L’été du tipi

L’été du tipi
Auteure

Véronique Olivier Barberon

Editeur

Alice Deuzio – 2024

Comme chaque année, Romane et Simon passent l’été chez leurs grands-parents. Alors qu’ils se lancent dans la construction d’un tipi, ils font la connaissance de Yoska, un garçon gitan dont la famille vient de s’installer dans le champ voisin. Les adultes du village ne voient pas cette arrivée d’un bon œil et des tensions éclatent, menaçant la complicité naissante entre les trois amis. Les enfants vont devoir apprendre à dépasser les préjugés s’ils veulent donner une chance à leur belle amitié.

Mots-clés : amitié, grands-parents, différence

Présentation

Romane et Simon ont l’habitude de passer des vacances calmes chez leurs grands-parents à la campagne. Mais cet été-là, ils ont décidé de bâtir une cabane au bord du ruisseau. Cette activité qui leur semblait aisée, leur pose beaucoup de difficultés qu’ils ne savent pas résoudre. Alors qu’ils sont prêts à l’abandonner faute de réussite, surgit un garçon inconnu qui propose de les aider.

Si les enfants font vite connaissance, leurs grands-parents n’ont pas la même attitude. Mariette, la grand-mère est accueillante et enthousiaste mais François le grand-père est méfiant et anxieux de cette installation de gitans dans leur village. Le campement est important et rapidement des événements vont agiter la vie rurale : crainte de vols, suspicions, rejet, projet de milice municipale, affrontements verbaux entre les deux populations…. jusqu’à un incendie de caravanes qui va diviser les villageois et mettre en place une enquête de la gendarmerie. Les deux communautés s’affrontent et les enfants deviennent les spectateurs d’un conflit qui les dépasse. Romane et Simon qui voulaient seulement avoir un ami pour les vacances, se voient devenir méfiants, obligés d’annuler leur projet de vivre dans cette cabane à trois et deviennent les témoins d’échanges vifs entre leurs grands-parents.

Avec le départ des gitans, ils seront forcés de se séparer de leur ami et de passer des vacances nettement moins passionnantes. Mais ils auront grandi grâce à ces événements en réfléchissant davantage et en élargissant leur pensée à d’autres points de vue très divers.

Nos commentaires

Cette situation de narration est judicieuse pour mettre en place des oppositions d’opinions que des enfants découvrent. Romane et Simon pensaient naïvement qu’un enfant est avant tout un enfant et qu’il peut devenir leur ami sans problème. Ils vont découvrir que les adultes sont plus compliqués qu’eux et surtout qu’ils ont des préjugés tenaces face à cette communauté nomade. C’est l’incompréhension qui prime chez eux devant les attitudes des adultes. Ils ont cette qualité propre à l’enfance de ne pas faire de différences mais de chercher chez l’autre le talent et la relation. Au contact des adultes, ils vont découvrir la notion de préjugés et la méfiance, ce qui les questionnera beaucoup.

Chez les adultes, la grand-mère est le personnage le plus sympathique. Elle a été adoptée enfant et ne connaît pas ses origines mais elle a toujours pensé qu’elle avait du sang gitan. « J’ai souvent pensé qu’elle [ma mère] pouvait être gitane, qu’elle faisait partie des personnes qui vivent dans des caravanes. J’ai passé mon enfance aux Saintes Marie de la Mer »…Elle se reconnaît donc dans cette population, par des traits physiques communs, et a une vision nuancée face au monde gitan. En opposition, le grand-père hésite quant à la position à adopter. Il n’offre pas spontanément son accueil, hésite entre suivre les préjugés communs ou les rejeter. « Yoska [l’enfant gitan] vient du camp vers le ruisseau ? Il est Rom n’est-ce pas ?….Je ne veux pas que vous alliez traîner dans leur campement. Je vais fermer la remise… ». Il essaie de rester quand même lié au factuel, aux événements réels mais doute constamment. Cela crée des discussions animées dans son couple, parfois jusqu’à des échanges difficiles qui mettent les enfants dans une situation inconfortable et modifient le regard qu’ils avaient sur leurs grands-parents. Ils s’en trouvent déstabilisés, ne sachant à qui se rallier, et cherchant à préserver leur amitié avant tout.

Dans le village, plusieurs personnalités se détachent : Le maire, Jean-Louis, qui essaie tant bien que mal de contenir les rumeurs de vols et les médisances diverses et Robert, le mari de la postière, qui accuse sans preuves et cherche à faire partir les nomades. Cela va faire monter le niveau d’agressivité et de violence et développer des sentiments haineux. Deux camps se font face dont l’un envisage de former des milices etd’expulser la communauté et l’autre qui n’intervient pas directement mais laisse son maire agir. Jusqu’à ce qu’un incendie, volontairement mis aux caravanes par quelqu’un voulant régler le problème d’une façon radicale, exacerbe les positions. Les événements violents, incendies, vols, bagarres, invectives… sont contrebalancés par des attitudes plus positives des « gadgés » telles le transport de la femme accouchant à l’hôpital, le prêt d’une caravane pour remplacer celle qui a été détruite etlagendarmerie qui conclut à la non-implication du camp des gitans dans cette affaire.

Dans cette ambiance mouvementée, Yoska, l’enfant gitan, est balloté entre son amitié naissante avec Simon et Romane, lui qui n’a jamais d’amis car toujours de passage, et l’enjeu du groupe familial qu’il subit et auquel il se doit d’être associé. Il est donc ambivalent et ne sait comment se situer. Il commence mal puisqu’il va « emprunter » un tournevis dans la maison de ses amis, qu’il rapporte dès le lendemain en comprenant qu’il les a ainsi un peu trahis. Il s’investit ensuite pleinement dans la construction du tipi, ce qui révèlera ses compétences de bricoleur et le fera apparaître comme un jeune débrouillard et sympathique aux yeux de ses camarades. Mais il reste toujours un peu sur ses gardes, n’osant pas entrer dans leur maison ou partager un repas avec eux car cela ne lui est encore jamais arrivé.
Son attitude libre et assurée donne envie à Simon de s’émanciper un peu des adultes. Il va se cacher pour aller dormir dans le tipi alors que cela lui est interdit et enfreint la limite de leur terrain de jeu pour aller espionner ce qui se passe dans le camp voisin. Il est ébloui par le jeu de violon de son ami, devient envieux d’une vie sur les routes sans limites. Il se sent pousser des ailes, «fait juste un petit pas hors de l’enfance » et cela est très important pour lui.

Notre avis

Ce petit roman destiné aux bons lecteurs montre que ce n’est pas toujours simple d’avoir un avis quand on est en partie guidé par de fausses croyances. Il soulève de vraies questions sur la différence avec de nombreux petits détails qui rendent le propos très réaliste. Le développement de la narration n’oublie pas la complexité des problèmes et l’enracinement des préjugés. Et la forme choisie, avec de très nombreux dialogues, permet de mettre en avant les échanges d’idées tout en rendant la lecture très vivante.

L’amitié qui est au cœur de ce récit n’est pas montrée d’une façon naïve mais rappelle qu’on ne devient pas amis d’un seul coup, qu’il faut vivre des disputes, des séparations, des oppositions et partager des idées pour la construire. Il en profite pour faire une place à la fillette du groupe en lui donnant des remarques féministes qui la valorise bien qu’elle soit la plus jeune du groupe.« N’importe quoi ! Les filles sont aussi courageuses [que les garçons] » .

C’est un roman intelligent qui montre différents points de vue et aide à se construire le sien. Il illustre bien les dangers des rejets, de l’intolérance et surtout des constructions mentales anciennes qui sont reprises alors que leur contexte social a bien changé. C’est un chemin de réflexion qu’il propose aux enfants qui auront sûrement envie d’en débattre entre eux.

Pour aller plus loin

Le magnifique petit roman  Du voyage  de Emmanuel Bourdier chez Flammarion Jeunesse qui relate l’arrivée d’un enfant manouche dans l’école de son campement.

Du voyage - 1

Babik, l’enfant du voyage de Anne Montange chez Actes Sud Jeunesse : un conte pour découvrir la guitare manouche

Babik, l'enfant du voyage - 1