Un long week-end en canoë

Un long week-end en canoë
auteure-illustratrice

Alice Ourghanlian

Editeur

Hélium – 2025

Dans la nature, on fait plein d’expériences. On est pieds nus toute la journée, on s’assoit par terre, on mange avec les mains et on fait pipi dans l’eau. On peut même dormir à la belle étoile.

Mots-clés : famille, relation adultes-enfants

Présentation de l’éditeur

Sacha et Basile partent en long week-end avec leur papa. Au programme : canoë, camping, feu de camp et grillades ! Mais l’aventure demande aussi beaucoup de courage… Comme quand il faut braver l’orage ou sortir en pleine nuit faire pipi. Heureusement, le soleil finit toujours par revenir !

Notre analyse

Dès la deuxième page de couverture et la page de garde qui suit, cette belle histoire familiale s’ouvre sur une représentation d’album-photos dans lequel on découvre un coucher de soleil, une baignade, des traces de pas, des plantes séchées et une rivière. Ce sont les souvenirs rapportés de ce week-end en canoë et que nous allons découvrir chronologiquement au fil des pages de cette narration. Le livre suit cette aventure de deux jours qui va être riche en événements et découvertes de tout ordre.

Plutôt que les deux enfants passent leur week-end chez leurs grands-parents comme d’habitude, leur papa va les emmener partager une aventure. Jeune, il a souvent fait du canoë et veut leur faire découvrir sa passion en leur donnant une position « d’explorateurs ». Les enfants sont partants et préparent leur matériel avec sérieux. Ils ont appris à pagayer dans le salon, ce qui donne une première idée de leurs compétences dans ce domaine. Mais ce n’est pas le plus important puisqu’il va y avoir tant de choses autour de cette sortie : des pique-niques, une pêche au têtard, des observations de plantes et d’insectes, un feu de camp, une nuit sous la tente…, nouveautés incroyables, même si elles sont entrecoupées de moments moins glorieux comme la pluie froide et continue, le renversement du canoë ou les toilettes la nuit.
On sent dans toutes ces aventures l’enthousiasme des enfants, prêts à tout, en cassant le rythme et les contraintes habituels : on mange par terre, on se met les pieds dans l’eau, on fait la sieste et même s’ils ont peur la nuit ou s’il pleut, ils sont ravis de tous ces changements qui leur donnent une liberté inconnue.

La forme de ce récit surprend par son originalité et sa diversité. L’autrice-illustratrice utilise tous les moyens narratifs qu’elle maîtrise fort bien, des bulles de BD grand format aux listes de matériel à emporter, des dessins sans texte en pleine page et même sur des doubles-pages aux pages documentaires avec légendes, des extraits de vidéos tournées par le papa aux échanges téléphoniques, des leçons de montage de tente ou de ricochets aux visions à travers des jumelles bien détaillées… Cela dit toute la richesse de ces dessins qu’elle a tracés méticuleusement et dans lesquels les lecteurs pourront se perdent à souhait : où est leur tente dans ce plan d’ensemble du camping ? Quel est tout ce matériel qu’ils emportent ? Comment s’appellent ces oiseaux qu’ils cherchent à identifier ? Parfois, les bulles sont si nombreuses et si drôles que l’on ressent l’intensité des échanges et la participation de chacun aux commentaires. Les parents des lecteurs devront être tolérants quant au niveau de langage utilisé qui n’est pas toujours très contrôlé mais qui reflète si bien les altercations du quotidien dans une fratrie ! Il n’y a donc pas que le texte, assez court, à lire mais tout ce qui est dessiné est à détailler pour enrichir ces moments particuliers.

Si les bulles de BD qui émaillent les images traduisent les échanges entre les trois protagonistes avec le plus grand naturel dont les enfants de cet âge sont capables, la narration prend surtout le ton d’un récit d’aventuriers, d’une tonalité humoristique, qui apporte à l’ensemble du sourire, des éclats de vie mais aussi des pleurnicheries ou des craintes. Le papa est souvent tourné en ridicule et les enfants se soutiennent l’un l’autre dans les moments moins agréables comme pendant l’orage ou lors de la nuit sous tente.
Bien que minimal, le texte est tout aussi riche et varié avec des dialogues, les commentaires des enfants, des échanges vifs entre frère et sœur, des conseils et des paroles plutôt libres et un coup de téléphone à la maman qui apparait alors timidement dans l’histoire, dans son rôle d’adulte inquiète et soucieuse du bien-être de ses enfants. Cette page est, elle aussi croustillante car on suit en parallèle la maman, coincée dans le métro et les enfants qui lui répondent en courant à droite et à gauche pour continuer leurs explorations.
Certains passages en doubles pleines-pages ralentissent parfois le rythme comme pour mieux savourer la sieste, le feu de camp ou la nuit sous la tente mais aussi pour montrer la durée trop longue des mauvais instants comme la pluie qui ne s’arrête pas ou la côte qui est si longue à monter. Ce sont des respirations qui reposent le lecteur comme les aventuriers !

Les couleurs éclatent à toutes les pages de ce livre, dans des dégradés tendres et doux mais aussi plus sombres pour les scènes nocturnes qui restent empreintes d’une belle solidarité entre frère et sœur. Parfois, seules les trois couleurs primaires tranchent sur la page blanche qui devient une surface non délimitée mais compréhensible : mare aux ricochets, rivière des canoës, tapis de sieste ou côte à monter. Les pages s’enflamment aussi dans les couleurs du couchant ou s’illuminent après la pluie dans une grande contre-plongée qui éclaire subitement les visages et le ciel. Le graphisme est simple mais suffisant, léger comme les coups de crayon noir qui croquent les positions ou les expressions enfantines avec malice.

Après ces deux jours à trois, les enfants retrouvent leur maman avec plaisir et on imagine sans mal tout ce qu’ils auront à lui raconter…sous l’œil attendri de leur père, récompensé pour toute l’énergie qu’il a déployée. Et c’est un vrai plaisir pour le lecteur aussi …qui découvre cette scène sur la troisième de couverture ! Du début à la fin, tout l’espace du livre est totalement utilisé.

Notre avis

Voilà un papa bien maladroit et joliment rêveur qui cherche à transmettre sa passion et à lâcher la bride à ses enfants pour vivre de belles journées avec eux. On sent des relations chaleureuses et du plaisir véritable des deux côtés. C’est une aventure simple, sans objectif extraordinaire, qui permet de vivre des moments, pas touspréparés, mais qui rendent l’imprévu charmant. La maman n’est pas présente mais elle est là dans les paroles des enfants et à distance par le téléphone. C’est un bon équilibre qui donne de la stabilité mais aussi de la nouveauté possible dans les rapports parents-enfants.
Les jeunes lecteurs se régaleront à lire tous les morceaux de textes dispersés sous toutes leurs formes, à fouiller dans les pages denses dessinées les détails et les incongruités, à revenir en arrière puis à repartir à la fin de l’ouvrage tant sa lecture se prête à des allers-retours nombreux.

La Révélation Livre jeunesse de l’ADAGP a été décernée à Alice Ourghanlian pour l’album Un long week-end en canoë, paru en mai 2025 aux éditions Hélium. La Révélation Livre jeunesse est remise en partenariat avec La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. C’est la première publication de cette jeune autrice, déjà repérée à la foire internationale de Bologne en 2022ce qui lui a permis de suivre un Master en illustration et de travailler sur un projet de livre confié par l’un des éditeurs partenaires.

Pour aller plus loin dans la relation père-fils

Aron est un petit garçon rêveur. Il ne se reconnaît guère dans les aspirations et les façons de faire de ses camarades. Un après-midi, après l’école, Aron et son papa vont se promener. Commence alors une discussion tendre sur la sensibilité et le potentiel de chacun.