Je parle comme une rivière
Auteur | Jordan Scott |
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Illustrateur | Sydney Smith |
Editeur | Didier jeunesse-2021 |
Chaque matin, je me réveille avec les bruits des mots autour de moi.
Mais ma bouche ne marche pas. Elle est pleine à craquer des mots que je ne peux pas prononcer.
Mots-clés : langage, relation adultes-enfant
Présentation de l’éditeur
Et si les mots restaient toujours coincés ? Un garçon atteint de bégaiement se sent isolé, seul et incapable de communiquer comme il le voudrait. Une promenade au bord de la rivière avec son papa l’aide à retrouver sa voix.
« Je regarde l’eau. Elle bouillonne, tournoie, gicle, et se brise. Papa dit que je parle comme une rivière. »
Une présentation vidéo très réussie.
Notre avis
Ecrit par Jordan Scott, un spécialiste du bégaiement, ce récit est un texte sensible, émouvant et prenant.
Il nous fait souffrir en même temps que l’enfant qui veut parler mais n’arrive pas à prononcer les mots qu’il voudrait dire. Celui qui se cache au fond de la classe pour ne pas avoir à parler, celui qui grimace pour cacher sa peur, celui qui voudrait fuir pour ne pas montrer que sa bouche ne fonctionne pas. Pourtant, il a envie de communiquer, il veut réussir comme les autres mais le stress d’être face au groupe aggrave encore son trouble. Il se réfugie alors dans le silence et voudrait pouvoir rentrer chez lui.
Heureusement, son père le comprend, essaie de relativiser le problème et propose à son fils une promenade à la rivière. Le calme de la nature, la confiance en l’adulte, la relation aux éléments permettent une allégorie que l’enfant va adopter : La rivière bouillonne, gicle, tournoie et se brise, comme les mots dans sa bouche. Mais elle sait aussi être lisse et brillante et tranquille et couler doucement.
« Tu parles comme une rivière » lui dit son père. Une phrase « magique » qui va devenir une espèce de mantra que l’enfant se répète comme une force qui l’empêchera de pleurer, qui le soutiendra quand il n’aura pas envie de parler, quand les mots seront trop durs pour lui. La rivière bégaie comme lui.
Le récit s’éclaire au contact de la nature qui lui donne le déclic pour accepter son problème et pour avancer doucement vers une solution possible.
L’image du père qui prend du temps avec son fils, qui l’aide et lui donne des images mentales à utiliser quand il est en difficulté est suffisamment rare pour être soulignée.
Le vocabulaire est magnifique et permet de bien comprendre les émotions que l’enfant traverse : je sens qu’un orage gronde dans mon ventre, mes yeux débordent de pluie / des larmes de lune se glissent sur mes lèvres en une longue plainte / le pin qui prend racine et pétrifie ma langue …C’est une belle écriture poétique que les jeunes lecteurs n’auront pas de mal à comprendre.
Les illustrations de Sydney Smith sont époustouflantes de beauté et de lumière. On y retrouve la même sensibilité que dans le texte avec une douceur incroyable et communicative. On y trouve des jeux de transparences, des ambiances de solitude, des angoisses de moqueries face aux autres et la perception du rejet et de la différence. Des pages de brumes, de multiplication de visages, de peur… qui contrastent ensuite avec des plans plus larges de la nature où, au lieu d’être au centre de la focalisation, l’enfant se retrouve tout petit face à la rivière.
Le travail sur la mise en page est magnifique. Les illustrations apparaissent en bandes horizontales, ou en pleines pages, en plans rapprochés ou en plans larges, en petites cases qui forment un quadrillage. Quand la nature arrive, elle se développe peu à peu en de grands espaces pour arriver à une double page « magique » où le visage de l’enfant s’ouvre pour laisser place à la rivière qui entre peu à peu en lui pour lui donner sa force.
On plonge dans ces images comme dans la rivière pour en ressortir grandi. C’est une vraie merveille.
Cet album est d’une rare qualité littéraire et graphique, empreint de poésie et de délicatesse. Il aura besoin d’être lu avec l’adulte pour être compris et apprécié à sa juste valeur.
Pour aller plus loin
L’illustrateur, Sydney Smith, nous avait déjà séduits dans D’ici je vois la mer .
L’auteur, Jordan Scott est un poète canadien qui a reçu le prix de poésie LatnerWriters Trust 2018 pour sa contribution à la poésie canadienne.
Son ouvrage « Je parle comme une rivière » (« I Talk Like a River« , 2020), a été nommé meilleur livre jeunesse de l’année 2020 par « Publishers Weekly »
Il a un compte Twitter .
Mise en ligne, mai 2022