Toute la douceur du monde
Auteur | Didier Lévy |
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Illustratrice | Sybille Delacroix |
Editeur | Gallimard jeunesse – 2023 |
Présentation générale
La maman de Lola prend des cours de dessin. Mais à chaque fois qu’elle revient chez elle, elle déchire et jette ses productions. Lola ne comprend pas cette attitude et cherche à savoir ce qui peut pousser sa maman qui adore dessiner à détruire de qu’elle réalise. Chez sa grand-mère, elle découvre les dessins d’enfance de sa maman et surtout le dernier, non achevé, qui l’interroge. Petit à petit, elle va réussir à la faire parler de l’ambiance familiale et va découvrir un père violent qui a cassé son amour du dessin et n’aspirait qu’aux résultats scolaires de sa fille qui le valorisaient. Emue par ce passé difficile, Lola va encourager sa mère à se remettre à dessiner avec elle et ensemble elles vont faire aboutir un projet qui va rasséréner l’adulte et lui permettre de se plonger de nouveau dans sa passion.
Nos commentaires
Dans ce roman court et illustré à destination des petits lecteurs, Didier Lévy va créer une ambiance toute en douceur et en confiance pour y déployer un drame tu et une connivence mère-fille qui va redonner des forces et le sourire à tous.
Le récit est écrit par Lola qui voit le monde à hauteur d’enfant et se découvre entourée de personnes un peu bancales : une mère traumatisée par son enfance, une grand-mère qui a été dominée par son mari et un père absent, parti « sauver le monde » en oubliant sa propre famille. Cela peut sembler lourd pour une fillette mais Lola veut comprendre et retrouver une certaine joie de vivre qu’elle ne voit plus dans les yeux de sa maman. Extérieure au drame de la violence qu’ont vécu sa mère et sa grand-mère, elle perçoit des non-dits, un secret qu’il va falloir exhumer pour pouvoir les dépasser. C’est une attitude combattante, déterminée et volontaire qui est traduite dans ses attitudes et ses paroles. Elle ne veut rien lâcher, ne veut pas continuer à perpétuer le silence mais cherche comment « réparer sa maman » comme elle, chirurgienne infantile, répare les enfants qui lui sont confiés.
L’auteur évite l’inversion des rôles qui pourrait devenir irréaliste et compliquée psychologiquement mais sait trouver les situations et les paroles pour faire avancer la reconstruction de l’adulte. Il choisit des métaphores ou des images pour expliquer et contourner la douleur. Et l’ambiance qu’il installe porte cela calmement, en douceur, dans la confiance mutuelle.
L’illustratrice s’est, elle aussi, glissée dans la douceur des couleurs sépia dans lesquelles ressortent juste quelques éléments colorés en rouge : les lèvres de la maman, l’armoire de la grand-mère, les gribouillis sur les anciens dessins, le crayon cassé ou les tulipes qui servent de modèle pour les dessins, les jalons de cette histoire. La mise en regard texte/dessins est magnifique et la complémentarité des illustrations, que ce soit en pleines pages ou en petits rappels de tête de chapitres éclaire le côté sombre de la narration : une belle réussite.
Au long de ce court texte, c’est une très belle relation qui se construit entre la maman et sa fille grâce au dessin qui porte les échanges, qui permet une réciprocité des savoirs et des encouragements. Lola sait montrer à sa maman combien celle-ci est intelligente et sensible et cette dernière sait donner à sa fille une image valorisante d’elle-même. Lola essaie de « réparer » sa mère en l’amenant sur le chemin de la confiance en elle-même qui lui permettra de garder ses dessins et de les retravailler. Comme sa maman va la « réparer » de son bras cassé et l’inciter à dire sa douleur en l’entourant de tendresse.
Un beau projet commun tout simple va amener la fin de cette belle histoire : Lola va proposer à sa mère de faire une exposition en accrochant côte à côte leurs deux dessins d’un même sujet, leurs deux visions complémentaires de la vie. Ce sera l’occasion d’un nouveau départ pour tout le monde. S’exposer est un danger car on y montre aux autres qui on est. Le faire à deux donne des forces à chacune. Et c’est sur des grands dessins qui bannissent la peur de l’espace comme celle du regard des autres que l’enfant va clore cet épisode un peu douloureux.
Notre avis
Voilà un petit roman d’une grande douceur et plein de tendresse sur un sujet difficile mais qui reflète pourtant la vie de certains enfants. C’est le beau portrait d’une famille qui résiste et de femmes qui se reconstruisent, sans appuyer sur le côté noir des événements vécus mais en développant la force de la sororité et de la résilience.
Une belle histoire à partager avec de jeunes lecteurs qui sauront en tirer la puissance de la détermination pour modifier l’avenir.