Jérémie et le vent

Jérémie et le vent
Auteure

Pamela Butchart

Illustratrice

Kate Hindley

Editeur

Glénat Jeunesse-2021

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Jérémie est un enfant inquiet, tout l’effraie : les vers mangeurs de chaussures, les biscuits trop croquants, les dinosaures en fuite, les tartines brûlées et les écureuils maléfiques. Mais la plus grande peur de Jérémie, celle qu’il ne peut pas contrôler, c’est celle-ci : Jérémie a très peur du vent ! Heureusement, son amie Marguerite, une super casse-cou, va l’aider à surmonter ses craintes. Des héros attachants qui vont être emportés dans un tourbillon de péripéties et vont faire preuve de résilience face aux événements !

Mots-clés : émotions

Présentation générale

Une grosse tête, pas de cou, un pull jacquard, des chaussettes dissymétriques et des chaussures à lacets.. Jérémie est un petit garçon à l’allure un peu désuète, presque démodée. Ses grands yeux sont surdimensionnés, deux grosses billes blanches avec une petite boule noire au centre. Il a un regard perdu. Il n’est pas triste, juste inquiet du monde qui l’entoure.
Stoïque, presque blasé en début de récit, son attitude va changer lorsqu’il va rencontrer Marguerite, une petite fille beaucoup plus détendue. Dans un premier temps il va tenter de protéger Marguerite malgré l’indifférence de son amie. Mais quand va souffler le vent… Jérémie va s’envoler vers des aventures folles, incroyables, sans paroles et tellement palpitantes qu’il n’aura qu’une envie : recommencer.

La narration passe autant par le texte que par l’image avec une mise en page dynamique qui ne laisse pas le temps de s’ennuyer. Toutes les phases émotionnelles par lesquelles passe Jérémie sont l’objet de sourires en tout genre parce qu’il y a de l’excès, de l’insolite, de la surprise. Un récit drôle et tendre qui laisse la place à un imaginaire foisonnant.

Notre avis

La peur du vent

Et pourquoi pas ? Certains enfants ont peur du loup, des sorcières, de la nuit… On peut tout à fait comprendre qu’un enfant ait peur du vent. Le vent change la perception de l’air sur la peau, il peut déséquilibrer le corps, il peut faire s’envoler différentes choses, il est bruyant et peut siffler… Il y a de quoi être effrayé.En même temps Jérémie s’inquiète de tout, de la fermeture éclair du manteau qui peut se coincer aux lacets défaits en passant par la banane trop mûre. Il imagine toujours ce qui pourrait se passer « si…. ».A chaque fois il trouve une solution pour parer à ses angoisses, il laisse son manteau ouvert, défait ses lacets et arrête de manger des bananes. Mais contre le vent, que faire ?S’accrocher à un réverbère comme le suggère la première de couverture.

L’expérience de Jérémie lorsqu’il est emporté par le vent est totalement jubilatoire. Il n’est plus question de réfléchir en termes de sécurité pragmatique du quotidien. Jérémie se lâche et fait marcher son imagination à fond. Il se laisse porter dans des aventures rocambolesques et totalement imprévues tel Indiana Jones ou n’importe quel héros d’aventures folles. Il passe d’un traîneau tiré par des chiens à la défense d’un narval pour grimper sur un bateau de pirates et se retrouver suspendu à une corde tenue par un hélicoptère piloté par un écureuil. Dingue ! Un moment d’extravagance que les lecteurs auront sûrement plaisir à mettre en mots.

Subir ou agir

Quand on a peur on peut rester figé, fuir ou affronter le danger. Au début du récit Jérémie ne bouge pas, il(est) comme pétrifié. Il reste droit comme un « I » devant les problèmes qu’il imagine. Quand arrive Marguerite, il devient un peu plus actif, il veut lui montrer comment se protéger. Mais Marguerite l’écoute peu. La question récurrente qu’elle lui pose « Quelle est la pire chose qui puisse arriver ? » reste en suspens. Jérémie ne fait qu’agir en fonction de son amie, il ne peut pas encore aller de l’avant. Il continue de subir le début de son aventure fantasmée. Il tombe, vole, plonge avec ses yeux toujours écarquillés, sans mouvements de bras ou de jambes pour se débattre. L’arrivée sur le bateau de pirates change la donne, il est obligé de courir pour éviter d’être embroché par les sabres des malfrats. C’est lui qui décide de prendre la corde qui le sauve et il sourit vraiment lors de son trajet en suspension. Son regard est fier quand il retrouve Marguerite et c’est lui qui emmène la petite fille chevaucher un dragon avant de reprendre à son compte la phrase fétiche de son amie, « Quelle est la pire chose qui puisse arriver ? ».

En voulant protéger Marguerite, Jérémie a réussi à prendre des initiatives et à lâcher la bride à ses craintes imaginaires pour voir plus loin. Il a évolué tout seul, comme un grand ! Quoique…. La dernière page, dans la veine humoristique qui caractérise l’album, reprend l’angoisse de la banane sur le personnage de Marguerite. Rien n’est acquis !

Entre texte et image

On pourrait croire que l’auteure et l’illustratrice ne font qu’une tellement la narration est partagée entre texte et image. L’une et l’autre jouent avec bonheur sur les exagérations des émotions, des sentiments. Les blancs de texte ouvrent des perspectives illustratives foisonnantes et visiblement inspirantes.

Les inquiétudes de Jérémie, par exemple, sont tellement multiples et originales qu’elles en deviennent cocasses. L’image les présente toutes en s’amusant à croiser les références, le « dinosaure en fuite » est affublé de « chaussettes solitaires », un « écureuil maléfique » croque un « biscuit croquant ». Il est même question d’autres peurs tues dans le texte mais représentées par l’image comme celle « d’être mangé tout cru ». La peur du vent est mise en exergue sur la double page représentant une quantité impressionnante d’objets volants, emportés par le vent. Les trois doubles-pages d’aventure sans paroles sont encadrées par le texte mais c’est l’image qui a la part belle dans ce temps de la narration. L’apparition d’un écureuil maléfique aux commandes de l’hélicoptère « La noisette volante » est comme l’apothéose du délire de Jérémie !

Sans aucun doute cette harmonie teintée d’humour entre le texte et l’image permet de prendre de la distance par rapport au récit et de rassurer le lecteur plongé dans l’univers assez anxiogène de Jérémie.

Prolongements

Un classique de la littérature jeunesse, La tempête de Claude Ponti,parle aussi de la peur et du vent. Un album à ne pas manquer !

Le vent peut tout démantibuler, même les bonshommes. Pour en savoir plus vous pouvez lire La promenade de Flaubert d’Antonin Louchard.

Promenade de flaubert (ne) (La) Tempete (La)