse Bête Velue, il s’agissait de l’album Là-haut sur la montagne édité en 2021. Dans ce premier album les deux personnages révélaient leur caractère, l’un débonnaire et susceptible, l’autre solitaire et rancunier. Leur rencontre improbable était l’objet de nombreuses péripéties toutes plus inattendues les unes que les autres. Leur lien d’amitié se construisait sous le signe de l’humour et de la drôlerie.
Cette histoire d’amitié continue avec l’album La peau de l’ours puisque l’auteur part du postulat que l’ours et le trappeur sont amis. Mais l’ours fait un cauchemar. Il rêve que le trappeur a étendu sa propre peau devant la cheminée pour avoir un intérieur confortable. Et pourquoi ce rêve ne pourrait-il devenir réalité ? Tout compte fait le petit homme est un trappeur. Or l’occupation des trappeurs est bel et bien de chasser les animaux pour vendre leur peau. L’ours, encore endormi et hanté par son cauchemar, perd toute confiance en son ami.
Le trappeur, lui, ne ressent aucune retenue ou appréhension. Il n’y a aucune raison pour que sa relation amicale soit altérée. Alors qu’il pense démarrer un jeu de cache-cache avec l’ours il fait fuir l’animal, paniqué à la vue soudaine de l’homme barbu. Petit Homme Poilu ne comprend pas ce qui se passe, surtout il s’inquiète de ce comportement inattendu. Il mène l’enquête et suit aussi discrètement que possible son ami. Heureusement ! L’ours, en état de somnambulisme, marche en titubant et se retrouve au bord de la falaise, prêt à tomber. L’homme n’a que le temps de l’empoigner pour le retenir et le sauver.
L’ours n’est même pas reconnaissant. Sorti de sa torpeur il commence à faire des reproches à son sauveur. Petit Homme Velu ne cherche pas à se justifier. Il prend juste le temps de préparer ses doigts pour une bataille de chatouilles qui scelle leur amitié retrouvée dans le rire et la bonne humeur.
Notre avis
Lionel Tarchala propose un nouvel épisode tout à fait réussi des aventures de Petit Homme Poilu et de Grosse Bête Velue Les illustrations sont vives, colorées, elles attirent d’emblée le regard. L’allure du trappeur est désopilante. Sa silhouette de cowboy longiligne fait penser à un pantin en fil de fer. Il bouge beaucoup, se tord dans tous les sens. Il est caractérisé par une barbe proéminente et un large chapeau. Il est très expressif avec ses postures insensées et ses poils en bataille. L’ours bleu ressemble à un vrai ours. Mais sa couleur bleue le rend tout à fait improbable. Un ours au pelage bleu, ça n’existe pas ! Il n’est pas ridicule mais plutôt débonnaire et craintif. Sa démarche titubante les yeux fermés montre à quel point il est enfermé dans son rêve, incapable de reprendre pied dans l’univers qu’il partage avec son ami.
Les illustrations sont d’autant plus réussies qu’elles ont pour objet de toujours mettre en valeur la relation entre les personnages. Aucun gag n’est gratuit. Si le trappeur porte des tasses c’est pour en donner une à son ami, s’il se cache c’est pour le suivre, s’il court c’est pour l’empêcher de tomber. Les pages de retrouvailles sont tendres et amusantes. Petit Homme Barbu prépare avec délectation ses doigts, il se jette sur Grosse Bête Velue qui se trémousse dans tous les sens puis enlace son ami comme il peut avec ses petits bras, avant d’être enlacé lui-même par la grosse bête qui l’étreint à l’étouffer. L’émotion et les sentiments sont bel et bien présents.
Différents codes de BD sont utilisés, les traits de surprise, les traits pour souligner un déplacement rapide, des bras surmultipliés pour marquer une espèce d’agitation. Le tout est très dynamique et donne l’impression qu’il manque peu de chose pour donner vie aux deux acolytes. Comme ils ont plaisir à regarder un cartoon, les lecteurs s’amuseront à regarder les personnages se mouvoir, s’agiter, se disputer, même sans le texte.
L’histoire est simple mais pas anodine. Elle évoque en effet le doute, la peur de perdre l’amour d’un ami voire d’un parent. Il est probable que les jeunes lecteurs connaissent ce type de sentiment. Est-ce que papa, maman, l’enseignant les aime encore après s’être fâchés contre eux ? Est-ce qu’un camarade qui refuse de jouer avec moi ou qui joue avec d’autres m’aime encore ? Lorsque le sujet est évoqué la réponse est le plus souvent orale. Il faut parler pour expliquer. Dans La peau de l’ours la solution est plus simple. Il suffit d’une bataille de chatouilles pour clore le litige. C’est ludique et tellement rassurant. Parfois il est inutile d’expliquer les choses, il suffit d’accepter et de passer à autre chose pour retrouver la confiance.
La situation de départ n’est peut-être pas si facile à comprendre. Il faut connaître le métier de trappeur et assimiler que la peau bleue étendue devant l’âtre ne correspond qu’à un rêve. Le décodage de l’illustration peut être une aide puisqu’on voit l’ours regarder la scène par la fenêtre. Ensuite l’ours réagit sans réfléchir. Il est dans un état second, il remet en doute son amitié sans chercher à comprendre. Il est juste persuadé que Petit Homme Poilu veut sa peau, au sens propre comme au sens figuré.
Le trappeur ne comprend plus rien. Plus il tente d’amadouer l’ours et plus l’ours s’éloigne de lui. Les ruses du trappeur n’apaisent en rien les craintes de l’ours. L’ambivalence des sentiments entre l’ours et le trappeur crée des tensions qui soulignent la difficulté pour deux êtres à s’accorder, à être sur le même niveau de compréhension. Les déséquilibres ainsi créés engendrent des décalages et produisent des effets comiques. Ce sont presque des quiproquos.
La peau de l’ours donne la preuve que se fâcher avec ses amis ou se faire disputer n’est pas grave. Une bataille de chatouilles peut tout réparer ! Les personnages sont originaux et attachants. L’album est bourré d’humour. Voilà une histoire positive et réjouissante sur l’amitié, la confiance en soi, la confiance envers les autres et la réconciliation.
Pour accompagner la lecture
- Le premier album de la série a été sélectionné au prix des incorruptibles 2023, au prix Coup de Pouce des premières lectures 2023. Il est également lauréat du prix Talents Cultura 2022.
- Un album, ancien coup de coeur de l’association, qui montre que l’amitié ne se construit pas d’emblée. Il faut apprendre à se connaître et à s’apprécier pour avoir envie de se voir.
- Une histoire de réconciliation après une dispute grâce à la participation d’un renard malin.